Référence : Marc Dugain, Avenue des géants, éditions Gallimard, 361 pages, 2012

 

Ce n'est pas la première fois qu'un auteur s'empare de cette histoire. Déjà en 1959, l'Américain Robert Bloch publiait Psycho, l'histoire de Norman Bates, un type vraiment perturbé qui est allé jusqu'à tuer et empaillé sa mère abusive. Vers 1990, c'est un autre auteur Bret Easton Ellis qui publiait American Psycho, récit des tribulations d'un nommé Patrick Bateman qui vira massacreur misogyne.  

Marc Dugain nous offre un nouveau "serial killer", personnage qui n'évolue plus guère que dans le cadre des séries télé américaines. D'une certaine façon, il renoue avec des personnages hors du commun qu'on retrouve dans ses romans les plus connus comme La Chambre des officiers (1998), Une exécution ordinaire (2007) ou La Malédiction d'Edgar (2005).

           
                                                       Le géant
Edmund Kemper, le "vrai" Al Kenner

Marc Dugain.s'est donc de nouveau inspiré du destin de ce personnage, l'Américain Edmund Kemper, sans doute encore actuellement incarcéré. Un personnage d'une densité particulière qui a dû singulièrement inspirer l'auteur, densité mélangée aux ambiguïtés mâtinées d'un certaine humanité qui se dégagent de sa destinée et de cette Amérique des années 1970 qui est très bien rendue.

Il était tentant pour Marc Dugain d'établir un parallèle entre une époque marquée par la guerre du Vietnam, meurtres légaux où ceux qui en reviennent sont souvent brisés, suicidaires ou dangereux pour la société. Meurtre légal, collectif contre meurtre individuel qui mène à la chaise électrique.



Pourtant, Al Kenner se range du côté du pouvoir. Il déteste les hippies, les chevelus, les filles riches comme cette mère qui le traitait d'éléphant de mer et de tapette. Une mère qui disait aussi :  « Je suis la première femme à avoir fait une fausse couche menée à son terme.» Si le tueur en série ne se différencie pas forcément du Français moyen, il se présente aussi comme ici sous la forme d'un monstre sanguinaire de film d'horreur, renvoyant à ce refrain que chantait Jim Morrison : « There's a killer on the road »… (il y a un tueur sur la route)


                

Son héros Al Kenner est-il vraiment le diable, celui voué à faire le mal ? Adolescent angoissé, on le serait à moins quand on a un corps démesuré dont il ne sait que faire et un QI démesuré lui-aussi qui ne l'encombre pas moins, avec en prime ignoré, laissé à lui-même par un père absent et une mère maltraitante.

A 15 ans, il tue ses grands-parents avec une carabine. Interné, il est libéré cinq ans plus tard, réputé guéri.  Mais sous l'homme "normal", réinséré, se profile un tueur en série froid et déterminé, qui cherche le crime qui le délivrera du Mal.

Al Kenner est d'abord un être en souffrance, en quête d'un impossible amour maternel mais étrangement si lucide qu'il ne peut pas nouer une relation normale avec autrui, reconnaissant que "quelque chose me disait au fond de moi que c'était râpé pour toujours."
Un héros pas très sympathique certes, mais quelque peu attachant malgré son parcours tragique.  



L’échange des princesses Film de Marc Dugain d’après Chantal Thomas


Mes fichiers sur Marc Dugain 
* La malédiction d'Edgar -- L'emprise 1 -- L'emprise 2 --
Avenue des géants --

Voir aussi 
* Gérard Mordillat, Xénia -- Les vivants et les morts --


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