Référence : Fernando Pessoa, Le livre de l'intranquillité, éditions Christian Bourgeois, traduit par Françoise Laye, 570 pages, 1999


Fernando Pessoa à 26 ans                 Sa mère et son beau-père

Écrit comme une espèce de Journal entre 1913 et 1935, ce livre est composé de pensées, de maximes, d'aphorismes notés au fil des jours. Il es souvent considéré comme son chef-d'œuvre, ouvrage majeur de la littérature européenne de l'époque.

Le Livre de l’intranquillité est le journal intime tient son double, l’employé de bureau Bernardo Soares. Il nourrit a aussi un lien particulier avec Lisbonne et ses paysages urbains comme Charles Baudelaire avec Paris. [1]
Bernardo Soares, double de Fernando Pessoa, est un homme "intranquille" qui traîne une terrible errance, une vie tourmentée dans laquelle il se sent étranger.

    
Fernando Pessoa en 1908               
Le 6 juin 1914, avec Costa Brochado au café de Martinho da Arcada

Le Journal permet à Pessoa d’analyser méthodiquement les nombreuses facettes de  son hétéronyme, qu’il définit comme l'une de ces « proliférations de soi-même »" qui font un être. L’ensemble peut passer pour décousu, constitué de textes très différents, [2] fait de pensées éparses, conscience spécifique des êtres et de l'existence, assez souvent douloureuse, suscitant malgré tout une douceur indéfinissable, où écrit-il « je me constelle en cachette et où je possède mon infini. »

              
Fernando Pessoa à 26 ans               Pessoa et ses hétéronymes

François Busnel dans le Magazine littéraire, écrivit ce commentaire : « Le Livre de l’intranquillité est le récit du désenchantement du monde, la chronique suprême de la dérision et de la sagesse mais aussi de l’affirmation que la vie n’est rien si l’art ne vient lui donner un sens. »

Vous avez dit "hétéronymes" ?

En portugais « pessoa » signifie « personne ». De son vivant, il n'a guère publié sous son nom, à part quelques articles dans les journaux, mais il a écrit sous des pseudonymes qu’il appelait ses « hétéronymes » dont chacun correspondait à une personnalité spécifique.

 Après son retour d'Afrique du sud à 25 ans, Fernando Pessoa ne quittera plus Lisbonne où il travaille comme employé de bureau. C'est le 8 mars 1914 que ce poète introverti et anxieux, reconnaît son double, le maître Alberto Caeiro, suivi de deux autres, Ricardo Reis, un stoïcien [3] et Álvaro de Campos, féru de sensations. Encore un autre Bernardo Soares, modeste employé comme lui, tient le journal de son "intranquillité", tandis que Fernando Pessoa lui-même, explore d'autres voies, allant du lyrique à l'ésotérisme, en passant par l'érotisme.

À ce propos, Fernando Pessoa écrira : « Alberto Caeiro à peine né, je m’employai aussitôt (…) à lui trouver des disciples. J’arrachai Ricardo Reis, encore latent, à son faux paganisme. [...] Et voici que soudain, par une dérivation complètement opposée à celle dont était né Ricardo Reis, apparut impétueusement un nouvel individu. D’un seul trait, à la machine à écrire, sans pause ni rature, jaillit l’Ode triomphale d’Alvaro de Campos – l’ode avec son titre et l’homme avec le nom qu’il porte. »

 
Sa statue sur la terrasse de la Brasileira

Fernando Pessoa à Lisbonne

Pessoa et Lisbonne, c'est le grand amour. [1] Trente ans à sillonner la ville dans une aire bien délimitée. Son espace favori, c'était entre la place São Carlos, où il est né, et l’hôpital Saint-Louis des Français, où il est mort, un petit kilomètre. Entre la ville basse (la Baixa), où il travaillait, et le Campo de Ourique, où il résidait, guère plus.

Dans ce quartier, le long du Tage, il se baladait du château São Jorge et de la place du Figuier, à l’est, au port d’Alcantara, à l’ouest. On peut l'imaginer dans ses bistrots préférés, du côté de la place du Commerce, où la ville s’ouvre sur le Tage, où on peut encore  oir sa table au café Martinho da Arcada, au Bairro Alto où, à la terrasse de la Brasileira, trône sa statue grandeur nature. On peut s'y attabler pour, pourquoi pas, deviser avec lui.

           
Son portrait par Luis Badosa en 1997

Fernando Pessoa, Le Banquier anarchiste

Référence : Fernando Pessoa, Le Banquier anarchiste, éditions de La Différence, collection Littérature étrangère, traduit par Joaquim Vidal, Simone Biberfeld et Dominique Touati, 92 pages

Un banquier qui explique que le but est d’aboutir à « une révolution sociale préparée par un travail intense et continu, d’action directe et indirecte, tendant à disposer tous les esprits à l’avènement de la société libre et à affaiblir jusqu’à l’état comateux toutes les résistances de la bourgeoisie, » voilà qui est peu banal et ressemble à un manifeste.

Un ami s'interroge : comment peut-il si facilement concilier son métier d'accapareur avec de telles théories manifestement d'essence anarchiste. Paru en 1922 dans une revue, ce récit fait d'un long dialogue à l'humour terrible dirigé contre les tartuffes et autres intellectuels donneurs de leçons, a longtemps été ignoré.

Le texte n'a rien perdu de son ironie, à la fois mordante et jubilatoire. Ce banquier  anarchiste a l'esprit madré, possède une curieuse logique avec ses raisonnements par l'absurde et une mauvaise foi jouissive. Au-delà du personnage, c'est aussi une critique de la société bourgeoise  et de son hypocrisie auquel se livre l'auteur. Pour lui, c'est l'argent et son pouvoir qui pervertit les hommes et mine une liberté qui devrait être leur plus grand bien.
 

Notes et références
[1] Voir Lisbonne, Sur les pas de Pessoa et son guide de Lisbonne --
[2]
La nouvelle édition de ce livre, entièrement refondu, comprend 549 fragments et textes divers
[3] Voir aussi L'année de la mort de Ricardo Reis par José Saramago --


Voir aussi mes articles :
Document utilisé pour la rédaction de l’article José Saramago, Menus souvenirs --  Biographie -- Hommage 2020 --

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