vendredi 8 juillet 2016

Quand Lyon devint française

10 avril 1312Quand Lyon devint française

Introduction
En 2012, la ville de Lyon fêtait le 
700ème anniversaire de son rattachement au royaume de France, couronné d'un colloque universitaire et la publication par Julien Théry, professeur à l'Université de Montpellier, d’un excellent article sur les conditions de ce rattachement dans la revue L'Histoire.
Cette année 2016 est aussi un anniversaire, celle du couronnement à Lyon d'un nouveau souverain pontife en la personne de Jean XXII. [1]

   
   
Couronnement de Clément V dans la basilique Saint-Just à Lyon
 


L'évolution de la situation lyonnaise

Après son rattachement de facto au Saint-Empire romain germanique, le comté de Lyon devint une principauté ecclésiastique dirigée par l’archevêque et le chapitre de St-Jean. L’empereur Frédéric 1er Barberousse entérine cette situation en 1157 par un acte juridique, la Bulle d’or qui donne toute souveraineté à l'archevêque de Lyon.

Mais au cours du XIIIe siècle, marchands et magistrats lyonnais réclament des droits politiques et leur autonomie face au pouvoir de l'archevêque. Cette lutte d’influence va durer plus d'un siècle pendant lequel, de crises en révoltes, la bourgeoisie lyonnaise parvient à limiter quelque peu le pouvoir du clergé.

La France, sous Philippe III puis sous son fils Philippe le Bel, en a profité pour s’allier à la bourgeoisie lyonnaise et annexer le comté de Lyon et forcer le pouvoir ecclésiastique à reconnaître leur autorité. Un certain équilibre sera rétabli en 1320 quand le roi de France redonna certaines de ses prérogatives à l'archevêque qui dut reconnaître les droits de la bourgeoisie lyonnaise.


          
Le concile de Lyon 1278                                  Saint-Louis & Innocent IV


L’époque du Saint-Empire romain germanique

On pense que la ville de Lyon a de tout temps été française or elle ne l’est devenue qu’en l’an 1312, à la fin du règne de Philippe le Bel. Lyon et son passé, l’ancienne capitale des Gaules au temps des romains, centre chrétien en tant que siège du Primat des Gaules, c’est-à-dire chef de l'Église gallicane dans les débuts de la chrétienté. Par la suite, le pape Grégoire VII  confirma ce titre au XIe siècle et depuis lors, ses successeurs le portent toujours.

Les circonstances historiques, en l’occurrence les temps de partages de l’Empire carolingien à la fin du IXe siècle, firent en sorte que, par la suite, Lyon fut rattachée à l'Empire germanique. Il en fut ainsi de beaucoup de villes et régions dévolues à Lothaire lors du partage qui suivi la mort de Louis le Pieux, successeur de Charlemagne. Cette Lotharingie, coincée entre les blocs de la Francie (on ne disait pas encore France) et de la Germanie, fut dès son origine écartelée entre les deux. C’est ainsi que le destin de Lyon sembla tourner vers l’Est et c'est seulement à la fin du Moyen Âge que la belle cité entra de nouveau dans la mouvance française.

Ce retour se fit sans grande difficulté, les lyonnais parlant un dialecte roman plus proche de la langue d'oïl que du germain. Cette tendance se concrétisa un 10 avril 1312 quand l'archevêque Pierre de Savoie, dans une déclaration solennelle, transmit officiellement au roi Philippe IV le Bel tous ses pouvoirs judiciaires et politiques sur la ville et la province du Lyonnais.

