Référence : Jérôme Ferrari, Nord Sentinelle, Actes Sud/diagonale, 144 pages, août 2024
Premier opus d'une trilogie intitulée "Contes de l'indigène et du voyageur"
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Nord Sentinelle Un dieu Un animal
Un
roman difficile à définir, grave par son sujet et assez léger par le
ton qu'il donne à son récit. Une histoire de bêtise et de haine, de sa
diffusion, à propos d’un règlement de compte dans un port de Corse, écrit par un Corse.
Au départ, un fait divers banal :
Un soir d'août sur le port d'une station balnéaire quelconque fréquentée par des bandes de touristes, un jeune homme Alexandre Romani, poignarde Alban Genevey, un vacancier étudiant en médecine qui vient ici chaque été.
Le narrateur, un ami du père d'Alexandre, remonte aux sources du drame pour nous dévoiler des ressorts de cette situation, sur fond de tourisme de masse que Ferrari n'hésite pas à dénoncer et à en montrer le effets pervers.
Ferrari s'arrange pour casser les règles du genre,
mélanger les époques et les styles, mâtiné de notes ironiques et d'un
recours au merveilleux.
Il dénonce aussi bien les conséquences néfastes de la position sociale des individus, d'une structure sociale figée que les effets pernicieux d'un tourisme débridé.
Interview de Jérôme Ferrari (extraits)
Il n'a pas voulu localiser le lieu de son histoire, disant simplement qu'il s'agit d'une ville hybride, mélange de Bonifacio, Ajaccio et Porto-Vecchio.
Il reconnaît que cette histoire ne pouvait se passer qu'en Corse mais qu'elle peut sans problème se produire n'importe où, « les
tensions extrêmes, les conflits que je décris, ils pourraient exister
ailleurs. Pour autant, j'ai fini par renoncer à l'idée d'universaliser
le propos. »
Sur le fond, c'est dit-il « un texte sur une catastrophe inévitable qui broie tout le monde.
» L'essentiel pour lui est de ne pas porter de jugement de valeur sur
les personnages mais de les décrire dans leur complexité et leurs
contradictions.
C'est un roman qu'on pourrait qualifier d'impressionniste tout en conservant toute son unité, « construit autour de mini-contes, qui existeraient par eux-mêmes, et qui en même temps feraient écho au reste du livre. »
Il y introduit un djinn, personnage qui accompagne Shirin, la petite amie d'Alban, réminiscence d'une histoire que le grand-père de Shirin lui contait, enfant. Le narrateur est hanté par l'idée d'enfer, « finalement tel qu'on le connaît peut parfois être un enfer assez convaincant. » L'auteur nous confie que lors d'une conférence, il avait évoqué Schopenhauer disant que Dante
réussit très très bien sa description de l'enfer pour une raison toute
simple : il en a de nombreux exemples dans la vie de tous les jours !
Tragique d'une situation contre laquelle on est impuissant. C'est pareil pour beaucoup de choses : le tourisme, l'écologie...
Mais il y faudrait une réaction universelle inimaginable, et « ce n'est pas en fermant le robinet quand on se lave les dents qu'on changera quoi que ce soit... » Collectivement, il s'avoue pessimiste mais croit malgré tout aux relations individuelles. « Ce
qui me fait de la peine en Corse, c'est de voir la médiocrité
collective s'ancrer dans un endroit où il y a des gens formidables en
pagaille. »
Mes articles sur l'auteur :
À son image -- Il se passe quelque chose -- Où j'ai laissé mon âme --
Le sermon sur la chute de Rome -- "Le principe" --
Voir aussi
Sarah Burnautzki & Cornelia Ruhe, Chutes, ruptures et philosophie / Les romans de Jérôme Ferrari, Classiques Garnier, 2018
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< Ch. Broussas, Ferrari Nord sentinelle 2/09/2024 © • cjb • © >
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