Référence : JM Coetzee, L'été de la vie, éditions Le Seuil, 316 pages, 2010
« Comme l’a souligné Zbigniew Herbert , [1] l’ironie est comme le sel : cela crisse sous la dent avec une saveur éphémère ; cette saveur disparue, il reste la brutale réalité. » (page 24)
Après Scènes de la vie d'un jeune garçon et Vers l'âge d'homme, John Coetzee a publié L'été de la vie, le troisième volet de son autobiographie. Cette fois, il a atteint la trentaine, revient dans son pays natal, partageant avec son père une vieille maison dans la banlieue du Cap.

Curieuse autobiographie au demeurant puisque le témoignage passe par l'enquête d'un jeune universitaire anglais qui en brosse un portrait posthume à travers les témoignages d'un collègue et de quatre femmes qui auraient compté dans la vie de l'écrivain dans les années soixante-dix.
Il s'en dégage un homme maladroit, assez mal à l'aise dans sa peau et replié sur lui-même. Ces 5 témoignages, de la femme adultère, de la danseuse brésilienne, de la cousine chérie, de l'universitaire et de sa maîtresse française dessinent un amoureux assez tiède, un amant sans grande chaleur, un enseignant bien moyen qui n'accroche guère avec ses élèves.
« Et si nous ne cessions d'inventer l'histoire de notre vie ? » (page 270)
Les entretiens du jeune universitaire sont complétés par des notes et des extraits de Carnets, prétextes à réflexions et à interrogations de l'écrivain. De ce récit entre humour grinçant et une souffrance pudique, il en ressort un homme mal à l'aise dans son corps et son époque qui pense que « comme certaines générations ont pour destin d’être détruites par la guerre, on dirait bien que le destin de la nôtre est d’être broyée par la politique. »
Il pense également que « comprendre les choses est une perte de temps; si on veut réussir dans la vie... on devrait se contenter d'additionner des chiffres, ou presser des boutons ou dieu sait quoi... »

Sa mère en 1955 JM Coetzee Une enfance de Jésus
Dans cette biographie en partie fictive, Coetzee mêle le vrai et le faux, pour brosser le superbe autoportrait d'un jeune écrivain assez terne et solitaire. Cette vision est teintée d'autodérision et bien sûr une mine de renseignements sur le futur écrivain : sa relation difficile avec son pays et la communauté afrikaner dont il est issu – il se présente lui-même comme « un écrivain occidental vivant en Afrique du Sud » –, ses penchants libertaire et pessimiste et son refus de tout militantisme politique.
Portraits de Coetzee en 1955 et en 2014
Complément : L’écrivain et l’homme d’action
JM Coetzee, un homme secret qui répugne à se montrer, à donner des interviews. Il déclarait d’ailleurs en 1985 : « Un des aspects les plus étranges de la renommée littéraire, c'est que vous prouvez votre compétence comme écrivain et comme inventeur d'histoires, et les gens vous demandent à grands cris de faire des discours et de leur dire ce que vous pensez du monde. »
Son retrait vis-à vis de l’action politique s’exprime aussi en ces termes : « Je ne vois pas pourquoi on devrait automatiquement traduire ou essayer de traduire ma pensée en termes politiques. Il n'est pas nécessaire de connaître mes idées pour comprendre mes livres »
À propos de son pays (au temps de l'apartheid), il dira en 1987 : « Dans une société de maîtres et d'esclaves, personne n'est libre. L'esclave n'est pas libre parce qu'il n'est pas son propre maître ; le maître ne l'est pas parce qu'il ne peut se passer de l'esclave, » ajoutant avec la vision pessimiste qui le caractérise : « Ma pensée est absolument confondue et impuissante devant la souffrance dans le monde. Et pourtant, même dans un âge de fer, la pitié n'est pas réduite au silence. »
Paul Auster et JM Coetzee
Notes et références
[1] Zbigniew Herbert (1924-1998) est un poète et dramaturge polonais, brillant essayiste aussi, auteur d'une trilogie : Un barbare dans le jardin, Nature morte avec bride et mors et Le labyrinthe auprès de la mer.
Voir sa bibliographie --
* Voir aussi ma catégorie Prix Nobel de littérature --
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« Comme l’a souligné Zbigniew Herbert , [1] l’ironie est comme le sel : cela crisse sous la dent avec une saveur éphémère ; cette saveur disparue, il reste la brutale réalité. » (page 24)


Après Scènes de la vie d'un jeune garçon et Vers l'âge d'homme, John Coetzee a publié L'été de la vie, le troisième volet de son autobiographie. Cette fois, il a atteint la trentaine, revient dans son pays natal, partageant avec son père une vieille maison dans la banlieue du Cap.



