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vendredi 26 février 2021

Éric-Emmanuel Schmitt La traversée des temps

 Référence : Éric-Emmanuel Schmitt, La traversée des temps, Paradis perdus - tome 1, éditions Albin Michel, 576 pages, février 2021

         

Éric-Emmanuel Schmitt s’était déjà lancé dans un cycle romanesque comportant 8 tomes, Le Cycle de l’invisible, avec cette différence que l'ensemble de ces 8 opus étaient indépendants les uns des autres, contrairement à cette fois-ci.

Pour Éric-Emmanuel Schmitt, c'est un défi vraiment extraordinaire qu'il s'est lancé : écrire l’histoire de l’humanité à travers le destin d’un être éternel qui traverse les siècles à la recherche de ce qu’est sa propre humanité.  Une histoire romancée en huit volumes dont le premier Paradis perdu vient de paraître.

C’est donc la première pierre d'un projet immense auquel l’auteur pense depuis très longtemps et qui va enfin prendre forme. Son héros, Noam né, au néolithique, va peu à peu traverser toutes les époques. Il sera ainsi le témoin privilégié des grandes évolutions et des révolutions qui ont émaillé les siècles.

     

Au tout début, on est à Beyrouth, à l’époque contemporaine. C’est là qu’il décide de raconter son histoire de l’humanité, sans savoir encore qu’il est immortel. Ce n’est pas l’Histoire d’illustres qu’il nous offre mais celle d’une vie simple auprès des siens, au temps reculé de la Préhistoire.


Son père, chef du village, est aimé et respecté de tous, un père qu’il admire et dont il voudrait avoir reçu les qualités. Nous sommes plongés dans l’existence quotidienne de villageois sédentaires, la façon dont ils s’organisent pour vivre ensemble et surtout leur rapport à la nature, leur volonté d’être en accord avec elle, cette nature nourricière dont ils savent qu’ils ont tout à attendre s’ils la traitent avec bienveillance.

   

Noam est né il y a 8000 ans dans un village lacustre et une nature encore immaculée. Peu à peu, on suit les us et coutumes de sa communauté avec, outre Noam, Trigor le guérisseur, Panoam son père, Barak l'homme sauvage et Noura, belle et imprévisible. Il devra affronter aussi bien les problèmes inhérents à sa tribu que des calamités naturelles comme le Déluge.

   
                                                    Avec Bernard Montiel 

La suite est consacrée à l’époque du Déluge, une nature qui va montrer sa force dévastatrice et remettre l’homme à sa place. Ce brutal changement pose la question de la condition humaine. Cette immortalité dont Noam bénéficie, si elle est d’abord vécue comme un cadeau du ciel apparaît parfois comme un fardeau. L’altérité, si elle permet de marquer sa différence, est aussi un défi à relever pour vivre ensemble avec harmonie.

 
 Avec le 1er ministre québécois François Lagault

Éric-Emmanuel Schmitt sait à merveille insérer dans l’histoire qui se passe au néolithique des passages sur la vie dans la société contemporaine. Il réussit fort bien à mélanger le passé et le présent, liant les deux époques par l’intermédiaire de Noam, abordant ainsi  les problématiques communes à ces deux époques.

Si Éric-Emmanuel Schmitt sait ménager le suspens, il a tendance à systématiser cette technique du cliffhanger [1],  ne serait-ce qu’à travers des expressions comme  « n'allons pas si vite » ou « nous y reviendrons plus tard. »

 
     Schmitt avec Virginie Despentes

Notes et références
[1] Le « cliffhanger » est, en matière de fiction, une façon de terminer un chapitre, un roman, en utilisant une ouverture destinée à créer une forte attente, à induire une suite.

Mes fichiers sur Éric-Emmanuel Schmitt :
Ma vie avec Mozart -- La traversée des temps --
Éric-Emmanuel Schmitt entre réel et sentiments --
Un homme trop facile ? -- Les deux messieurs de Bruxelles --
Le bruit qui pense -- Le cycle de l'invisible --
EE Schmitt, Biographie -- Georges et Georges --
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vendredi 20 novembre 2015

Éric Emmanuel Schmitt, Ma vie avec Mozart

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Référence : Éric Emmanuel Schmitt, "Ma vie avec Mozart", éditions Albin Michel, 160 pages, 2005 [1]

Ma vie avec Mozart
« Plus une intelligence est lumineuse, plus elle peut appréhender le mystère. » page 89

Ouvrage original d'abord parce que l'auteur Éric-Emmanuel Schmitt dialogue avec Mozart, chacun avec sa "partition". L'auteur avec sa plume, envoie des lettres à Mozart qui lui répond avec sa musique, ensuite pour que ce dialogue existe vraiment, le livre est livré avec les morceaux musicaux qui représentent autant de réponses aux lettres de l'auteur.
On peut donc écouter la musique tout en lisant le texte. [2]
Et l'auteur nous en fait la confidence : « Un jour, il m’a envoyé une musique. Elle a changé ma vie. Depuis, je lui écris souvent. Quand ça lui "chante", il me répond, lors d’un concert, dans un aéroport, au coin d’une rue, toujours surprenant, toujours fulgurant. Il est devenu mon maître de sagesse, m’enseignant des choses si rares, l’émerveillement, la douceur, la sérénité, la joie. » 

