Référence : Élisabeth Filhol, "Doggerland", éditions P.O.L/Gallimard, 352 pages, janvier 2019
« Nous finirons par toucher les limites de ce que l’on pense illimité. » (Élisabeth Filhol)
J'avais beaucoup aimé ses deux premiers romans, leur dimension sociale avec La Centrale qui obtint leprix France Culture-Télérama en 2010), abordant des conditions de travail des intérimaires de l’industrie nucléaire puis Bois II qui a comme sujet l'occupation d’usine condamnée à la délocalisation.C'est une auteure qui se fait rare, pratiquant un long travail de recherche et de documentation, pas du genre à pondre sa fiction annuelle.
D'où a priori l'intérêt qu'elle suscite à chaque nouvelle publication.
Dans les années 80, Margaret, géologue a choisi comme sujet d’étude le Doggerland, [1] une terre habitée il y a 8000 ans et à présent engloutie. Marc Berthelot est ingénieur pétrolier en mer du Nord. Il aurait pu la suivre dans cette voie, mais il a choisi le pétrole, quittant le département de géologie de Saint Andrews, pour une vie d’aventure sur les plateformes offshore. Liaison chaotique que l'auteur définit de cette façon : « Quantité de failles chez l’un et l’autre, quantité de micro-séismes... au lieu d’en réguler l’amplitude, dans un effet miroir, de s’autoréguler, chez eux tout s’additionne, s’amplifie, rien ne se soustrait. »
En 2013, alors qu’ils sont invités à un congrès à Esbjerg au Danemark, un ouragan s’apprête à frapper l’Europe du Nord. Ils auraient pu se revoir mais ce 5 décembre 2013, l’ouragan Xaver arrive et fond sur l’Europe du Nord, montant progressivement en puissance. Elle rappelle les vieilles hantises du Doggerland, les souvenirs de Marc et de Margaret, les choix qu’ils ont faits et repose cruellement les questions du développement des plates-formes pétrolifères, des parcs éoliens, d’une exploitation effrénée des ressources naturelles. Mais en géologie, le temps s'étire sur de longues durées, les forces agissent à distance, réveillant parfois d’anciens volcans, de vieilles failles, ou les refermant de la même façon.
Elisabeth Filhol jongle avec les époques, nous fait traverser mer et continent à travers les âges de la préhistoire, comme elle aborde aussi la question des réels dangers que court désormais la terre. [2]
Interview d'Élisabeth Filhol :
« J’ai une conscience qui s’est éveillée lors de l'écriture. L’aventure du pétrole en mer du Nord, que je ne connaissais pas, m’a fascinée. Elle est métaphorique de ce que peut fDepuis son premier opus, La Centrale (1) (prix France Culture-Télérama 2010), on savait qu’Elisabeth Filhol, 53 ans, aimait à arpenter les territoires singuliers. N’y a-t-elle pas fait enjeu romanesque des conditions de travail des intérimaires de l’industrie nucléaire ? Comme elle le fera, quatre ans plus tard, dans Bois II (2) , d’une occupation d’usine condamnée à la délocalisation.aire la science et la technologie humaine.
Ce qui m’a le plus surprise avec le Doggerland, c’est que je n’en avais jamais entendu parler et qu'il n’en reste rien dans les mythes européens. Pourquoi ce Doggerland a été rayé de la carte et de la mémoire collective, cela fait partie des énigmes qui m’ont donnée envie d’aller creuser…
Pour donner une profondeur aux personnages je fonctionne moins par une descente en introspection que part une projection de leurs états d’âme sur l’extérieur.
Si on intègre un paysage dans le temps géologique, ce n’est plus du tout le même. Du moins, cela permet un pas de côté. Le paysage me fascine donc deux fois plus.
Je vis l’écriture comme un espace de liberté. Je ne suis soumise à aucune contrainte, mon écriture part dans des directions différentes. J'ai le sentiment de chercher le livre dans une totale liberté. »
Quelques réactions de lecture
** « Élisabeth Filhol confronte le temps de la géologie à celui des humains. Un roman fascinant, à la croisée des sciences et de la fiction. »
Sophie Joubert, Humanité, janvier 2019
** « Une fiction singulière qui traverse les continents et les âges, à mi-chemin entre thriller scientifique et saga géologique. Fascinant. »
Fabienne Pascaud, Télérama, janvier 2019
** « Dans Doggerland, Elisabeth Filhol convoque tourments de l’amour, risques technologiques et naturels. Soufflant. »
Florence Bouchy, Le Monde des Livres, 11/01/2019
Notes et références
[1] Doggerland, est le nom donné à l’étendue de terre qui se situait, voilà plus de huit mille ans, dans la moitié sud de la mer du Nord et permettait d'aller à pied de la Grande-Bretagne jusqu’au Danemark. Puis une espèce de tsunami en Norvège a provoqué son immersion.
[2] La description qu'elle en fait s'appuye sur une tempête authentique qui eut lieu en 2013.
