lundi 11 novembre 2019

Edgar Morin, Les souvenirs viennent à ma rencontre

Référence : Edgar Morin, Les souvenirs viennent à ma rencontre, éditions Fayard,450 pages, septembre 2019

         
« Tout observateur doit s'auto-observer en même temps qu'il pratique une observation. »

Edgar Morin, une énigme ou plus simplement un homme singulier happé par son siècle ? Nous en saurons plus en tout cas après la lecture des souvenirs d’un homme de 98 ans, à l’esprit toujours aussi clair et curieux qui nous présente lui-même  son propos.

Ancien résistant, sociologue et philosophe, Edgar Morin est surtout connu pour avoir conçu la «  pensée complexe  » dans son œuvre la plus connue intitulée La Méthode. L’œil exercé qu’il a porté sur le fonctionnement de la société mais aussi sa longévité en font un observateur privilégié d’une bonne moitié du XXe siècle et des débuts du XXIe.

          

Dans cet ouvrage, souvenirs et réflexions d'un homme qui a traversé les grands événements de son époque se mêlent constamment à une vie personnelle faite de voyages, de rencontres d'amour et d'amitié.  

« L'être humain, tout en reconnaissant la mort, la nie. C'est le seul animal qui ait conscience de la mort et qui, en même temps, la surmonte dans le mythe. »
Ces souvenirs, précise-t-il, ne sont pas venus selon un ordre chronologique... mais venus à ma rencontre selon l’inspiration, les circonstances. 

              

S’interpellant les uns les autres, certains en ont fait émerger d’autres de l’oubli :
« - Ils témoignent que j’ai pu admirer inconditionnellement des hommes ou femmes qui furent à la fois mes héros et mes amis.
- Ils témoignent des dérives et des dégradations, mais aussi des grandeurs et des noblesses que les violents remous de l’Histoire ont entraînées chez tant de proches.
- Ils témoignent des illuminations qui m’ont révélé mes vérités  ; de mes émotions, de mes ferveurs, de mes douleurs, de mes bonheurs.
- Ils témoignent que je suis devenu tout ce que j’ai rencontré.
- Ils témoignent que le fils unique, orphelin de mère que j’étais, a trouvé dans sa vie des frères et des sœurs.
- Ils témoignent de mes résistances : sous l’Occupation, puis au cours des guerres d’Algérie, de Yougoslavie, du Moyen-Orient, et contre la montée de deux barbaries, l’une venue du fond des âges, de la haine, du mépris, du fanatisme, l’autre froide, voire glacée, du calcul et du profit, toutes deux désormais sans freins. »


       

Il tente finalement de répondre aux questions essentielles que posait Emmanuel Kant sur l'homme et sa place dans l'univers, interrogation centrale que « je me suis donné le droit de poursuivre toute ma vie. »

« Le sort de la planète et de l’humanité, voilà ma préoccupation finale » disait-il encore il y a quelques jours dans une interview à Télérama.

Toujours aussi actif, il revient d’un colloque au Brésil, après un passage par Rome pour y rencontrer le pape. Sur ses 98 ans qu’on vient de lui fêter, il a récité ces vers : « Est-elle venue la saison/Avec mon anniversaire/D’atteindre l’âge de raison ?/Ou n’est-ce pas nécessaire ? » Évoquant Rimbaud, il ajoute « qu’on n’est pas sérieux quand on a 98 ans. » S’il a quelques problèmes d’audition, (« une tragédie auditive » pour ce mélomane), l’œil, le verbe et l’esprit, sont toujours aussi vaillants.

Voir aussi 
* Edgar Morin Mes philosophes --* En attendant Nadeau, Entretien avec Edgar Morin --

<< Christian Broussas – Morin Souvenirs, 23/09/2019 - © • cjb • © >>

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