Référence : Maxime Tandonnet, "André Tardieu, L'incompris", éditions Perrin, 357 pages, janvier 2019

   

Un des­tin inachevé
André Tardieu : Trois fois président du Conseil dans l’entre-deux-guerres (1930-1932), ministre à plusieurs reprises, journaliste influent, il a joué un rôle dans l’évolution des chemins de fer, la construction de la première autoroute française ou dans l’instauration de la planification.
Peu de choses en regard du rôle moteur qu’il aurait pu jouer dans la politique française.


Certains voyaient en lui un "Chur­chill fran­çais" mais il ne fut qu’un "Mirobolant" selon le bon mot de Léon Daudet. Donc, un destin raté, malgré la volonté de l'auteur de réhabiliter l’homme politique.

Pourtant, il était né avec une "cuillère d’argent dans la bouche". Ce parisien issu d’une grande famille bourgeoise (ce qui n’est pas forcément un avantage en politique) passait pour une intelligence précoce et remarquable. On lui reconnaissait aussi une grande capacité de travail et une jolie plume, de larges connaissances, en particulier de l’État et de la politique.
Mais ses défauts étaient à la hauteur de ses qualités : une rigidité, un esprit rancunier et un sentiment de supériorité qui le desservent et lui aliéneront beaucoup de soutiens en l'isolant de ses amis politiques.

Tournant le dos à la diplomatie, il fut d'abord un journaliste influent, bon analyste de la scène internationale, fin connaisseur des problèmes socio-économiques. Il était surtout partisan d'un pouvoir exécutif fort.
Sa vision politique est très contrastée. Parfois novatrice comme sur l’importance de l’exécutif (on dit que le général de Gaulle s’est inspiré de ses idées sur le sujet), son opposition fondamentale à Hitler et sa position anti-munichoise, parfois bloqué sur des positions sectaires.

Cette mentalité, de plus en plus accentuée après la chute de son gouvernement en 1932, l’obligea à prendre ses distances avec la politique. Il se retira alors à Menton où il fut terrassé par une attaque cardiaque en 1939 avant de décéder en 1945.   

                         

Le grand écart

André Tardieu
a réussi l’exploit d’avoir été le principal disciple de Georges Clémenceau, son secrétaire particulier, puis d’avoir été ensuite le protégé et le dauphin de Raymond Poincaré, auquel il va succéder après le retrait de ce dernier en 1929. [1] Quand on se rappelle les relations détestables existant entre Clémenceau et Poincaré (malgré le recours à Clémenceau en 1917, Poincaré acceptant "d’avaler la couleuvre"), leurs idées politiques si différentes, on peut mesurer la chemin parcouru par Tardieu.


La désignation de Tardieu à la tête du gouvernement symbolise aussi la montée en puissance, à tous les niveaux de responsabilité, de la génération des anciens combattants.
Ce grand écart s’explique aussi par la carrière de Tardieu qui s’est déroulée en deux temps. D’abord la période Clémenceau pendant laquelle il est à ses côtés l’un des principaux négociateurs du traité de Versailles et des autres traités qui ont scellés la fin de la Grande guerre. Puis il s’effacera après la défaite de Clémenceau lors de l’élection présidentielle, leur brouille et la victoire du cartel des gauches dirigé par Édouard Herriot

           

Il reviendra au premier plan en redevenant député puis ministre dans le ministère Poincaré en 1926. Mais comme président du conseil à trois reprise entre 1929 et 1932, il échouera à faire évoluer le système socio-économique d’un pays qui va peu s’engluer dans la crise économique qui a traversé l’Atlantique.

Politiquement, il sera pris entre deux feux, anti-communiste et grand bourgeois, il est combattu par la gauche [2] et menacé dans son propre camp par la jalousie d’hommes comme Pierre Laval et Pierre-ÉtienneFlandin (président du conseil en 1934-35).
Son action en 1934 auprès du président Doumergue se soldera par un nouvel échec. Dès lors, il va abandonner la politique, se consacrant à écrire des éditoriaux dans le journal Gringoire et des ouvrages comme Le Souverain captif et La Révolution à refaire.

François Monnet dans son ouvrage Refaire la République, André Tardieu (1876-1945) l'avait sous titré Une dérive réactionnaire [3], ce qui ne veut pas forcément dire d'essence fasciste mais comme dans le cas de Tardieu, la marque d'une pensée républicaine, libérale et conservatrice.

           

Notes et références
[1] Après un bref ministère Briand assurant les affaires courantes, ce qu’on appelait alors un "ministère de concentration"
[2] Sondé par l’entourage de Léon Blum, il a refusé en 1938 de participer à un gouvernement d’union nationale.
[3] Ouvrage paru aux éditions Fayard en 1993

Voir aussi mes fiches Histoire
* André Tardieu --L'empereur Trajan -- Jacques Le Goff & le Moyen-Âge --
* Éric Vuillard, La guerre des pauvres -- La goûteuse d'Hitler --


<< Christian Broussas – Tardieu - 05/02/2019 < • © cjb © • >>