Curieuse autobiographie au demeurant puisque le témoignage passe par l'enquête d'un jeune universitaire anglais qui en brosse un portrait posthume à travers les témoignages d'un collègue et de quatre femmes qui auraient compté dans la vie de l'écrivain dans les années soixante-dix.



Il s'en dégage un homme maladroit, assez mal à l'aise dans sa peau et replié sur lui-même. Ces 5 témoignages, de la femme adultère, de la danseuse brésilienne, de la cousine chérie, de l'universitaire et de sa maîtresse française dessinent un amoureux assez tiède, un amant sans grande chaleur, un enseignant bien moyen qui n'accroche guère avec ses élèves.


« Et si nous ne cessions d'inventer l'histoire de notre vie ? » (page 270)
Les entretiens du jeune universitaire sont complétés par des notes et des extraits de Carnets, prétextes à réflexions et à interrogations de l'écrivain. De ce récit entre humour grinçant et une souffrance pudique, il en ressort un homme mal à l'aise dans son corps et son époque qui pense que « comme certaines générations ont pour destin d’être détruites par la guerre, on dirait bien que le destin de la nôtre est d’être broyée par la politique. »
Il pense également que « comprendre les choses est une perte de temps; si on veut réussir dans la vie... on devrait se contenter d'additionner des chiffres, ou presser des boutons ou dieu sait quoi... »


Sa mère en 1955 JM Coetzee Une enfance de Jésus
Dans cette biographie en partie fictive, Coetzee mêle le vrai et le faux, pour brosser le superbe autoportrait d'un jeune écrivain assez terne et solitaire. Cette vision est teintée d'autodérision et bien sûr une mine de renseignements sur le futur écrivain : sa relation difficile avec son pays et la communauté afrikaner dont il est issu – il se présente lui-même comme « un écrivain occidental vivant en Afrique du Sud » –, ses penchants libertaire et pessimiste et son refus de tout militantisme politique.

Portraits de Coetzee en 1955 et en 2014
Complément : L’écrivain et l’homme d’action
JM Coetzee, un homme secret qui répugne à se montrer, à donner des interviews. Il déclarait d’ailleurs en 1985 : « Un des aspects les plus étranges de la renommée littéraire, c'est que vous prouvez votre compétence comme écrivain et comme inventeur d'histoires, et les gens vous demandent à grands cris de faire des discours et de leur dire ce que vous pensez du monde. »
Son retrait vis-à vis de l’action politique s’exprime aussi en ces termes : « Je ne vois pas pourquoi on devrait automatiquement traduire ou essayer de traduire ma pensée en termes politiques. Il n'est pas nécessaire de connaître mes idées pour comprendre mes livres »
À propos de son pays (au temps de l'apartheid), il dira en 1987 : « Dans une société de maîtres et d'esclaves, personne n'est libre. L'esclave n'est pas libre parce qu'il n'est pas son propre maître ; le maître ne l'est pas parce qu'il ne peut se passer de l'esclave, » ajoutant avec la vision pessimiste qui le caractérise : « Ma pensée est absolument confondue et impuissante devant la souffrance dans le monde. Et pourtant, même dans un âge de fer, la pitié n'est pas réduite au silence. »

Notes et références
[1] Zbigniew Herbert (1924-1998) est un poète et dramaturge polonais, brillant essayiste aussi, auteur d'une trilogie : Un barbare dans le jardin, Nature morte avec bride et mors et Le labyrinthe auprès de la mer.
Voir sa bibliographie --
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