Peu connue en France, Wislawa Szymborska avait le double handicap d’être une poétesse, d’avoir un nom imprononçable en français et d’avoir passé la majeure partie de sa vie chez elle à Cracovie. Pourtant, outre son prix Nobel de littérature en 1996, son œuvre fut traduite en de nombreuses langues dont l’arabe, le chinois et l’hébreu.

         
                        Portraits de W
islawa Szymborska

Née en 1923 à Bnin, dans l’ouest de la Pologne, elle commence à écrire en 1945. Passionnée de littérature, elle travaille dans différentes revues et publie un premier texte intitulé « Je cherche le mot ». Elle est surtout connue depuis 1996, année où elle reçut le prix Nobel de Littérature. [1]

Ses poèmes se présentent souvent comme une réflexion sur la condition humaine teintée d'une certaine nostalgie, comme dans ce court poème intitulé Trois mots étranges extrait du recueil Vue avec grain de sable paru en français en 1996 :

Quand je prononce le mot Avenir,
Sa première syllabe appartient déjà au passé.

Quand je prononce le mot Silence,
je le détruis.
Quand je prononce le mot Rien,
Je crée une chose qui ne tiendrait dans aucun néant.

En lui remettant le prix Nobel, Birgitta Trotzig, membre de l’Académie suédoise, disait :  
« Pour Wislawa Szymborska, comme pour beaucoup d’autres poètes polonais contemporains, le point de départ est l’expérience d’une catastrophe, le sol qui s’effondre au-dessous d’elle, l’écroulement complet d’une foi. Mais le questionnement de la poétesse se déroulait dans le silence du travail poétique. »

Il est vrai qu’elle a traversé toutes ces époques troublées [2] sans vraiment s’engager, s’en tenant à son travail littéraire, se focalisant sur la vingtaine de recueils qui composent son œuvre.

Dans la revue "Découverte", elle écrivait en 1957 :
« Je crois en la main suspendue,
Je crois en la carrière brisée,
En des années de travail pour rien. 
Je crois en un secret emporté dans la tombe.
Ces mots planent très haut au-dessus des formules.
Ne cherchent nul appui sur quelque exemple que ce soit.
Ma foi est forte, aveugle, et sans aucun fondement. »


        
Lors de la remise du prix Nobel

Complément : Poème Jamais deux fois
Jamais rien n’arrive deux fois,
jamais rien ne se reproduit,
nous sommes nés sans bon usage
et sans routine mourrons surpris.


Serions-nous cancres les plus sots
à l’école de l’univers,
jamais nous ne redoublerons
aucun été aucun hiver.

Pas un des jours ne se répète
pas une nuit pareille à l’autre,
ni deux baisers tout identiques,
ni deux regards de l’un à l’autre.

Hier quand j’entendis quelqu’un
dire ton nom à haute voix,
ce fut pour moi comme une rose
par la croisée tombant sur moi.

Aujourd’hui nous étions deux,
mais j’ai collé ma face au mur.
Rose? A quoi ressemble une rose?
Est-ce une fleur ou une pierre dure?

Et pourquoi donc, heure mauvaise,
à ces peurs vaines te mêles-tu?
Tu es là et dois passer,
ce sera beau de n’être plus.

Dans nos sourires enlacés,
nous cherchons une entente sûre,
malgré nos grandes différences
ainsi que deux gouttes d’eau pure.

         

Notes et références
[1]
Une anthologie intitulée « De la mort sans exagérer » est parue chez Fayard dans la foulée du prix Nobel
[2]
Elle a connu en particulier la Seconde Guerre mondiale, la Pologne communiste et le passage au libéralisme.


* Voir sa bibliographie --
* Voir aussi ma catégorie Prix Nobel de littérature --


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