Référence : Delphine de Vigan, Les gratitudes, éditions Jean-Claude Lattès, mars 2019

      
                                Lors de son prix Renaudot en 2015

« Un roman d'une rare puissance sur les dettes morales et ces liens invisibles qui nous gouvernent. » Le Figaro

Les gratitudes, ces petits riens si importants qui constituent l’un des fondements essentiels des sentiments humains, ce qui est en nous et qui restent constamment intactes.
Dans la lignée de son précédent roman Les Loyautés, Delphine de Vigan se coltine ici à un thème si difficile, ponctué parfois de références autobiographiques, qu'elle s’efforce de traiter avec  une dose de légèreté et  d'humour suffisante pour éviter de tomber dans le mélo.
Une histoire de gratitude croisée entre Michka et Marie, de la part de Michka aussi, qui voudrait retrouver ceux qui l’ont sauvée pendant l’Occupation.    


 

On a parfois du mal à établir un lien entre le portrait de telle personne  dans tout l’épanouissement de sa jeunesse et la personne qu’on a en face de soi, la personne telle qu’elle est aujourd’hui. Entre ces deux corps qui n’en forment pourtant qu’un, rien ou presque ne semble les relier, sauf peut-être un port de tête, une mimique, un geste pris comme dans un instantané, entrevus au détour d’une réaction.

Michèle Seld, qu’on appelle Michka, peut de moins en moins rester chez elle, être autonome car pour elle, le diagnostic est simple, un mot tombe : aphasie. C'est Marie, une aide à la personne qui va lui dégotter une place dans une maison de retraite. C’est un grand cœur Michka mais les mots ne suivent plus. Elle pense un mot et il en vient un autre, les consonnes et les voyelles se mélangent et ça donne de drôles de combinaisons, un mot pour un autre ou qui tombe impromptu, sans lien avec le contexte, du genre : « Franchement, compte-tenu des circonflexes, une petite cigarette, ce ne serait pas du fluxe. » Non, ce n’est du verlan, c’est du Michka.

   

Heureusement, Marie est là, qui fait ce qu’elle peut avec ses tonnes de tendresse à dispenser, aidée de Jérôme, l’orthophoniste qui l’écoute, qui prend le temps et tente de retarder l’inéluctable. Il possède une vision très haute de son travail, disant : « Je suis orthophoniste. Je travaille avec les mots et avec le silence. Les non-dits. Je travaille avec la honte, le secret, les regrets. Je travaille avec l'absence, les souvenirs disparus, et ceux qui ressurgissent, au détour d'un prénom, d'une image, d'un parfum. Je travaille avec les douleurs d'hier et celles d'aujourd'hui. Les confidences. Et la peur de mourir. »

  

Si c’est « Un roman tendre et attachant » comme aiment à l’écrire des critiques comme celui du Figaro, d’autres comme celui du Nouvel Obs ou Frédéric Beigbeder sont plus réticents, trouvant que le roman dégouline de beaux sentiments plus près du conte pour enfants que de la réalité, dans un univers assez idyllique.
Faut-il alors conformer André Gide qui disait : « On ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments. »


   
                                                Avec Emmanuelle Seigner

Mes fiches sur Delphine de Vigan
* Les gratitudes -- Les loyautés --
* Les heures souterraines -- D'après une histoire vraie -- 

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