Référence : Salman Rushdie, "La maison Golden", éditions Actes Sud, 29 août 2018

           
                           Salman Rushdie avec Bono de U2 à Londres en 1993


On connaît le superbe talent de conteur de Salman Rushdie depuis des œuvres comme Les enfants de Minuit ou Le dernier soupir du Maure, qui lui permet de donner vie à des personnages fantasques confrontés à toutes sortes d'aventures. On connaît aussi les années de réclusion que lui avait valu la parution de son roman Les versets sataniques. [1]

             
                                                        Rushdie brandissant Les versets sataniques
René Unterlinden, jeune assistant réalisateur est intrigué par cette famille Golden qui vient de s’installer en face de chez lui. Il les trouve si mystérieux qu’il décide de leur consacrer  un film où il sera à la fois témoin, scénariste et même acteur. 



Rushdie avec sa 3ème femme Élisabeth & leur fils


« La Maison Golden » dépeint les destins contrariés d’une famille d’Indiens récemment installée à New York et brosse un portrait de l’état des États-Unis et du monde actuel... toujours avec le thème du fanatisme religieux. Un livre contrasté, comme à son habitude, tour à tour sérieux, ironique et drôle.

L’histoire commence Le jour de l’investiture de Barack Obama quand un millionnaire venu d’un lointain Orient s’installe dans le superbe ensemble des Macdougal Sullivan Gardens qu'on appelle plus simplement "Les Jardins", lieu préservé au cœur de Greenwich Village, charmant quartier de New York.

               
1- Dernier soupire du maure –2 Versets sataniques -
3 – Enchanteresse de Florence  -


Néron Golden est venu accompagné de sa jeune et belle maîtresse russe Vasilisa et de ses trois fils très atypiques : Petronius, dit Petya, agoraphobe et fondu d’informatique, Lucius Apuleius, dit Apu, l’artiste déjanté et mystique, et Dionysos, dit D., qui d’un point de vue sexuel a du mal à se définir. Néron est ainsi doté de rejetons autiste, artiste et... indéfini, s’interrogeant sur son identité sexuelle. « C’est l’air du temps, dit-il dans une interview, le genre sexuel, la maladie mentale, l’art, sont des problématiques très actuelles. »

        
Avec Paul Auster et Shimon Perez                     Avec Bernie Sanders


Le destin des Golden est scellé dans les événements qui les marquent dans un mélange de passé, de présent et de futur. Le passé, c’est l’Inde que Néron Golden a fuie mais qui va finir par les rattraper, le présent, ce sont les années Obama, celles de l'espérance et de sa dégradation, avec un Joker fantasque aux cheveux teints qui guette le pouvoir et l’avenir, c’est celui d’un monde livré livré au doute, le tout transcendé par le talent et l'imagination de Salman Rushdie.

             
Le jeune Salman à Bombey             Rushdie avec ses sœurs Sameen et Nevid


Au départ, précise Rushdie, il pensait écrire un roman sur la ville de New York. Et puis Donald Trump a été élu… Il a donc changé d’optique et commencé son livre « à ce moment d’optimisme que fut l’élection d’Obama, et de le clore dans cette incertitude consécutive à celle de Trump. »

Pour lui, l’effet Trump c’est « un plongeon perpétuel dans le vide… Au-delà, les stupides problèmes de nationalisme gangrènent le monde entier, comme ce qui s’est passé pour le Brexit au Royaume-Uni. Les gens ont la nostalgie de choses qui n’ont pas existé ! »


    
Sa 1ère femme Clarissa Luard -[2] -- Sa 2ème femme Marianne Wiggins [3]   
Sa 3ème femme Élisabeth West --

Sa 4ème femme le mannequin Padma Lakshmi

Il reconnaît que René, le héros de son livre, peut être considéré comme son double littéraire... même s’il n’est pas comme lui écrivain mais cinéaste. Il vit depuis presque vingt ans aux États-Unis, possède un passeport américain et comme les Golden, il est originaire de l’Inde.

A ce propos, il pense que les jeunes sont sensibles à l’identité sexuelle. Il l’a constaté chez ceux qu’il fréquente à New York. « Récemment, dit-il, deux personnes que je fréquentais ont changé de genre, et parallèlement, le sujet est devenu crucial pour les jeunes. » Pour ce livre, son idée était de rendre compte de ce phénomène, de l’évolution des mentalités, de « dresser un panorama social de notre époque et je ne pouvais éviter ce sujet. »

                  
Rushdie avec ses deux fils Zafar 33 ans                     Les enfants de minuit
et Milan 15 ans


Notes et références
[1] Dans son autobiographie Joseph Anton, il parle de ces simples gestes qui deviennent très compliqués, de ces simples balades minutieusement préparées, de sa fuite dans la salle de bain quand survient la femme de ménage. Chaque déplacement prend une dimension extraordinaire Comme en 1991 quand il part aux États-Unis pour donner des conférences dans un avion de l'armée, qu'il a une escorte pour aller à son hôtel où il séjourne dans la suite présidentielle aux fenêtres à l’épreuve des balles.
[2] Dans Joseph Anton, il évoque aussi la vie et la mort de sa première femme Clarissa Mary Luard, mère de son fils Zafar, y dépeint sa « gaieté pudique » sans nier leurs tensions, son combat pour protéger leur fils, sa mort d’un cancer.
[3] Romancière américaine, auteure notamment de Shadow Catcher en 2007 et L'île de nos rêves interdits paru chez Robert Laffont



<< Christian Broussas • °° S. Rushdie °° -- 09/12/2018 >>