Référence : Philippe Djian, À l'aube, Éditions Gallimard, 190 pages, mars 2018
« Je ne suis pas un écrivain rock. » Interview à l’Obs, février 2016
Philippe Djian en 2012
"À l'aube" : une grande économie de ponctuation
Un roman où le puzzle de départ se constitue peu à peu au fil des pages. Joan et Dora, propriétaires d'une boutique de vêtements entretiennent un réseau "d'escorte - girls". Marlon, le frère de Joan est autiste, Gordon et Suzan, leurs parents, activistes patentés dans leur jeunesse, viennent de trouver une mort brutale.
On apprend aussi qu’un nommé Howard, un amant mal vu, est venu fouiller la maison et que Ann-Margaret, qui s’occupe de Marlon, est un véritable poison et que John
le shérif adjoint, doté d’un jeune garçon braillard, sait parfois
s’arranger avec la loi… selon sans doute l’adage que nécessité fait loi.
Un monde interlope, des personnages assez malheureux dont la situation
ne s’améliore pas vraiment. Un crépuscule plutôt qu’une aube.
On peut dire que c’est un roman vraiment sombre avec des personnages
qui savent qu’ils ne vont pas bien sans assez fort pour changer, vivre
autre chose. Mais peut-être que Marlon pourrait échapper à cette logique.
Et
les choses ne vont pas en s’arrangeant même si on se fait des idées sur
les gens, on est influencé par l’image mentale qu’on en a eu au départ.
Par exemple dit-il dans une interview, [1] « John
n’est pas antipathique, mais simplement, en qualité de shérif, il a le
pouvoir d’"influencer" certains événements… Dans une vision normale,
morale, on pourrait le traiter de ripou, mais en fait ce n’est pas si
simple. » Même chose pour Joan qui accepte la proposition de Dora,
une amie de ses parents, de travailler comme call-girl, pensant que,
finalement, ça vaut mieux que caissière dans un hypermarché pour un
maigre salaire.
Avec son ami Stephan Eicher
Les personnages ont une espèce de double vie. Les parents de Joan
par exemple, des intellectuels militants qui mènent cependant chacun
leur propre vie. Vies fragmentées qui ne sont pas forcément
dichotomiques, l’ombre et la lumière : « J’ai surtout l’impression,
en tant que romancier, d’avoir le pouvoir de révéler sur mes personnages
ce que beaucoup d’entre nous cachent dans la vraie vie. »
Mais, même les plus antipathiques comme Howard, ressentent parfois de l’amitié ou de la compassion, « j’essaie
de montrer que même si on peut les condamner au nom d’une morale très
stricte, ils ne sont en fait pas condamnables. »
Le roman est organisé en deux grandes parties, la scène violente étant comme une césure, ce qui serait dit-il, « le climax dans un thriller. » Il se poursuit six mois plus tard car, si les choses ont évolué, que Joan a déménagé par exemple, il ya quand même une certaine continuité et que, ajoute Djian avec volupté, « on
va maintenant pouvoir observer comment ça va se passer vraiment entre
les personnages, et c’est là que ça devient encore plus intéressant. » [1]
Philippe Djian : quelques repères
Philippe Djian est propulsé sur le devant de la scène quand son roman "37°2 le matin" est adapté au cinéma par Jean-Jacques Beineix en 1986. Quelque quatre millions de spectateurs vont ainsi découvrir la tornade Betty alias Béatrice Dalle et son amant Zorg alias Jean-Hugues Anglade. Il devient celui qu’on appelle « l'écrivain rock numéro un », appellation qu’il récuse aujourd’hui.
C’est un écrivain qui aime bouger. Après avoir habité dans les Corbières pour y retaper une vieille bergerie, il s'établit à Martha's Vineyard , une île au large de Boston, puis en Suisse, au Pays basque à Biarritz, et en 1991, en Italie vers Florence avec sa femme artiste et leurs enfants.
Notes et références
[1] Entretien avec Philippe Djian en mars 2018, Le Bulletin Gallimard
Voir mes fiches sur Philippe Djian :
- Philippe Djian, "Impuretés" -- "Oh" (prix Interallié 2012) --
- Philippe Djian, Chéri-Chéri -- Sotos -- Dispersez-vous, ralliez-vous –-
- Philippe Djian, À l’aube --
<< Christian Broussas – Djian, À l’aube - 27/04/2018 © • cjb • © >>
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire