mardi 12 novembre 2019

Jean-Jacques Rousseau aux Pâquis à Genève

                            

Après que Louis XIV eut révoqué l’Édit de Nantes en 1685, nombre de protestants quittèrent le royaume de France pour pouvoir exercer librement leur culte. La famille Fazy est de ceux-là et trouvent bientôt refuge dans la cité genevoise. Alliés aux Vasserot, ils vont avec bonheur se spécialiser dans la fabrication d’indiennes [1], en particulier Antoine qui s’établit à son compte aux Pâquis en 1706. 

  Sa statue à Genève sur l’île Rousseau

Son entreprise prospère et en 1719, il va épouser en troisièmes noce Clermonde Rousseau, tante du jeune Jean-Jacques âgé de sept ans.  Clermonde est, écrit-il, « d’une réserve que depuis longtemps les femmes ne connaissent plus. » Ainsi, les liens entre les Rousseau et les Fazy vont se renforcer.

    
                                   Les rêveries, édition 1782
 
Bien longtemps après, dans Les Rêveries d’un promeneur solitaire, Jean-Jacques Rousseau  évoquera la famille de sa tante et racontera une anecdote, une farce que lui fit l’un de ses cousins par alliance, histoire qui, il faut bien le dire, le met en valeur et est tout à son avantage.

« J’allais presque tous les dimanches passer la journée aux Pâquis chez monsieur Fazy qui avait épousé une de mes tantes et qui avaient là une fabrique d’indiennes. Un jour j’étais à l’étendage dans la chambre de la calandre et j’en regardais les rouleaux de fonte : leur luisant flattait ma vue, je fus tenté d’y poser mes doigts et je les promenais avec plaisir sur le licé du cylindre quand le jeune Fazy s’étant mis dans la roue, lui donna un demi quart de tour si adroitement qu’il n’y prit que le bout de mes deux plus longs doigts ; mais c’en fut assez pour qu’ils en fussent écrasés  par le bout et que les deux ongles y restasses. Je fis un cri perçant, Fazy détourne à l’instant la roue mais les ongles ne restèrent pas moins au cylindre et le sang ruisselait de mes doigts.

             
Partie d’une fresque sur Rousseau, métro Bastille   L'ïle Rousseau à Genève

Fazy consterné s’écrie, sort de la roue, m’embrasse et me conjure d’apaiser mes cris, ajoutant qu’il était perdu. Au fort de ma douleur, la sienne me  toucha, je me tus, nous fûmes à la carpière où il m’aida à laver mes doigts et à étancher mon sang avec de la mousse. Il me supplia avec larmes de ne point l’accuser ; je le lui promis et le tins si bien, que plus de vingt ans après, personne ne savait par quelle aventure j’avais deux de mes doigts cicatrisés ; car ils le sont demeurés toujours… »

Voilà une histoire exemplaire où le jeune Jean-Jacques devenu héros malgré lui, a le beau rôle, en tout cas dans la charmante version qu’il a réservée à ses lecteurs… 

Mais sa parentèle queyrassine  ne lui causa pas que des déboires, on trouve par exemple dans Julie ou la Nouvelle Héloïse le personnage de Fanchon Regard, venu tout droit de Fanchon Fazy, belle-fille de Clermonde Rousseau

                 
                                                     James Fazy
Notes et références
[1] Fabrication de toiles de coton peintes ou imprimées

Voir aussi
* Sur les Fazy : Antoine Fazy - Daniel Fazy - Henri Fazy - James Fazy


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