Référence : Archibald Joseph Cronin, La citadelle, nouvelle traduction 2018 de l’anglais (Ecosse) par Maurice Rémon, éditions Tusitala, collection Insomnies, 538 pages.

            
                                                                               Cronin avec sa femme et leur fils

Joseph Cronin (1896-1981) fait partie de ces romanciers bien oubliés qui ont pourtant connu un succès considérable de leur vivant. Son roman le plus connu La Citadelle eut un énorme succès dans les années 1930, illustrant un genre qu’on nommait « l’idéalisme social ».

La postérité est injuste envers cet écrivain adulé du public qui dévorait ses romans les plus célèbres comme Le Chapelier et son château (1931), Sous le regard des étoiles (1935), Les Clés du royaume (1941), Le Destin de Robert Shannon (1948) et La Citadelle (1937), qui raconte le parcours initiatique d’un jeune médecin partagé entre sa volonté de bien soigner son prochain et son aspiration à une carrière fructueuse. Un livre qui obtint le National Book Award aux États-Unis, complété par une adaptation cinématographique qui King Vidor qui fut le plus gros succès de l’année 1938 au Royaume-Uni et quatre fois nommé aux Oscars.

     
La Citadelle qui raconte donc l’histoire d’un jeune médecin qui cédera d’abord aux sirènes de l’arrivisme et à ses compromissions avant de saisir la dimension sociale de sa mission, s’appuie sur nombre de détails autobiographiques. Cronin avait été médecin hospitalier à Glasgow et Dublin, puis généraliste dans le village de Garelochhead, dans le pays de Galles minier. 

Il y fut confronté à la pauvreté de la population, témoin de la catastrophe de la mine de Pengelly où 38 mineurs trouvèrent la mort et qu’il évoquera dans un autre roman intitulé Sous le regard des étoiles. En 1925, il devint médecin à Londres, un médecin apprécié et reconnu mais le sort va en décider autrement quand la maladie l’obligera à prendre six mois de repos. C’est ainsi qu’il écrira son premier roman, et son premier succès, Chapelier et son château.

               

Lors de sa parution, La Citadelle souleva beaucoup d’émotions et d’indignation. On dit même que le livre contribua à la création du National Health Service, la Sécurité sociale britannique. Cet "idéalisme social" des années trente, avant le Goulag et l’holocauste,  qui caractérise son œuvre et renvoie aux Hommes de bonne volonté  de Jules Romain, peut sembler assez angélique de nos jours.


Cronin, sa femme Agnès-Mary et leur fils Andrew


Ses personnages connaissent souvent, après la réussite sociale, un échec personnel comme si une certaine forme de bonheur était incompatible avec toute réalisation personnelle. Une espèce de rédemption par le doute et la souffrance comme chez les grands auteurs catholiques français que sont par exemple François Mauriac ou Georges Bernanos où toute chute renforce l’homme. 

Ainsi en est-il du père Chisholm des Clés du royaume qui échoue dans son œuvre pour qu’elle soit reconnue.
Ainsi en est-il du héros de La Citadelle qui sacrifie ses ambitions pour rester fidèle à lui-même. Telle cette scène du roman où le jeune médecin qui rate une opération est confronté à ses propres limites. On est loin ici de l’angélisme supposée de Cronin, au moins pour ses œuvres les plus accomplies, les suivantes comme L’Arbre de Judas en 1961, ou plus tard encore Gracie Lindsay en 1973 étant beaucoup plus consensuelles.

                
Les clés du royaume, le film avec Gregory Peck


Voir aussi mes articles sur Jack London : 
* Martin Eden -- Le talon de fer, préface de Bernard Clavel -- Martin Eden --

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