  Résultat de recherche d'images pour "vitrail de saint jean lyon photo"           
 Vitrail de Saint-Jean (lancette du
chœur)
 L'archevêque de Lyon Guy de Boulogne couronne Grégoire VII


De façon plus précise, lors du fameux partage de l'empire carolingien en 843, Lyon et ses environs furent intégrés à la Lotharingie (ou Francie médiane) comme également toute la vaste région qui s'étend du Jura à la Méditerranée, et des Alpes au Rhône et à la Saône. Cette région, devenue ensuite royaume de Bourgogne Provence, a été léguée par son dernier souverain au titulaire du Saint Empire romain germanique le 6 septembre 1032. C'est ainsi que Lyon et le Lyonnais deviennent terre d'Empire. 

Au confluent du Rhône et de la Saône, entre Méditerranée, Jura et Forez, la cité lyonnaise a toujours été convoitée pour son emplacement favorable aux échanges commerciaux.  De plus, cette situation géographique permettait à la ville de bénéficier d’une grande autonomie, aussi bien vis-à-vis du Saint Empire que du royaume capétien, à l’abri de la convoitise des grands barons féodaux.

Résultat de recherche d'images pour     Résultat de recherche d'images pour      Résultat de recherche d'images pour
La Primatiale St Jean


L'archevêque et les bourgeois
Ainsi, loin de l’empereur du Saint-Empire, suzerain en titre de la cité, Lyon va devenir une principauté ecclésiastique comme il y en avait beaucoup d’autres à l’époque. Dans la réalité, ses archevêques partageaient alors avec les bourgeois le pouvoir et l'administration de la ville. L'archevêché est alors implanté sur les bords de Saône, au pied de la colline de Fourvière et en 1173, l'évêque prend la décision d’édifier à la place l’actuelle cathédrale appelée la primatiale Saint-Jean.

La ville va peu à peu prendre une importance grandissante au point d’être à plusieurs reprises le point d’appui des stratégies politiques entre la France, le Saint-Empire et la papauté. En 1245 par exemple, le pape Innocent IV y réunit un concile mondial qui déposera en juillet l'empereur Frédéric II de Hohenstaufen, mettant ainsi fin à la querelle des investitures qui a opposée pendant presque deux siècles la papauté aux empereurs du Saint-Empire.

En fait, compte tenu des troubles en Europe à cette époque, le chaos en Allemagne après le retrait de Frédéric II d’une période qu’on a appelée le Grand Interrègne [2], le pape et les cardinaux de la curie resteront à Lyon jusqu’en avril 1251. Pendant ces six années, la ville devient de facto le siège de la chrétienté occidentale.
Le Saint-Siège aimait à rappeler que la ville n'était pas seulement une « terre d'Empire » mais aussi la « métropole des Gaules ».

Cette période troublée favorise l’expansion française sur sa frontière de l’est et son emprise sur la ville de Lyon. En février 1270, peu avant sa mort, le roi Louis IX, le futur Saint-Louis, est appelé pour arbitrer un conflit entre les chanoines de l'archevêché et les bourgeois de la ville, ce qui confirme l’influence grandissante de la France sur la ville. Quand son fils Philippe III le Hardi passe par Lyon l'année suivante, de retour de croisade, les bourgeois lyonnais « supplient humblement la majesté royale de daigner les prendre sous sa garde spéciale » et pour la première fois se proclament « du ressort de notre seigneur l'illustrissime roi de France ».
Dès lors, ce n’est plus qu’une question de temps.


Bourgeois demandant protection au représentant du roi en 1271
(enluminure charte royale vers 1309)


Aussi, en 1272, le roi prend la demande des bourgeois à la lettre et installe sur place un "gardiateur" qui est un officier garant de la protection royale, et exige  du nouvel archevêque Pierre de Tarentaise que, comme vassal, il lui rende hommage.
Cette évolution est vue d’un très mauvaise œil par le pape prompt à utiliser sa situation de ville-frontière et la possibilité de repli en cas de trouble à Rome

D’ailleurs, le pape Grégoire X  réunit dans la primatiale en 1274, le Troisième grand concile du XIIIe siècle (après celui de Rome en 1215, et celui de 1245), réunissant quelque 500 évêques et un millier de prélats pour discuter d'une croisade contre les Turcs. Mais cette belle entente sera remise en cause par le roi Philippe le Bel qui penche (déjà) pour la séparation de l'Église et de l'État. Il ne souffre pas que le pape Boniface VIII intervienne dans les affaires de l’État et finira par humilier le souverain pontife lors de l’entrevue d’Anagni. Le malheureux en mourra peu de temps après.