<< Ch. Broussas - Doggerland - 13/01/2019 • © cjb © • >>
« Nous finirons par toucher les limites de ce que l’on pense illimité. » (Élisabeth Filhol)
J'avais beaucoup aimé ses deux premiers romans, leur dimension sociale avec La Centrale qui obtint leprix France Culture-Télérama en 2010), abordant des conditions de travail des intérimaires de l’industrie nucléaire puis Bois II qui a comme sujet l'occupation d’usine condamnée à la délocalisation.C'est une auteure qui se fait rare, pratiquant un long travail de recherche et de documentation, pas du genre à pondre sa fiction annuelle.
D'où a priori l'intérêt qu'elle suscite à chaque nouvelle publication.
Dans les années 80, Margaret, géologue a choisi comme sujet d’étude le Doggerland, [1] une terre habitée il y a 8000 ans et à présent engloutie. Marc Berthelot est ingénieur pétrolier en mer du Nord. Il aurait pu la suivre dans cette voie, mais il a choisi le pétrole, quittant le département de géologie de Saint Andrews, pour une vie d’aventure sur les plateformes offshore. Liaison chaotique que l'auteur définit de cette façon : « Quantité de failles chez l’un et l’autre, quantité de micro-séismes... au lieu d’en réguler l’amplitude, dans un effet miroir, de s’autoréguler, chez eux tout s’additionne, s’amplifie, rien ne se soustrait. »
En 2013, alors qu’ils sont invités à un congrès à Esbjerg au Danemark, un ouragan s’apprête à frapper l’Europe du Nord. Ils auraient pu se revoir mais ce 5 décembre 2013, l’ouragan Xaver arrive et fond sur l’Europe du Nord, montant progressivement en puissance. Elle rappelle les vieilles hantises du Doggerland, les souvenirs de Marc et de Margaret, les choix qu’ils ont faits et repose cruellement les questions du développement des plates-formes pétrolifères, des parcs éoliens, d’une exploitation effrénée des ressources naturelles. Mais en géologie, le temps s'étire sur de longues durées, les forces agissent à distance, réveillant parfois d’anciens volcans, de vieilles failles, ou les refermant de la même façon.
Elisabeth Filhol jongle avec les époques, nous fait traverser mer et continent à travers les âges de la préhistoire, comme elle aborde aussi la question des réels dangers que court désormais la terre. [2]
Interview d'Élisabeth Filhol :
« J’ai une conscience qui s’est éveillée lors de l'écriture. L’aventure du pétrole en mer du Nord, que je ne connaissais pas, m’a fascinée. Elle est métaphorique de ce que peut fDepuis son premier opus, La Centrale (1) (prix France Culture-Télérama 2010), on savait qu’Elisabeth Filhol, 53 ans, aimait à arpenter les territoires singuliers. N’y a-t-elle pas fait enjeu romanesque des conditions de travail des intérimaires de l’industrie nucléaire ? Comme elle le fera, quatre ans plus tard, dans Bois II (2) , d’une occupation d’usine condamnée à la délocalisation.aire la science et la technologie humaine.
Ce qui m’a le plus surprise avec le Doggerland, c’est que je n’en avais jamais entendu parler et qu'il n’en reste rien dans les mythes européens. Pourquoi ce Doggerland a été rayé de la carte et de la mémoire collective, cela fait partie des énigmes qui m’ont donnée envie d’aller creuser…
Pour donner une profondeur aux personnages je fonctionne moins par une descente en introspection que part une projection de leurs états d’âme sur l’extérieur.
Si on intègre un paysage dans le temps géologique, ce n’est plus du tout le même. Du moins, cela permet un pas de côté. Le paysage me fascine donc deux fois plus.
Je vis l’écriture comme un espace de liberté. Je ne suis soumise à aucune contrainte, mon écriture part dans des directions différentes. J'ai le sentiment de chercher le livre dans une totale liberté. »
Quelques réactions de lecture
** « Élisabeth Filhol confronte le temps de la géologie à celui des humains. Un roman fascinant, à la croisée des sciences et de la fiction. »
Sophie Joubert, Humanité, janvier 2019
** « Une fiction singulière qui traverse les continents et les âges, à mi-chemin entre thriller scientifique et saga géologique. Fascinant. »
Fabienne Pascaud, Télérama, janvier 2019
** « Dans Doggerland, Elisabeth Filhol convoque tourments de l’amour, risques technologiques et naturels. Soufflant. »
Florence Bouchy, Le Monde des Livres, 11/01/2019
Notes et références
[1] Doggerland, est le nom donné à l’étendue de terre qui se situait, voilà plus de huit mille ans, dans la moitié sud de la mer du Nord et permettait d'aller à pied de la Grande-Bretagne jusqu’au Danemark. Puis une espèce de tsunami en Norvège a provoqué son immersion.
[2] La description qu'elle en fait s'appuye sur une tempête authentique qui eut lieu en 2013.
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