Romain Rolland le pacifiste

                
R. Rolland & la Suisse                     Romain Rolland et Gandhi [1]

Le Bourguignon Romain Rolland (1866-1944) était un amoureux de la Suisse. Il y est venu de nombreuses fois et s'y est même installé à partir de 1914 pour cause de guerre, séjour qu'il prolongea jusqu'en 1938. À partir de 1882, ses parents y passèrent très souvent leurs vacances estivales, profitant de l'air des montagnes qui ne pouvait qu'être bénéfique au jeune Romain à la santé délicate.


Villeneuve, le village et la Mairie (ancienne chapelle)


Les années 1880 du côté du Léman
Document utilisé pour la rédaction de l’article Été 1882, il a 16 ans, c'est son premier séjour en Suisse, il découvre le lac Léman et la montagne. 
« Maisons, montagnes, lacs, tout est un peu pour moi comme des personnes vivantes, tout m’inspire des sympathies et des antipathies humaines ; une montagne est le profil d’un visage, un lac est un regard, une maison la forme d’un esprit, » écrit-il à son amie Sofia Gerrieri. [2]
L'année suivante, le 19 août, il est à Villeneuve à l'hôtel du port, au bord du Léman, un peu au sud du château de Chillon et
espère y apercevoir Victor Hugo, qu'il admire, descendu au Grand hôtel Byron. Au bout de plusieurs heures, il finira par l'apercevoir... de loin.

Document utilisé pour la rédaction de l’article Été 1888 : il a 22 ans et passe deux mois à Aigle dans les Alpes vaudoises, au sud de Villeneuve où il perfectionne sa technique du piano, interprète Mozart, Beethoven et Chopin mais il sait déjà qu'il ne fera jamais une carrière de pianiste.

 
                La ville d'Aigle   et  le centre ville et le château

Séjours dans Les Grisons 1901 & 1903
Document utilisé pour la rédaction de l’article 1901 : Premier séjour à Saint-Moritz. Il cumule les problèmes : divorce d'avec Clotilde Bréal, ses pièces historiques accueillies fraîchement. Il veut tourner la page, loge à l'hôtel Wettstein, se consacre aux balades en montagne, au canotage sur le lac de Sils, fréquente le Badrutt's palace.  Et surtout, il y rejoint Sofia Guerrieri, son béguin rencontré à Rome 12 ans plus tôt au palais Farnèse. Mais la passion juvénile est loin et va se transformer en une profonde amitié. [2]

 
Saint-Moritz                                                   Lac de Sils vers Olten

Document utilisé pour la rédaction de l’article 1903 : Second séjour à Froburg-Olten.
Ce séjour est marqué d'une pierre blanche : le 17 juillet, il commence à écrire "Jean-Christophe", 10 ans de travail, 10 tomes, quelque 1600 pages. Un immense succès qui le propulsera au zénith des lettres européennes... et au prix Nobel en 1915. [3]

   
Olten                                                         Sierre, la mairie & sa place

Années de guerre et années "Villeneuve", 1914-1938
Il est de retour en Suisse et s'installe au park hôtel Mooser à Vevey pour un nouveau séjour estival à l'été 1914 quand la guerre le surprend. [9]
C'est ainsi en Suisse que cette grande figure du pacifisme publia en 1914 le manifeste "Au-dessus de la mêlée" dans le Journal de Genève, quitte à passer pour "traître à la patrie" et effectivement, il va souffrir d'un ostracisme dû à son pacifisme [4] et à sa proximité avec l'URSS après la guerre. Pendant toute sa vie, il n’a cessé de dénoncer la guerre et ses méfaits.

  
Villeneuve et sa plage                                       Villeneuve, rives du Léman

Pour le moment, il participe activement au CICR [5] et va travailler pour "L'Agence internationale des prisonniers de guerre" pendant toute la durée du conflit. Il est de nouveau amoureux d'une américaine de quelque 30 ans sa cadette, Thalie-Helena van Brugh de Kay. Ensemble ils font de longues balades, jusqu'à Zermatt par exemple mais "la dame au chapeau blanc" comme il l'appelait parfois, finira par rejoindre les États-Unis pour cause de guerre.

  
Genève, Musée Rath                                          Vue générale de Thoune

Pour continuer ses actions humanitaires, il s'installe à Genève à l'hôtel Beauséjour jusqu'en juillet 1915, aidant la Croix-rouge installée dans des locaux du musée Rath. Mais, épuisé, il part se reposer à Thoune, à l'hôtel Bellevue, dans le canton de Berne, près d'Interlaken et rend visite à deux grands écrivains qui comme lui  œuvrent pour la paix, Hermann Hesse à Berne et Carl Spitteler à Lucerne. [6]

De retour à Genève, il s'occupe de l'Agence des prisonniers de guerre. En fait, il se partage entre Genève et Sierre où les soldats alliés prisonniers sont hébergés.
Le 12 novembre 1917, il note : « 1212ème jour de guerre. » De nouveau l'année suivante, le 29 septembre 1918, il note « 1525ème jour de guerre. » Il sait que la fin du conflit est proche.

