vendredi 10 janvier 2020

Alexandre Postel, Un automne de Flaubert

Référence : Alexandre Postel, Un automne de Flaubert, éditions Gallimard, collection Blanche, 144 pages, janvier 2020

  
Gustave Flaubert vers 1865      Flaubert, sa maison de Déville-lès-Rouen


« Un port est un séjour charmant pour une âme fatiguée des luttes de la vie. » Baudelaire

En 1875 : à cinquante-trois ans, Gustave Flaubert traverse une grave crise de conscience, une espèce de burn out dirait-on maintenant. Ruiné et dominé parle chagrin, il se sent incapable d’écrire une ligne et se sent comme fini.



il faut dire qu'il semblerait que le sort se soit acharné sur lui. Quand il arrive en septembre 1875 pour la seconde fois de sa vie dans le port breton, son moral est au plus bas, il est devenu obèse et se sent entraîné par son pessimisme naturel. Autour de lui, les décès se succèdent, c'est d'abord sa mère et son grand ami Bouilhet, puis des écrivains comme Jules de Goncourt, Théophile Gautier et Ernest Feydeau, tous ces amis qui lui rendait la vie moins ennuyeuse et qui partent si vite.

   
« A son entrée dans Concarneau, Flaubert crève de sommeil et de faim. »  
De plus, sa nièce Caroline, dont il assume la charge depuis qu’elle est orpheline, le cause des soucis, mariée à un négociant dans l'industrie du bois, dont les affaires périclitent. Il voudrait lui venir en aide mais lui-même n'a plus guère de revenus.
Alexandre Postel le décrit alors comme un homme  « à l'œil morne, sa moustache tombante, son teint congestionné et l’affaissement de ses chairs qui lui donnent l’air tout à la fois d’un vieux cabotin et d’un boucher, autrement dit d’un homme usé par un travail répétitif auquel il ne croit guère. »
                                                               Concarneau côté océan
Pour soigner cet état déplorable de prostration, il décide d’aller passer l’automne à Concarneau en Bretagne où un ami dirige la station de biologie marine. Pendant deux mois, il s’adonne aux bains de mer, se balade le long de la côte, s’imprègne des paysages et des hommes qui y travaillent.


Dans ce contexte et l’air vivifient de l’océan, l’envie d’écrire revient peu à  peu. Dans sa chambre d'hôtel, il commence à écrire un conte médiéval assez féroce, pour se forcer à écrire de nouveau, pour se tester.
Il va lui falloir reprendre l'écriture, retrouver ce goût particulier de la plume qui court sur le papier et ce sera bientôt La légende de Saint Julien l’Hospitalier, pour un recueil qui connaîtra le succès, Trois contes.

   
Saint Julien l’Hospitalier, fresque de Ghirlandaio (détail)


Flaubert récuse tout sentimentalisme, il ne peut se résoudre à ces élancements et s'est toujours voulu maître de lui-même car paradoxalement «  la sentimentalité excessive qu’il porte en lui le terrifie » et il sait très bien que « c’est l’écueil où ont sombré presque tous les écrivains de sa génération. »

À partir d'éléments biographiques, Alexandre Postel a imaginé le cheminement de Flaubert dans son isolement relatif, la façon dont il est parvenu à surmonter ses difficultés personnelles pour se dépasser et se remettre à écrire, ce qui aurait pu s’appeler suggère Alexandre Postel : «  Gustave terrassant le dragon de la mélancolie. »

      
Sa nièce Caroline       Flaubert par M. Winoch   Flaubert et Maupassant

Somme toute, Alexandre Postel nous donne à lire un roman audacieux et très réussi qui s'appuie sur un important travail documentaire très intéressant. On peut aussi apprécier sa volonté d'imiter le style de Flaubert, même si elle n'est pas forcément du goût de tout le monde.

Voir aussi mes fiches
* Gustave Flaubert en Bretagne --
* Le perroquet de Flaubert --
* Flaubert, de Déville à Croisset --

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