lundi 10 octobre 2016

Patrick Modiano, La ronde de nuit

Référence : Patrick Modiano, "La ronde de nuit", éditions Gallimard, 153 pages, 1969

Citation : « Pourquoi m’étais-je identifié aux objets mêmes de mon horreur et de ma compassion ? » Scot Fitzgerald

                   
                                                                                       La ronde de nuit au théâtre

 
Comme dans son premier roman La place de l’étoile, Patrick Modiano imagine de nouveau l’époque de l’Occupation et son climat délétère. Le héros de cette histoire, qui rappelle par certains côtés Lacombe Lucien, un autre de ses personnages, est confronté à ses contradictions.

Non seulement il a accepté de travailler pour la Gestapo française, mais il se retrouve malgré lui mêlé à un réseau de Résistance. Tiraillé entre le cynisme, le confort que lui procure l’argent de la Gestapo et l’angélisme des résistants, il répugne à choisir entre traître et héros, louvoyant, vivant  sans choisir son camp, disant : « Rive gauche, je cachais aux braves petits gars du RCO mon activité d'indic, Rive droite, le titre de "Princesse de Lamballe" m'exposait à de sérieux ennuis. Qui étais-je au juste ? »

       
Avec Françoise Hardy                                 Avec JMG Le Clézio

Il se doute bien que tout cela finira mal, qu’il existe un seuil à ne pas franchir, un point de non retour où, de toute façon, il sera considéré comme traître par un camp ou l’autre. Peu importe en somme, car le pire est toujours sûr. Il en est conscient mais ne tentera rien pour influer sur son destin.

          
     Avec son frère Rudy

Les deux personnages principaux lui ont été inspirés par les deux dirigeants de la Gestapo que furent Henri Lafont alias le Khédive et le policier Pierre Bony alias Philibert.
Quant au bureau situé 3 bis square Cimarosa dans le roman, il fait penser au 93 rue LauristonLafont et Bonny avaient leur bureau, dont la cour et le sous-sol, préservés du voisinage, servaient à torturer  Gestapo torturaient leurs prisonniers.

        
                 Son père                                   Luisa Colpeyn, sa mère 

             
Le narrateur, aussi connu par ses pseudonymes, la Princesse de Lamballe [1] ou Swing Troubadour [2] se sent toujours très seul, à l’écart des uns et des autres, sauf ses amis Coco Lacour, aveugle, sourd, muet et Esmeralda, enfant sourde et muette, dont on se demande finalement s’ils n’existent pas que dans son imagination. Le récit est parfois ponctué de textes tirés des chansons de Charles Trenet et de son compère Johnny Hess en particulier la chanson Swing Troubadour.

            

Dans cette espèce d’association de malfaiteurs qui spolie les juifs et ceux qu’elle arrête, grenouillent des personnages "peu recommandables" comme Baronne Lydia, Violette Morris, Frau Sultana, complices de la Gestapo, des gens qu'il qualifie ainsi : « cette humanité curieuse qui gravite autour de ce que j'appelle notre "officine": requin d'affaires, demi-mondaines, inspecteurs de police révoqués, morphinomanes, patrons de boîtes de nuit, enfin tous ces marquis, comtes, barons et princesses qui ne sont pas dans le Gotha. »
Cette faune fait pendant aux vertueux, ceux qui ne sont pas mus par le profit et les rapines, le  lieutenant Pernety et ses hommes comme Picpus ou Saint Georges, jeunes résistants idéalistes du RCO.


            
        À Paris en 2007                                          Avec Catherine Deneuve 


Notes et références
[1]
La princesse de Lamballe, amie intime de la reine Marie-Antoinette, elle fut décapitée à la Révolution et sa tête portée sur une pique dans les rues de Paris.

[2] Dans Swing Troubadour, on trouve par exemple :
« Tout est fini, plus de promenades
Plus de printemps swing troubadour,
Elle est finie ta sérénade
Tu vas quitter l'faubourg. »


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