       
Cloître d'Aînay                Sceau de Grégoire VII


Philippe le Bel pousse son avantage pour faire élire un pape français et le conclave élit Bertrand de Got, qui se fait couronner... à Lyon, le 1er novembre 1305, sous le nom de Clément V. Ainsi Lyon apparaît comme le grand vecteur de la politique religieuse de la royauté française.

Mais en 1312, l'archevêque de Lyon refuse de prêter serment au roi de France et d'obéir à ses officiers et Philippe le Bel envoie alors une armée sous le commandement de son fils aîné Louis, le futur Louis X le Hutin. Le 10 avril, après un siège de trois mois, l'archevêque se soumet, transmet ses pouvoirs civils et judiciaires au roi et, en contrepartie, Lyon reçoit du roi une Charte communale. C’est pour la ville une opportunité qui va lui permettre, à partir de sa situation de carrefour des routes vers le bassin parisien, les Flandres, l'Italie et la Rhénanie d’asseoir sa prospérité avec ses foires renommées et ses établissements bancaires très réputés dans toute l’Europe.


  Sceau de Lyon, XIIIe siècle

Le rattachement définitif  et la sapaudine
En juin 1320, l'archevêque Pierre de Savoie se voit contraint par le nouveau roi Philippe V le Long - deuxième fils de Philippe le Bel - de promulguer la charte dite « Sapaudine » (de Savoie). Si le roi de France rétrocède une partie de ses prérogatives à l'archevêque qui doit de son côté reconnaître des droits à la bourgeoisie lyonnaise, ce texte confirme et officialise la réunion de Lyon au royaume de France.

L'archevêque délivra la charte scellée de son sceau de plomb, au château de Pierre-Scize, la forteresse de l'évêché. Les représentants des « pennons » (les enseignes des corps de métiers lyonnais) fêtaient chaque année cet événement. 

      Résultat de recherche d'images pour
La fête des pennons en souvenir de la charte sapaudine -Devant la cathédrale


Notes et références
[1] Jacques Duèze 1244-1334) né Cahors, est élu papa en 1316 sous le nom de Jean XXII. Âgé de 72 ans lors de son élection, il aura le plus long pontificat : il meurt à 90 ans après 18 ans d'exercice.
[2] Le Grand interrègne désigne la période entre 1250 et 1273 pendant laquelle le trône impérial du Saint-Empire romain germanique fut vacant, résultat de la victoire de la papauté soutenue par le parti des Guelfes contre la dynastie des Hohenstaufen soutenue par les Gibelins. En 1245, le pape Innocent IV se résolut à déposer l'empereur Frédéric II lors du concile de Lyon.

Voir aussi
* La primatiale Saint-Jean --
* André Pelletier, Jacques Rossiaud, Françoise Bayard et Pierre Cayez, Histoire de Lyon : des origines à nos jours, Éditions lyonnaises d'art et d'histoire, Lyon, 2007


Mes fiches sur Lyon et la région
* Quand Lyon devint française en 1312 --
* Jacques Serverin, Les ombrelles du quai Pierre-Scize - Claire Auzias, La grève des ovalistes -
* Louis Muron, Le chant des canuts -- La grande rebeyne à Lyon --
* J. Humbert, Les Français en Savoie sous Louis XIII -- La réaction thermidorienne à Lyon --
* La Résistance à Lyon - Evolution sociologique à Lyon - Balade à Lugdunum -


 « < •• Christian Broussas – Lyon, 1312 - 9 mai 2016 -© • cjb •• © > »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire