Des ministres et contrôleurs des finances de Louis XVI, on connaît surtout Turgot et Necker mais c'est Charles-Alexandre de Calonne qui a exercé la charge de ministre des finances le plus longtemps, de 1783 à 1787. Il a ainsi joué un rôle clé entre "l'ére Necker" en 1777-1781 et ses deux très courts retours au ministère en 1788 et 1790.
Calonne par Vigée-Lebrun
Pour parvenir au sommet de l’État, il a d’abord comploté pour renverser Necker. [1] À part les Parlements, il compte alors beaucoup de partisans, surtout parmi les gens de robe et de finance. Il faut dire qu’il compte de solides appuis parmi les amis de sa défunte femme et de sa maîtresse, le clan Polignac très proche de la reine et le comte d’Artois, futur Charles X ainsi que le très influent Vergennes. Lors de sa nomination par Louis XVI, on a dit de lui qu’il n'est ni un doctrinaire comme Turgot ni un philanthrope comme Necker.
Bref, son arrivée aux finances de l’État est plutôt vue comme une bonne chose et on attend beaucoup de lui après le bref et calamiteux ministère D’Ormesson.
Calonne. Financier, réformateur L’agiotage dénoncé par Mirabeau
Il s’oppose à Necker sur la nécessité de réduire les dépenses publiques et pencherait plutôt vers la relance, prônant « une politique d’argent facile » lui reprochent ses adversaires qui regrettent l'abandon des réformes de Necker pour rendre plus efficace l'administration et réduire les dépenses inutiles.
Calonne hérite d’une situation désastreuse : à la crise financière s’ajoute une crise de trésorerie et une crise de confiance de la part des rentiers et des financiers. Il comprend qu’il faut agir par le crédit : « L’argent manquait, parce qu’il ne circulait pas : il a fallu en répandre pour l’attirer […] L’essentiel était alors de ramener la confiance égarée. »
Dans un premier temps, il va réussir en initiant une politique de relance par des grands travaux : poursuivre le percement du canal de Bourgogne, améliorer la navigation sur la Saône, financer des travaux dans les ports maritimes (Cherbourg, Dunkerque) et plusieurs grandes villes, augmenter le nombre de ports francs…
Un compte-rendu de Necker L'Assemblée des notables
Calonne procède aussi à une relance des dépenses publiques (qui bénéficie surtout à la cour), facilite l’investissement industriel et signe un traité de commerce avec l’Angleterre. Cette politique va avoir pour conséquence d’engendrer un emprunt évalué à 653 millions et de déséquilibrer le budget de l’État qui passera d’un déficit de 86 millions en 1785 à un déficit de 125 millions deux ans après.
Face aux graves difficultés financières, Calonne engage en 1785 une réforme monétaire pour éviter trafics et contrefaçons, en allégeant le poids des louis d'or (opération portant sur 750 millions de livres), l’or français exporté devenant ainsi plus cher et bénéficiant au Trésor royal pour 3 millions et soutenant les emprunts d’État.
Mais elle lèse beaucoup d'intérêts et a du mal à se mettre en place, ce qui laisse à ses opposants le temps de s'organiser.
Vergennes Louis XVI Loménie de Brienne
Calonne, qui sent que l’opinion risque de le lâcher, va alors tirer sa dernière cartouche en proposant à Louis XVI un vaste plan de réformes financières. Réforme drastique des recettes d’État [2] et surtout instauration d'une taxe sur les propriétés de la noblesse et du clergé. Cette dernière réforme passerait par la création d'une « subvention territoriale », impôt unique remplaçant les anciens vingtièmes et frappant tous les revenus fonciers sans distinction de privilèges.
En prenant connaissance du plan de Calonne, Louis XVI aurait dit : « C'est du Necker tout pur que vous me donnez là ! » mais il soutint le projet. En fait, ce plan ressemblait plutôt à celui de Turgot qui préconisait déjà la suppression des trois ordres dans les assemblées locales.
Problème : le Roi ne pouvait créer un impôt permanent qu'en consultant soit Les états généraux soit L’Assemblée des notables. Calonne va choisir la seconde solution et il va vite déchanter, la plupart des nantis, membres de cette assemblée, étant contre toute réforme.
Lettre de Calonne au roi Écu de Calonne en argent de Louis XVI
Tout est entre les mains du roi : soit il accepte et les finances se trouvent structurellement assainies, soit il refuse, Calonne s’en va et rien n’est réglé.
Et Louis XVI, le velléitaire, refusera de s’opposer aux privilégiés qui ne voient que leur intérêt immédiat et précipitent le pays dans une nouvelle grave crise financière.
Cette fois, on semble bien avoir épuisé toutes les solutions pouvant éviter un blocage. Son successeur Loménie de Brienne n’y pourra rien, pas plus que Necker rappelé aux affaires pour deux trop courtes durées.
La monarchie ne s’en remettra pas.
Notes et références
[1] On lui attribut notamment un libelle virulent contre Necker, la Lettre du marquis de Caracciole à M. d'Alembert en 1781.
[2] Avec des mesures telles que supprimer les douanes intérieures et les traites, réduire la taille, remplacer les corvées par une prestation en argent, transformer la Caisse d’escompte en une banque d’État.
