mardi 12 novembre 2019

Jean-Christophe Rufin Les causes perdues

Référence : Jean-Christophe Rufin, Les causes perdues, éditions Gallimard, 1999
prix interallié 1999



En 1985, la famine règne en Éthiopie, surtout dans la région du Tigré. De nombreux humanitaires sillonnent alors le pays depuis que la guerre civile entre l’Éthiopie et l’Érythrée le ravage. Certains d’entre eux vont passer par l’Érythrée et débarquent à Massaoua avant de remonter sur Asmara, sa future capitale.

L’ancienne capitale créée par les Italiens lors de la conquête du pays, a encore des airs de l’Italie avec ses belles maisons aux allures toscanes, même si elles sont bien dégradées et avec ses vieux italiens comme Ricardo l’ami d’Hilarion, qui sont restés après la décolonisation.

              
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Asmara est épargnée par une guerre qui sévit sur les hauts plateaux arides mais pas par les intrigues et les embrouilles. Le narrateur, un autochtone nommé Hilarion Grigorian, est en fait un arménien d’Afrique né avec le XXè siècle. 

Il regarde avec curiosité et espoir ces nouveaux venus, avec quelque inquiétude aussi, ils ne sont là que de passage avec leurs idées généreuses qui sont censés servir leur quête humanitaire.
Hilarion est un commerçant aisé qui ne manque pas de relations et tente à son niveau d’influer sur les événements qui bouleversent le pays.

Juste avant d’arriver à Rama, située entre Asmara et au sud la zone où sévit la famine, une inscription en italien sur le pont menant à la ville, attire l’attention : « Ca custa lon ca custa », "notre idéal justifie tout" ; la devise des fascistes qui pourrait être tout aussi bien les dirigeants du pays ou les rebelles.

Grégoire, le responsable de l’organisation humanitaire  est partagé entre l’engagement des opérationnels Jack, Benoît, Mathilde et les autres qui, sur le terrain, font des miracles et le siège qui voudrait bien éviter de servir de bouc-émissaire. Le problème est que le gouvernement éthiopien est accusé de se servir des humanitaires pour opérer des déportations de populations manu-militari du nord déshérité vers un sud censé être plus fertile.

             
        Rouge brésil                              Immortelle randonnée

C’est une thèse que défend Henoch l’un des principaux dirigeant de la junte au pouvoir qui en a fait la confidence à Hilarion, son ami d’enfance. Ainsi dans un premier temps, Grégoire est bien décidé à rendre un avis défavorable à la continuation de l’action humanitaire, rejoignant dans cette analyse les autres grandes organisations humanitaires présentes dans le pays.

En fait, la problématique ici, dans un pays en situation de guerre, est celle des humanitaires coincés entre le gouvernement en place et les organisations rebelles, quand l’opinion internationale et les médias ne s’en mêlent pas.

Pour comble de complications Grégoire va tomber amoureux d’Esther, une jeune érythréenne [1] prise en otage par le gouvernement pour lui forcer la main, que les humanitaires ne quittent pas le pays au nom d’une neutralité qu’ils veulent à tout prix préserver. Dans ces conditions, il est particulièrement ardu de savoir qui manipule qui. 

Les nations riches payent à bon compte pour avoir bonne conscience, le pouvoir local brouille les cartes et tire les ficelles et els rebelles ont tendance à prendre les plus pauvres en otage. Les bons sentiments ne suffisent plus et chacun suit ses propres objectifs.

Dans ce pays, la mentalité c’est l’oubli, non le souvenir, « chacun redoute l’avenir, s’accommode du présent mais personne ne songerait à espérer quoi que ce soit du passé. » [2] Un passé fait surtout de guerres et de malheurs.   

Sur place, la situation va peu à peu se dégrader, Grégoire joue le jeu du gouvernement pour sauver Esther mais l’un des membres des humanitaires, Jérôme, aide les rebelles.
Après la reprise de Rama par les troupes gouvernementales, c’est la chronique d’une fin annoncée qui s’écrit. Désormais, le gouvernement n’a plus besoin de Grégoire et de son organisation pour faire bonne figure sur la scène internationale. Il peut avoir les mains libres pour mater la rébellion.

Une cause perdue pour les humanitaires coincés entre le pouvoir en place et les rebelles. « Ça vaut le coup si on sauve une seule vie » proclame Mathilde mais en est-elle vraiment sûre, elle qui a été blessée lors de l’attaque sur Rama ? 

À Asmara, la vie a repris après le départ de Grégoire et de son groupe. Ricardo est mort, terrassé par la maladie et Hilarion conclut : « Le printemps est revenu ici… [regardant] une cascade de bougainvilliers mauves et sent l’odeur du seringa qui grimpe autour de la fenêtre… » et aujourd’hui, c’est la fête de Meskal, la fête de la Croix.

         
        Check-point         Le collier rouge

Notes et références
[1] Jean-Christophe Rufin a lui-même épousé Azeb, une "exilée", une érythréenne qu’il a rencontrée en Éthiopie.
[2] Voir pages 179-180

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<< Christian Broussas – JC Rufin - 13/08/2019 < • © cjb © • >

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