L’année dernière, à l’occasion de la parution de son dernier roman L'origine des autres [1], où elle disait que « La race a été un critère constant de différenciation », j’écrivais plein d’optimisme « 87 ans et toujours bon pied bon œil. » Elle qui se disait ces dernières années « pressée d’écrire » avant l’inéluctable, n’aura pas eu le temps de publier d’autres œuvres. [2]
Elle essaie de "faire court", d’avoir un style incisif et percutant, « quand j’écris un livre, c’est toujours comme si j’écrivais le premier. Je m’impose la fluidité, la liberté du langage. »
Depuis son prix Nobel de littérature, elle aura connu bien des honneurs mais elle sera toujours restée elle-même, défendant les droits de sa communauté et fidèle à la mission qu’elle s’était fixée d’écrire, de dénoncer, depuis Beloved, l’histoire terrible d’une mère qui sacrifie sa fille au destin peu enviable qu’elle ne manquerait pas de connaître, la condition des femmes de couleur dans la société américaine.
Je me souviens encore de la lecture de L’œil le plus bleu, la dictature de la peau blanche, de la blonde aux yeux bleus ou de Sula qui revendique hautement sa liberté ainsi que sa double condition de noire et de femme.
Je me souviens de Délivrances où Lulla Ann Bridewell, dite Bride, est fille de « mulâtres au teint blond », que sa mère n’aime pas parce qu’elle la trouve beaucoup trop noire. Malgré sa réussite, sa "délivrance" passe par un dépassement de ses humiliations et de ses mensonges, y compris à elle-même pour éviter d’affronter la réalité.
Avec Obama
Dans Love , elle traite du choc des générations quand une jeune fille Junior fait irruption dans l’univers de femmes vieillissantes pour s’occuper de Heed, qui détonne avec ses mini-jupes, ses cuissardes, et ce regard inconnu de ses aînées « dont elles ne savent pas ce qu’il signifie. »
Dans Home, Toni Morrison revient sur ses thèmes fétiches : la violence de la ségrégation et les plaies qu’elle laisse dans les corps et les âmes. Les souvenirs de Franck Money le submergent, le Klu Klux Klan de sa jeunesse, la guerre de Corée plus récemment d’où il est revenu cassé, détruit,« Parfois, il semblait plus sage de ne pas se souvenir »écrit Toni Morrison dans Beloved.
Elle espérait bien survivre à la présidence Trump
Mais elle ne s’en tient pas là. Toujours dans L'origine des autres, elle parle du problème des migrations actuelles qui lui apparaissent comme une nouvelle forme d’esclavage pour tous les errants à la recherche d’un peu d’espoir.
Parfois, on se demande à quoi sert la littérature, Toni Morrison nous en fournit une réponse à travers l’immense impact de ses prises de positions, dans son rôle de référence morale.
Quand elle prenait la parole, l’Amérique écoutait et elle se répercutait à travers le monde.
Puisse son message perdurer.
Avec Oprah Winfrey
Notes et références
[1] Essai sur le racisme, reprise des conférences qu’elle a faites à Harvard en 2016 sur le thème de "la littérature de l’appartenance".
[2] « J'ai 81 ans, il faut que je fasse vite, donc que j'écrive court ! » (Entretien à Télérama)
Mes fiches sur Toni Morrison
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* Toni Morrison écrivain avant tout -- Love -- L'origine des autres --
* L’œil le plus bleu - Sula -- Home -- Délivrances -V1-Délivrances V2 --
<< Christian Broussas – Toni Morrison - 8/08/2019 <> © • cjb • © >>
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