   

Au-dessus de la mêlée                      L'âme enchantée                        

L'après-guerre et les années "Villeneuve", 1919-1938
Après la guerre, pas question de revenir en France pour s’exposer aux foudres des nationalistes et des anciens combattants. (son roman Colas Breugnon est boycotté) Il choisit alors de rester en Suisse, particulièrement à Villeneuve, villa Olga près de l'hôtel Byron où avait déjà séjourné Victor Hugo en 1883. Il y restera 16 ans de 1922 à 1938. [7]
Dans la veine de Jean-Christophe, il écrira à Villeneuve une autre grande saga qui lui prendra aussi une dizaine d'années, de 1922 à la publication du quatrième et dernier volume en 1933, "L'âme enchantée", basée sur l'histoire d'une jeune femme Annette Rivière qui se bat pour vivre indépendante et conquérir sa liberté.

 
Bio  de  Gandhi                        Villeneuve - Vue du château 1

Document utilisé pour la rédaction de l’article Août 1929 : L'amour le rattrape une nouvelle fois avec une jeune femme russe nommé Maria Koudachev... Ils ont près de 30 ans de différence et ils se marieront en 1934 à Villeneuve.
Document utilisé pour la rédaction de l’article Décembre 1931 : un moment fort, il reçoit chez lui le mahatma Gandhi, rencontre qui fera le tour de l'Europe, et même au-delà, et dont il en restera une photo mythique. (voir ci-dessus)
Pendant ce séjour de quelques jours, Gandhi réside à Vevey, villa Lionnette, chez la sœur de Romain.
Document utilisé pour la rédaction de l’article
Été 1935 : Voyage en URSS grâce à son ami Gorki... Il est même reçu par Staline. Mais l'année suivante, il prendra poliment ses distances avec les communistes. Il constate qu'il est sous surveillance et que sa situation en Suisse se dégrade.
Document utilisé pour la rédaction de l’article 1938 : Avant son départ, paraît son livre sur Rousseau intitulé "Les Pages immortelles de J.-J. Rousseau". Il écrit à une amie : « La Suisse n'a pas pour moi perdu son charme mais je n'y respire plus assez de liberté. »


 
Jean-Christophe                  Villeneuve - Vue du château 2

La retraite de Vézelay, 1938-1944
De retour en France en 1938, il s’installe dans le village médiéval de Vézelay, à l’ombre de sa célèbre abbaye. Il sent la guerre se rapprocher, écrivant : « La paix de Munich est une capitulation dégradante. » Pour lui, le pacifisme n'est plus de saison. Pendant l'Occupation, le régime de Vichy n'est pas vraiment sa tasse de thé. [8]
À la Libération, peu avant sa mort, il écrit dans son "Journal de Vézelay", « Dans mes rêves de malade, revient souvent le paysage de Villeneuve... Je garderai le regret de la maison au vieux noyer et du grand lac et de mes Alpes aux puissantes harmonies. »

Jusqu'à la fin de sa vie, le Prix Nobel de littérature 1915 correspondit en Suisse avec de grandes figures de son temps comme Sigmund Freud, Louis Aragon, Maxime Gorki, Rainer Maria Rilke, les indiens Gandhi et Tagore et son grand ami Stefan Zweig [10] qui écrivit sa biographie. Dans son "Journal de Vézelay" couvrant la période 1938-1944, il avoue son impuissance face au danger permanent de la guerre.

    
Colas Breugnon                              Autour de Villeneuve

Notes et références
[1] Rencontre à la villa Olga à Villeneuve où résidait Romain Rolland qui y reçut le mahatma
du 6 au 11 décembre 1931.
[2] Une sélection de leur correspondance est parue en deux volumes sous le titre "Chère Sofia" chez Albin Michel
[3] Il finira "Jean-Christophe" à Baveno sur les rives du lac Major en 1912

[4] Voir son ouvrage intitulé "Journal des années de guerre", 1914-18 paru chez Albin Michel  - voir aussi Second journal des années de guerre -
[5] CICR : Croix-rouge de Genève
[6] Écrivains suisses, prix Nobel de littérature, Carl Spitteler en 1919 et Hermann Hesse en 1946. Voir aussi "Hermann Hesse et Romain Rolland", D'une rive à l'autre : correspondance, Paris, Albin Michel, 1972
[7] Le mobilier de sa chambre bureau de la villa Olga a été reconstitué dans une salle du musée d'art et histoire qui porte son nom à Clamecy dans le Nièvre où il est né.
[8] Voir ses "Carnets intimes"
[9] Lors de la déclaration de guerre, il écrit dans son Journal : « Je suis accablé... Il est horrible de vivre au milieu de cette humanité démente et d'assister impuissant à la faillite de la civilisation. Cette guerre européenne est la plus grande catastrophe de l'histoire depuis des siècles, la ruine de nos espoirs en la fraternité humaine. »
[10] Voir Romain Rolland-Stefan Zweig. Correspondance t1 1910-1919, t2 1920-1927 et t3 1928-1940, Paris, Albin Michel, 2014-2016, édition établie, présentée et annotée par Jean-Yves Brancy




Mes autres fiches sur Romain Rolland
Rolland et Tolstoï -- Rolland et Stefan Zweig --
* Romain Rolland, Une vie --

------------------------------------------------------------------------------
<< Christian Broussas • Rolland Suisse © CJB  ° 28/01/2024  >>
------------------------------------------------------------------------------