

Lisbonne : Casa dos Bicos ticket hébergeant la Fondation José Saramago
« J'ai trouvé le chaînon manquant entre l'animal et l'homme civilisé; c'est nous » disait-il, empruntant cette citation à Konrad Lorenz.
Bien moins connu que Fernando Pessoa par exemple, José Saramago -en fait le surnom de son père- n’en a pas moins longtemps secoué une société portugaise dominée par le traumatisme de la décolonisation et préférant recourir à la religion et se replier sur ses valeurs ancestrales.
En une soixantaine d'années, José Saramago a publié une trentaine d'œuvres, des romans mais aussi de la poésie, des essais et des pièces de théâtre.
Il était parti se réfugier dans une île des Canaries après l’esclandre de la publication en 1993 de son ouvrage « L’Évangile selon Jésus-Christ ». Roman iconoclaste s’il en est, où Jésus ne s'entendait pas avec sa Sainte-mère, élevé par un Satan déguisé en berger avant de connaître les amours coupables avec Marie-Madeleine… autant de blasphèmes impardonnables.
Il reviendra sur ce thème en 2009, dans son dernier roman intitulé « Caïn », où Caïn avait tué Abel parce qu'il ne pouvait tuer Dieu lui-même.


Son mariage avec Paula del Rio, sa femme et sa traductrice
C'était un fils de pauvre paysan né dans un pauvre village pas très loin de Lisbonne, affublé de ce surnom "saramago" qui désignait une mauvaise herbe dont se nourrissaient les pauvres en période de famine. Première tentative littéraire en 1947 mais, dira-t-il, « il m'est clairement apparu que je n'avais rien à dire d'important. Pendant 19 ans, jusqu'en 1966 où je publiai ''Les Poèmes possibles'', je fus absent de la scène littéraire portugaise, où peu de gens ont pu remarquer mon absence.»
Il faudra attendre les années 1980 pour qu’il soit reconnu, avec en particulier en 1982 « Le Dieu manchot », fable picaresque, « L'Année de la mort de Ricardo Reis » en 1984 et « Le Radeau de pierre » en 1986.


Saramago avec le couple Arafat
Sa vision d’un monde en déréliction va devenir encore plus pessimiste avec les romans de la décennie suivante qui lui vaudront de recevoir le prix Nobel de littérature en 1998, surtout en 1995 « L'Aveuglement », histoire d'une épidémie de cécité qui précipite une ville imaginaire dans la barbarie, « Tous les noms » deux ans plus tard, fable kafkaïenne sur la célébrité et l'absurdité administrative et « La Caverne » en 2000, où un centre commercial va absorber une ville entière et se substituer à la réalité.
Dans son dernier ouvrage en 2008, « Les Intermittences de la mort », il montre l'horreur d'un monde d'immortels, assez soulagé dans le fond de cette mort qui finalement se rattache à la vie, en est une composante qui déterminé la condition humaine.
Homme de gauche, José Saramago, membre du Parti Communiste Portugais, participa à la « Révolution des Œillets »
du 25 avril 1974 qui mit fin à la dictature salazariste. Il ne coyait
pas vraiment en la construction européenne, dénonçant ses dérives
libérales. Engagé dans le mouvement altermondialiste, il avait participé
aux forums sociaux mondiaux et était l'un des signataires du Manifeste de Porto-Alegre. [1]


Son roman Menus souvenirs Saramago avec Gabriel Garcia-Marquez
Repères biographiques
Le prix Nobel de littérature José Saramago a été le premier auteur de langue portugaise à recevoir ce prix en 1998. Communiste et athée convaincu, il s’était exilé en 1993 sur l’île de Lanzarote aux Canaries après le scandale provoqué au Portugal par son livre L’Evangile selon Jésus-Christ. Fervent défenseur de la cause palestinienne, il avait également suscité à plusieurs reprises la polémique par ses déclarations anti-israéliennes.
Menus souvenirs
On trouve dans ce roman-souvenir une famille de paysans pauvres, une grand-mère analphabète, un père acharné au travail, un oncle qui vend des cochons à la foire aux bestiaux… et surtout un enfant qui court dans les oliveraies et passe de longues heures sur les rives du Tage, contemplant la beauté du ciel nocturne. Le Portugal d’antan renaît ainsi dans les menus souvenirs que José Saramago a arrachés à l’usure des années.
Il nous entraîne dans la simple réalité confortée par des images et des anecdotes puisées dans le quotidien, rapportées dans un style sobre mêlant poésie et ironie.

Notes et références
[1] Le Manifeste de Porto Alegre est une proposition pour un changement de société, écrit en 2005, il définit douze propositions pour un autre monde possible, socle minimal pour les mouvements de l'altermondialisme.
[2] Voir son entretien paru dans le Nouvel Observateur et intitulé "La démocratie est un mensonge".
* Voir sa bibliographie --
* Voir aussi ma catégorie Prix Nobel de littérature --
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