Georges Brassens a parfois mis en musique des poèmes de ses poètes préférés. [1] Il en est ainsi par exemple de Victor Hugo (Gastibelza et La légende de la nonne), Francis Jammes (La prière) ou Jean Richepin (Philistins et Les oiseaux de passage) [2] et des textes de son ami Paul Fort ou le poème intitulé Les Passantes d'Antoine Pol. 
 
        
       
Colombine et Arlequin      Idem par Degas             Colombine et Pierrot
La structure métrique du poème de Paul Verlaine, reprise par Brassens, se compose d'une alternance régulière de vers de 5, 5 et 2 syllabes. (solution que Brassens reprendra dans sa chanson Le vin)
Se pose aussi ici la question centrale de savoir comment adapter un poème à une chanson, pour faire coller paroles et musique, ce qui n’est évidemment pas la préoccupation du poète. On peut retrouver ce problème dans un autre poème mis en musique par Brassens, La prière de Francis Jammes. Il s’agit ici plus précisément d'une technique quelque peu différente : un intermède musical remplace le texte de Verlaine, sans doute parce que le format d’une chanson est le plus souvent plus court qu’un poème.
 
     
        
 
Portraits de Léandre et Cassandre                    Personnages masqués
De la même façon que Brassens coupe la dernière strophe du poème d'Aragon Il n'y a pas d'amour heureux, il a préféré dans Colombine supprimer la partie de l’image de la course des différents personnages, pour se concentrer sur les proches de Colombine, dans une relation galante entre elle-même et ses soupirants Léandre, Pierrot, Cassandre, Arlequin…
 Ce n’est pas pour rien que le recueil de Verlaine qui contient ce poème s’intitule Fêtes galantes.
 
                   
Verlaine Fêtes galantes                    Watteau Fêtes galantes
C O L O M B I N E
Léandre le sot,
 Pierrot qui d’un saut
         De puce
 Franchit le buisson,
 Cassandre sous son
         Capuce, [3]
[Personnages de la Commedia dell'arte]
Soubrette hardie et insolente, vêtue de blanc, Colombine est tour à tour maîtresse et femme d'Arlequin (ou Pierrot). souvent courtisée par des vieillards amoureux comme Cassandre ou comme Léandre, espèce de bellâtre vaniteux, tous deux souvent dupes d'Arlequin et de Pierrot. 
Jeune valet candide, Pierrot (qui joue sans masque) doit souvent supporter les facéties d'autres personnages.
Arlequin, comme Polichinelle,
 est un valet, en général meneur de l'intrigue, rusé, spirituel et 
railleur. Il apparaît avec un costume fait de pièces colorées, son 
masque noir, sa voix de fausset et son pas trépidant.
 Arlequin aussi,
 Cet aigrefin si [4]
       Fantasque
 Aux costumes fous,
 Ses yeux luisants sous
      Son masque,
[Modification :
 Verlaine écrit "son masque" et Brassens "le masque", faisant ainsi 
ressortir non le masque mais plutôt les yeux] 
[Chez Brassens, le premier vers de chaque strophe est chanté sur ces notes sauf le vers "do mi sol mi fa"]
 
 Do, mi, sol, mi, fa,
 Tout ce monde va,
       Rit, chante
 Et danse devant
 Une belle enfant
       Méchante [5]
[La mise en musique ne permet pas d’établir une liaison entre "et danse" et "tout ce monde", pouvant laisser penser que c'est Colombine qui danse]
 
 Dont les yeux pervers
 Comme les yeux verts
       Des chattes
 Gardent ses appas
 Et disent : « A bas
    Les pattes ! » [6]
[Les yeux verts des chattes : voir sa chanson "Putain de toi"]
[Appas, charmes féminins et non appâts dont on se sert pour attirer les poissons]
Eux ils vont toujours ! 
 Fatidique cours
       Des astres,
Oh ! dis-moi vers quels
 Mornes ou cruels
       Désastres
 
 L’implacable enfant,
 Preste et relevant
       Ses jupes,  [7]
 La rose au chapeau,
 Conduit son troupeau
      De dupes ? [8]
 
         
Notes et références
 [1] Pour une info complète sur ce sujet, voir Brassens chante les poètes --
[2] Voir par exemple Brassens et Richepin --
[3] Capuce : De l'italien cappucio = cape, capuchon. (cf le capucin qui est un moine portant capuche)
[4] Aigrefin : Pourrait venir de "agrifer", saisir à l’aide de griffes. (cf "escroc")
[5] Derrière la frivolité de façade se profile le jeu ambigu et même pervers de Colombine
[6] Toujours le jeu manipulatoire, malsain de Colombine qui les aguiche tout en dissuadant une relation plus poussée
[7]
 On ne sait trop si Colombine relève ses jupes pour cheminer plus à 
l’aise ou pour faire la coquette et faire découvrir chevilles et 
mollets. Espèce de Vénus qui rappelle Saturne ou d’autres chansons de 
Brassens.
[8] Forme interrogative laissant ouverte toute conclusion 
Voir aussi