mardi 13 août 2024

Autour de l’an mil

 

Restructuration européenne

Si les invasions ont une vertu, c’est celle de procéder à un brassage d’idées, de cultures et de savoir-faire techniques qui peuvent déboucher sur des innovations qui permettent le développement économiques. Vont ainsi apparaître les prémices de l’art roman avec les premiers monastères clunisiens dont le style va essaimer dans toute l’Europe chrétienne.

   Cluny III

Cette période va donner naissance à ce que les historiens ont appelé « la deuxième Renaissance médiévale » avec la naissance de deux pouvoirs forts en Occident, l’avènement en France de la dynastie des Capétiens avec Hugues Capet (987-996) et en Germanie avec le règne de la dynastie des Otton (936-1040), ce qu’on appelle parfois Renaissance ottonienne.

Parallèlement, on assiste à l'apogée de l'âge d'or de la culture arabo-musulmane qui s'étend sur trois continents alors qu’en Chine commence une période de prospérité avec la dynastie Song.

Au début du Xe siècle, l'Europe est une mosaïque de principautés, nées de la faiblesse des pouvoirs centraux et les princes ont de plus en plus de pouvoirs, comme celui de nommer les évêques.
Mais les choses vont changer avec,  pour le
Saint-Empire, le sacre d'Otton Ier en 936. La continuation sera assurée par son fils Otton II puis son petit-fils Otton III.

Les relations entre l’Empire et la papauté

Le pape Jean XII est un homme de combat qui veut réformer l’Église et étendre le territoire du Vatican.
Premier temps, il sollicite Otton Ier, héritier de droits sur l'Italie par son mariage avec Adélaïde de Bourgogne pour lutter contre le roi d'Italie Bérenger. Pour cela, ils passent un accord : Jean XII le couronne empereur le 2 février 962 et Otton reconnaît les États pontificaux. Mais parallèlement, le pape prend des contacts avec le fils de Béranger et avec le pouvoir byzantin.

Deuxième temps, Otton l’apprend, part pour Rome et fait juger le pape pour apostasie. Il est déposé en décembre 963, ce qui représente une première. Désormais, l'élection pontificale devra être approuvée par l’empereur. Il fera ensuite élire son candidat en 999,  Gerbert d'Aurillac, pape sous le nom de Sylvestre II, précepteur de son fils. Il jouera un rôle important dans l'élection d'Hugues Capet, puis en Pologne et en Hongrie.

La mutation de l’économie

Pendant le règne d'Hugues Capet et de ses successeurs Robert II (996-1031) et Philippe 1er (1031-1060), la société s'est rapidement transformée. Avec la paix revenue, les hommes redeviennent agriculteurs, des hommes jeunes et libres (l’esclavage disparaît peu à peu), les rendements augmentent et les paysans peuvent vendre leurs surplus. Produire plus intéresse tous les agriculteurs. Les techniques s’améliorent, les surfaces exploitées s’étendent.

Le commerce est favorisé par la création du
denier d'argent, monnaie fiable qui booste les échanges et les grandes invasions de l’époque vont contribuer à « redistribuer les cartes, » des paysans serviles se réinstallant à leur compte en défrichant leurs propres parcelles. Les conditions furent ainsi réunies pour créer un « cercle vertueux » favorisant les échanges commerciaux et dégageant les fonds nécessaires pour édifier les grandes cathédrales romanes puis gothiques.

       Baptême de Rollon

L’influence viking
Paradoxalement, les invasions vikings ont eu des conséquences contradictoires. Si au cours du IXe siècle, l’action des Vikings fut néfaste, ils finirent pendant le Xe siècle, par s’installer dans les contrées qu’ils pillaient et d’y commercer. Par exemple, les Danois s’installent dans le nord est de l'Angleterre en 897 et le roi Charles le Simple accorde la Normandie à Rollon en 911. Ils s'intègrent peu à peu à  l'occident féodal, deviennent chrétiens, membres importants de ces sociétés en se sédentarisant comme en Normandie ou en Northumbrie.

L’enjeu méditerranéen

   OTTON III

Quand Othon Ier investit l'Italie du nord au Xe siècle, il obtient par la même occasion un accès à la mer méditerranée. Elle est alors très convoitée par les grandes puissances commerciales, les Vikings présents dans tout le bassin, la république de Venise et les Maures très actifs, particulièrement en Provence où ils se sont établis. L’Italie est très bien placée avec des ports comme  Gênes qui occupe une position centrale ou même des villes comme Pise ou Amalfi.

Cette effervescence économique va engendrer des conflits, avec les sarrasins par exemple  pour contester l’invasion de la Corse et de la Sardaigne, pour éviter qu’ils deviennent les maîtres en mer Tyrrhénienne. Les Croisades vont aussi participer à l’essor commercial et culturel en favorisant les échanges avec le monde arabe et indirectement, avec la péninsule indienne et l'Extrême-Orient.

La terreur millénariste
Tout part semble-il d’une interprétation de l'Apocalypse selon Jean qui voit Satan revenir mille ans après l'incarnation du Christ, mais démentie par Saint-Augustin qui en fait une lecture non littérale, tout comme le moine Raoul Glaber (Histoires, IV, v. 1048)  qui ne parle que de « signes où Satan sera "déchaîné" après mille ans accomplis. » Formulation qu’on peut interpréter de différentes façons.

Il est vrai que cette "terreur millénariste" a été relayée par des prêcheurs itinérants, la Révolution française qui voulait ainsi justifier la confiscation des biens du Clergé et surtout par
Jules Michelet dans son Histoire de France (livre IV) qui évoque le millénarisme comme la crainte de la fin du monde après les mille années de l’incarnation du Christ.  À contrario, Abbon de Fleury écrit au roi  Hugues Capet vers 994 : « On m'a appris que des prêtres dans Paris annonçaient la fin du monde. Ce sont des fous. Il n'y a qu'à ouvrir le texte sacré, la Bible, pour voir qu'on ne saura ni le jour ni l'heure. »

Les Terreurs ou Peurs de l'an mille reposent sur un mythe développé à la Renaissance à partir d’une  chronologie de
Sigebert de Gembloux écrite au XII
e siècle. Mais il faut aussi se souvenir qu’à l’époque les hommes se repéraient dans la durée au rythme des saisons et aux grandes fêtes du calendrier religieux, l'année commençant d’ailleurs selon les pays à Noël ou à Pâques par exemple.

L'Empire et le pouvoir ottonien
Othon Ier, roi de Germanie en 936, réussit à vaincre rapidement les ducs de Bavière, de Franconie et de Lorraine, ainsi que les hongrois en 955 à la bataille du Lechfeld.
Couronné empereur des Romains, il contrôle les élections au Saint-Siège et gère la nomination des évêques. Il fait introniser son fils Otton II le Roux dès 967 et confie son éducation au futur pape
Gerbert d'Aurillac.

   OTTON II

Otton II parviendra à maintenir tant bien que mal l'unité de l'empire qui se développe mais ses initiatives militaires sont des échecs et il mourra à 28 ans en 983. Son fils Otton III tout jeune est placé sous la tutelle du prince Henri le Querelleur puis sous la Régence de sa mère, la princesse byzantine Théophano. Après le décès de celle-ci en 991, c'est Adélaïde, grand-mère de l'empereur, qui assurera la tutelle.

Une fois majeur, Otton III fait élire comme pape son protégé
Grégoire V, premier pape germanique, qui le couronnera empereur en . Puis il s'installe à Rome, se rapproche de la Pologne et de la Hongrie mais les romains le chassent de leur ville. C'est la fin de sa politique en Italie et il meurt tout jeune en 1002.

La Catalogne et Al-Mansur

Al-Mansur vizir du calife de Cordoue est connu pour sa violence et son intolérance religieuse et les communautés persécutées, juifs et mozarabes fuient avec leur savoir, enrichissant en particulier les monastères catalans. Vers le milieu du IXe siècle, les paysans en surnombre dans les contrées montagneuses investissent les plaines et les remettent en valeur.

En 985, Al-Mansur, pille Barcelone, capturant nombre d’esclaves. Le comte en appelle vainement à son suzerain le roi Hugues Capet. Il réagit, traite avec Al-Mansur, fait reconstruire les fortifications de Barcelone et organise la défense de la Catalogne. Dans le même temps, vers 1010, le califat omeyyade est en crise et l’aide apportée à l’omeyyade Muhammad II enrichit Barcelone.

   Peinture romane catalane

Castillans et Catalans vont au cours du XIe siècle placer sous leur protection les petits royaumes musulmans nés du délitement du califat qui payent tribut au comte de Barcelone. C’est pour le comte un âge d’or qui se traduit par la suprématie de ses marchands en Méditerranée et le développement de l'art roman.

Dans l’Espagne andalouse du VIIIe, la conjonction d’une politique fiscale favorisant les rendements et d’une pratique active de l’irrigation, ont permis d’améliorer grandement les récoltes, autant en quantité qu’en qualité.
Les Catalans qui se louent comme mercenaires du calife de Cordoue prennent connaissance de ces techniques agricoles qu’ils s’empressent d’utiliser de retour chez eux. Ils construisent des moulins et des systèmes d’irrigation, ce qui permet d’accélérer les échanges commerciaux avec le califat.

Le processus de développement peut alors s’enclencher par la mise en valeur des mines de fer du Canigou, l’essor du commerce maritime sur une côte délivrée de la piraterie sarrasine, des échanges sur la route qui relie le Roussillon à l'Ampurdan, la renaissance des marchés avec des échanges monétaires multipliés. La Catalogne devient en peu de temps une puissance commerciale reconnue.

   De Gerbert à Sylvestre

Sur le plan social, on assiste à de grandes transformations. Pendant les Xe et XIe siècles, la société devient féodale au détriment des petits paysans libres passant sous la coupe des seigneurs, avec  un pouvoir  militaire renforcé. La bourgeoisie villageoise gagne en pouvoir et en autonomie. De nombreuses villes obtiennent des chartes de franchise, les petits comtés ont tendance à fusionner et le serment de fidélité se généralise.

Par exemple, dès le XIe siècle, l'autorité du comte de Barcelone se renforce, et en 1111, le comté s'agrandit peu à peu de ceux de Besalù, de la Cerdagne et plus tard du Roussillon. C'est surtout par la catalogne que la culture arabe pénètre en Occident contribuant ainsi à cette nouvelle "Renaissance médiévale".


L’« âge d'or » de la civilisation arabo-musulmane

   L'Alhambra de Grenade

Cet âge d’or islamiste voit une grande expansion territoriale qui comprend  l'Arabie, s'étendant vers l'Indus, jusqu'en Égypte, en Afrique occidentale, et en Espagne. Les Abbassides règnent à Bagdad, y protégeant les sciences et les arts.

On situe cet "âge d’or" entre le VIIIe et le
XIIIe siècle. Longue période donc qui irradia dans maints domaines, aussi bien économique, commercial qu’artistique et développa rapidement à partir de l’an 850 une culture spécifique à partir de la langue arabe, de l’islam et la religion.

   Guerriers arabes

Son implantation sur trois continents lui permet de se développer et d’exporter ses connaissances surtout en matière de géographie, astronomie et de mathématiques et d’être un centre de la culture, (redécouverte d’Aristote par exemple) une culture a écrit Howard R. Turner « qui a directement et indirectement influencé les sociétés sur les autres continents. »

Mais cette civilisation qui dura presque un demi millénaire fut mise à mal à partir de 1206 par
Gengis Khan. L’Empire mongol conquit une bonne partie de l'Eurasie, dont la Chine et l'ancien califat. En 1258, Bagdad fut détruite par les troupes d'Houlagou Khan marquant la fin de l’âge d'or. 


La Chine et la dynastie Song

   L'empereur Song Taizu

La dynastie Song a dominé la Chine qui se développe autour de l’an mil,  entre 960 et 1279, succédant à la période des Cinq Dynasties et des Dix Royaumes et suivie par la dynastie Yuan.

Nous allons nous intéresser au royaume des Song du Nord entre 960 et 1127, avec comme capitale Bianjing (la Kaifeng actuelle). L'empire s'étend alors sur la majeure partie de la Chine historique.

L'empereur
Song Taizu (960-976) procède à une unification de la Chine par une série de guerres de conquête mettant fin à la dynastie précédente. Dans sa nouvelle capitale Kaifeng, il établit un gouvernement puissant qui assure une grande stabilité politique et administrative, formant des agents d'État réputés pour leurs compétences et leur attachement au pouvoir Song. Il aménage son territoire pour améliorer les communications à travers tout l’Empire, embauchant des cartographes qui créent des cartes provinciales réunies dans un grand atlas géographique. Il soutient aussi les innovations scientifiques et techniques en participant à des travaux comme la construction de la Tour d’horloge astronomique conçue par Zhang Sixun.

À partir 1127, commence son déclin. Le pouvoir perd tout le nord de son territoire au profit de la dynastie Jin. La cour impériale déménage alors au sud du fleuve Yangzi Jiang et s’installe dans sa nouvelle capitale Lin'an (l’actuelle Hangzhou).


Voir aussi
* Biographies : Al Fârâbi - Avicenne - Averroès - Ibn Khaldoun -


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