Au début, il n'est qu'un adolescent qui se cherche et assiste à une répétition des "Noces de Figaro". Par la voix de la comtesse Almaviva, Mozart lui sauve la vie. On ne quitte pas un monde si plein de richesses et de beauté. Alors Éric-Emmanuel Schmitt et Mozart se retrouveront au hasard de la vie et Mozart répondra toujours par le même truchement, à l'aide de 16 morceaux ou extraits de ses œuvres. [3]

Schmitt Beethoven
« C'est en écrivant qu'on devient écrivain. » page 95

Les expériences que traverse l'auteur, il va les faire avec la musique de Mozart qui lui
permit de « consentir au tragique de l’existence». Successivement, ce seront le « pur chagrin » de Barberine qui lui permettra de comprendre l'intérêt « du plaisant, de l’accessible, de l’aimable » en musique, l’Ave verum corpus entonné par une chorale de vieillards lui fera connaître la vraie générosité de Noël, l’Adagio du Concerto pour clarinette l'aidera à se réconcilier avec le monde et enfin le violon le ramènera à la présence de l'être aimé.

Un jour, le hasard veut qu'on confie à Éric-Emmanuel Schmitt une transposition en français des Noces de Figaro. [4] Il noue dès lors des liens quotidiens avec Mozart, à travers sa relation épistolaire avec lui, il aborde des thèmes comme l'intérêt de l’expression musicale, le processus de création comme phénomène de continuité plutôt que de rupture,la notion de bonheur...

Cette musique mozartienne qui a changé sa vie, on la retrouve dans La Flûte enchantée qui raconte son histoire. « En écoutant La flûte enchantée, nous confie l'auteur, j'ai retrouvé l'air de mon enfance. »

Notes et références
[1] Dans la même veine, Schmitt a écrit "Quand je pense que Beethoven est mort alors que tant de crétins vivent" puis une suite intitulée "Kiki van Beethoven" en 2010.
[2] Ma vie avec Mozart a fait l'objet d'une adaptation musicale sur une mise en scène de Christophe Lidon avec Didier Sandre au Théâtre Montparnasse en 2006 puis  en tournée en 2010-2012 avec Éric-Emmanuel Schmitt, Juliette Alluguette et l'orchestre symphonique de Lyon.
[3] Schmitt a aussi créé deux autres spectacles musicaux intitulés "Le mystère Georges Bizet" et "Le carnaval des animaux"[4] Schmitt a également réalisé la traduction en français de Don Giovanni.

Mes articles sur Éric-Emmanuel Schmitt --
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mercredi 20 mai 2015

Éric-Emmanuel Schmitt Georges et Georges


Auteur : Éric-Emmanuel Schmitt
Acteurs : Davy Sardou, Alexandre Brasseur, Christelle Reboul, Véronique Boulanger, Zoé Nonn, Thierry Lopez
Metteur en scène : Steve Suissa


Usure du temps et du mariage. Après quelques années de vie commune, Marianne et Georges ont de plus en plus de difficultés à se supporter : elle est nostalgique du Georges amoureux et assez naïf qu'elle a jadis rencontré, et lui voudrait une femme qui aiguise plus son désir. A travers les expériences du docteur Galopin, un "magnétothérapeute", ils vont avoir la possibilité de jouer avec leurs fantasmes... mais chacun devra le cacher à l'autre ! De là vont naître les problèmes...

Une comédie en hommage à Georges Feydeau, où comme dans les pièces de l’illustre maître du vaudeville, situations inextricables et quiproquos s'enchaînent. D'un appartement parisien jusqu'à l'ambassade du royaume de Batavia, les portes claquent au gré des entres et sorties de six personnages qui se courent après tout en faisant mine de ne pas vouloir se rencontrer. 


Georges Feydeau selon Éric-Emmanuel Schmitt
 
Selon Éric-Emmanuel Schmitt, les comédies de Feydeau, celui qu'il appelle « un architecte de la pensée théâtrale, » seraient des « tragédies à l'envers. » Il a mis, écrit-il, beaucoup de temps avant de démonter ses mécanismes comiques.

S'il reconnaît que Georges Feydeau « n'a pas tracé une seule phrase qui méritât d'être retenue, » il indique que la littérature ne se limite pas à ce seul aspect mais qu'elle englobe aussi un univers et un regard sur la condition humaine. Il fut ensuite surpris de constater que Feydeau était l'auteur français le plus joué dans le monde (avant Molière !) parce que sans doute il était un « déclencheur de rire. »

Son secret : La folie, explorer la démence, la perte de la réalité ou, en langage théâtral, le quiproquo ou plutôt les quiproquos qui « démantèlent les évidences. »

Peu à peu les personnages s'éloignent de la réalité, progressent dans le trouble et la frénésie, se dirigent vers un chaos absolu, surpassant Néron dans le spectacle de la déliquescence. Georges Feydeau adore éclats et mouvements, l'hypertension des sentiments, le bruit et la fureur qui remettent en cause l'ordre existant. « On a le sentiment qu'en palpant l'incohérence, Georges Feydeau rejoint l'essence même de la vie. »
Ses pièces ont souvent trois actes : l'exposition et la réalité, puis la confusion et les coups de théâtre, enfin le dénouement où les choses s'apaisent. Contre sa volonté, il ramenait ses personnages dans l'ordre bourgeois pour ménager  une "happy end".

La vie de Georges Feydeau pourrait offrir quelques clefs. Lui aussi a cultivé le paradoxe, se perdant dans les jeux d'argent et finissant sa vie dans l'asile de Rueil-Malmaison. Comédie grinçante ou tragédie ? Selon Éric-Emmanuel Schmitt, Feydeau était un pessimiste qui ne croyait guère en l'harmonie universelle comme le philosophe Leibniz que Schmitt lisait aussi à la même époque. Si ses pièces sont comme il disait  « des tragédies à l'envers, » elles n'en étaient pas moins construites sur un mode tragique, rappelant le silence assourdissant des pièces de Beckett.

Quelques extraits "drolatiques" :
 - Tiens, une idée me traverse la tête.
- Comme elle doit se sentir seule.

- On m'a dit qu'il y avait des anthropophages à Batavia.
- C'est faux ! Nous avons mangé le dernier il y a un mois.

Plus la femme est légère, plus les dépenses sont lourdes.

La vérité sur les femmes, ça ne se raconte qu'à un homme.

Il n'y a que dans les courts instants où la femme ne pense plus à ce qu'elle dit qu'on peut être sûr qu'elle dit vraiment ce qu'elle pense.

- Qu'est-ce qu'il avait ?
- Rien. Mais j'ai fini par l'en guérir.

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samedi 14 juin 2014

Éric-Emmanuel Schmitt L'élixir d'amour

« C'est irrationnel d'aimer, c'est une fantaisie qui n'appartient pas à notre époque, ça ne se justifie pas, ce n'est pas pratique, c'est à soi-même sa seule justification»
Petits crimes conjugaux, 2003

Référence : Éric-Emmanuel Schmitt, " L’Élixir d’amour ", éditions Albin Michel, 2014

 
 
Une nouvelle fois, Éric-Emmanuel Schmitt nous parle du grand mystère de l’amour. Comme beaucoup de couples, l’usure du temps a fait son œuvre et a défait celui de Louise et d’Adam au bout de cinq ans. Depuis, Louise vit au Canada mais ils ont décidé de s’écrire, commençant ainsi une relation épistolaire sur le thème majeur de la naissance du sentiment amoureux.

Il avait déjà abordé ce thème dans La tectonique des sentiments où il dépeint une femme sur tous les plans comblée par la vie mais qui constate l’usure de l’amour, rongée par le doute et prête à la vengeance ou également dans Les perroquets de la place d’Arezzo où il aborde le rôle de la sexualité dans cette relation complexe qu’est la relation amoureuse. [1]

         

L’Élixir d’amour n’est pas pour l’auteur un breuvage magique mais d’abord une référence à un opéra qui gravite autour du mythe de Tristan et Yseult. Adam fait un subtil distingo entre l’amour physique, sensuel (l’Éros) et l’amour "cérébral" (l’Agapè), pour lui d’essence différente,  « le sexe et l’amour occupent deux territoires différents », qui lui permet en fait de justifier ses infidélités. [1]  

Louise s’oppose à cette vision des choses, pensant que les deux approches sont liées et indissociables, plus concrète, plus près des réalités. Outre Laclos, Dom Juan et Tristan et Yseult, on trouve aussi dans ce court roman, d’autres références, à la musique bien sûr, l’autre passion de l’auteur, [2] à la psychanalyse, le métier d’Adam, ou à cette espèce d’étincelle sublime du premier échange avec l’Autre que Stendhal dit avoir éprouvé et qu’il appelle la cristallisation. [3]

A travers les échanges de ce couple qui rappelle par certains aspects celui des Liaisons dangereuses, Éric-Emmanuel Schmitt veut surtout examiner, dans les sociétés occidentales contemporaines que l’on dit parfois permissives, la place de la liberté individuelle dans l’amour. Une nouvelle fois, il aborde son sujet favori, l’amour et les sentiments, car comme il l’a écrit, « L’amour a dû être inventé pour poétiser la vie. »

 

Notes et références
[1]
Il a aussi écrit dans "Oscar et la dame rose" en 2002  « L'obligation d'orgasme, n'est-ce pas ce qui empoisonne les relations des hommes et des femmes ? Sous pression, ils se contraignent à y parvenir, transformant un moment gratuit, libre, inutile, en une compétition qu'il faut gagner. »
[2] Voir mon article sur son livre "Le bruit qui pense" qui comprend "Ma vie avec Mozart" paru en 2005 et "Quand je pense que Beethoven est mort alors que tant de crétins vivent" en 2010
[3] Voir mes articles sur Stendhal, en particulier "Stendhal, Un européen absolu"

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