Référence : Jim Harrison, Le Vieux Saltimbanque (The Ancient Minstrel), trad. américain Brice Matthieussent, éditions Flammarion, 148 pages, septembre 2016

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1- un testament

C’est son dernier récit, texte autobiographique d’un homme qui veut avant de disparaître, laisser cette trace, la somme de ses réflexions et d’une vie bien remplie. Grand bien lui en prit puisqu’il est mort d’une crise cardiaque le 26 mars 2016 à l’âge de 78 ans. Il a pu terminer ce dernier opus publié à titre posthume ou le récit picaresque se mêle à cette autodérision dont il ne s’est jamais départi.

2- Un livre confession
D’emblée les choses sont claires : il se présente comme un menteur et un alcoolique, menteur en tout cas comme tous les romanciers, ni plus ni moins que le commun de ses collègues sans doute.
S’il présente son récit à la troisième personne, c’est sans doute pour mieux prendre du recul sur l’ histoire de sa vie et éviter le pur témoignage. « J’ai décidé, a-t-il dit, de poursuivre mes mémoires sous la forme d’une "novella". A cette date tardive, je voulais échapper à l’illusion de réalité propre à l’autobiographie ».
Ses deux filles le mettent alors en garde (« Laisse-nous en dehors de ça ! » lui lancent-elles à l’unisson) et il le ressent comme une injustice, leur répondant, dubitatif : « Vous n’avez donc aucune confiance en mon goût ? » ? Réponse sans nuances : « Non ! ».


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3- Un sacré paroissien
Si son pays les États-Unis l’a largement ignoré, la France l’a toujours reconnu comme un écrivain américain majeur. L’œil malicieux (il avait perdu l’autre dans un accident à l’âge de 8 ans) et contrairement à un Bukowski, toujours lucide, il ne perdait jamais son fil narrateur, de ses débuts avec Dalva à Légendes d’automne, son roman le plus connu.
Si ce n’est pas un chef-d’œuvre, c’est cependant un moment de pur bonheur que sa lecture. Pour lui, la peur de la mort se réduisait à ne plus avoir accès au bon vin, avec cet ultime espoir qu’il formulait ainsi :« Peut-être qu’on radotera encore dans notre cercueil ».

Tour à tour, hilarant, sérieux et mélancolique, il dissèque des bribes de sa vie faites de souvenirs d’enfance, des aléas de sa conduite automobile, d’alcool et de médicaments, de filles aussi bien sûr, de lectures, et bien sûr d’écriture. Ses écarts vont jusqu’à l’extravagance, comme cette lettre qu’il envoya au gouverneur de l’État une curieuse lettre où il se dit l’auteur d’un roman à succès, Légendes d’Automne, et qu’il devait absolument conduire sa voiture pour explorer de nouveaux lieux pour écrire et gagner sa vie. » Il ne reçut bien sûr aucune réponse.

Curieux comportement aussi que cette idée d’élevage de porcs qui se termina un fiasco. Autre anecdote de ce style, cette histoire d’adultère. N jour, il emmène une fille à la campagne sans se douter que sa femme, armée d’un pistolet, le suit. Il a quand même un sérieux doute en découvrant cette phrase dans son veston : « J’adore quand tu me broutes la chatte ».Il s’en sortira (mal) en déclarant : « Ne me tue pas avant que j’aie fini ce scénario, sinon tu perds cent mille dollars ».
Toujours son ironie mordante.

Son grand regret, son grand désespoir, c’est son rapport manqué à la poésie dont il dit : Avec la poésie, « soit on se retrouve au septième ciel, soit on barbote en pleine dépression. On pond un premier vers formidable, mais la pensée n’est pas assez puissante pour en enchaîner d’autres et, au beau milieu de la création, les mots s’ennuient et se font la guerre. Nos carnets sont remplis de ces fragments, le shrapnel de nos intentions. La vie est pingre en conclusions, voilà pourquoi on se bat souvent pour achever un poème ».

Les bonnes âmes, c’était pas son genre, preuve cette réflexion sur cette tradition littéraire où la paysannerie est traitée comme une bluette, d’hommes probes et travailleurs alors qu’il savait d’expérience « qu’il s’agissait de conneries sans nom ».
Illusions et désillusions, mamelles de la littérature…. Et provendes harrisoniennes.

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