Voir aussi
* Emmanuel de Valicourt, Calonne, la dernière chance de la monarchie, éditions Clément Juglar, 420 pages, 2016) --
* Robert Lacour-Gayet, Calonne. Financier, réformateur et contre-révolutionnaire, 1734-1802, Paris, 1963
* La France de Calonne --
* Juillet 89 : Necker est renvoyé --
* Tentatives de réformes sous Louis XVI --
<< Christian Broussas°° Calonne °Divonne - 27/06/2019 >>
Calonne par Vigée-Lebrun
Pour parvenir au sommet de l’État, il a d’abord comploté pour renverser Necker. [1] À part les Parlements, il compte alors beaucoup de partisans, surtout parmi les gens de robe et de finance. Il faut dire qu’il compte de solides appuis parmi les amis de sa défunte femme et de sa maîtresse, le clan Polignac très proche de la reine et le comte d’Artois, futur Charles X ainsi que le très influent Vergennes. Lors de sa nomination par Louis XVI, on a dit de lui qu’il n'est ni un doctrinaire comme Turgot ni un philanthrope comme Necker.
Bref, son arrivée aux finances de l’État est plutôt vue comme une bonne chose et on attend beaucoup de lui après le bref et calamiteux ministère D’Ormesson.
Calonne. Financier, réformateur L’agiotage dénoncé par Mirabeau
Il s’oppose à Necker sur la nécessité de réduire les dépenses publiques et pencherait plutôt vers la relance, prônant « une politique d’argent facile » lui reprochent ses adversaires qui regrettent l'abandon des réformes de Necker pour rendre plus efficace l'administration et réduire les dépenses inutiles.
Calonne hérite d’une situation désastreuse : à la crise financière s’ajoute une crise de trésorerie et une crise de confiance de la part des rentiers et des financiers. Il comprend qu’il faut agir par le crédit : « L’argent manquait, parce qu’il ne circulait pas : il a fallu en répandre pour l’attirer […] L’essentiel était alors de ramener la confiance égarée. »
Dans un premier temps, il va réussir en initiant une politique de relance par des grands travaux : poursuivre le percement du canal de Bourgogne, améliorer la navigation sur la Saône, financer des travaux dans les ports maritimes (Cherbourg, Dunkerque) et plusieurs grandes villes, augmenter le nombre de ports francs…
Un compte-rendu de Necker L'Assemblée des notables
Calonne procède aussi à une relance des dépenses publiques (qui bénéficie surtout à la cour), facilite l’investissement industriel et signe un traité de commerce avec l’Angleterre. Cette politique va avoir pour conséquence d’engendrer un emprunt évalué à 653 millions et de déséquilibrer le budget de l’État qui passera d’un déficit de 86 millions en 1785 à un déficit de 125 millions deux ans après.
Face aux graves difficultés financières, Calonne engage en 1785 une réforme monétaire pour éviter trafics et contrefaçons, en allégeant le poids des louis d'or (opération portant sur 750 millions de livres), l’or français exporté devenant ainsi plus cher et bénéficiant au Trésor royal pour 3 millions et soutenant les emprunts d’État.
Mais elle lèse beaucoup d'intérêts et a du mal à se mettre en place, ce qui laisse à ses opposants le temps de s'organiser.
Vergennes Louis XVI Loménie de Brienne
Calonne, qui sent que l’opinion risque de le lâcher, va alors tirer sa dernière cartouche en proposant à Louis XVI un vaste plan de réformes financières. Réforme drastique des recettes d’État [2] et surtout instauration d'une taxe sur les propriétés de la noblesse et du clergé. Cette dernière réforme passerait par la création d'une « subvention territoriale », impôt unique remplaçant les anciens vingtièmes et frappant tous les revenus fonciers sans distinction de privilèges.
En prenant connaissance du plan de Calonne, Louis XVI aurait dit : « C'est du Necker tout pur que vous me donnez là ! » mais il soutint le projet. En fait, ce plan ressemblait plutôt à celui de Turgot qui préconisait déjà la suppression des trois ordres dans les assemblées locales.
Problème : le Roi ne pouvait créer un impôt permanent qu'en consultant soit Les états généraux soit L’Assemblée des notables. Calonne va choisir la seconde solution et il va vite déchanter, la plupart des nantis, membres de cette assemblée, étant contre toute réforme.
Lettre de Calonne au roi Écu de Calonne en argent de Louis XVI
Tout est entre les mains du roi : soit il accepte et les finances se trouvent structurellement assainies, soit il refuse, Calonne s’en va et rien n’est réglé.
Et Louis XVI, le velléitaire, refusera de s’opposer aux privilégiés qui ne voient que leur intérêt immédiat et précipitent le pays dans une nouvelle grave crise financière.
Cette fois, on semble bien avoir épuisé toutes les solutions pouvant éviter un blocage. Son successeur Loménie de Brienne n’y pourra rien, pas plus que Necker rappelé aux affaires pour deux trop courtes durées.
La monarchie ne s’en remettra pas.
Notes et références
[1] On lui attribut notamment un libelle virulent contre Necker, la Lettre du marquis de Caracciole à M. d'Alembert en 1781.
[2] Avec des mesures telles que supprimer les douanes intérieures et les traites, réduire la taille, remplacer les corvées par une prestation en argent, transformer la Caisse d’escompte en une banque d’État.
Voir aussi
* Emmanuel de Valicourt, Calonne, la dernière chance de la monarchie, éditions Clément Juglar, 420 pages, 2016) --
* Robert Lacour-Gayet, Calonne. Financier, réformateur et contre-révolutionnaire, 1734-1802, Paris, 1963
* La France de Calonne --
* Juillet 89 : Necker est renvoyé --
* Tentatives de réformes sous Louis XVI --
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