Ces mots étrangers que l’on emploie sans le savoir
Parler français aujourd'hui, c'est être aussi un peu polyglottes. Car nous avons emprunté moult mots aux autres européens, italiens, espagnols, allemands, néerlandais, anglais et même à d'autres langues plus lointaines comme persane, amérindienne ou asiatiques. Tous ces mots qui viennent d'ailleurs, déformés le plus souvent, ont fini par devenir nôtres. Ces mots migrants, au son parfois de bons vieux mots français, nous ouvrent à la différence, nous rappellant ainsi qu'il y a un ailleurs aussi vivant que le nôtre.
« Baguette », « maboul »... Ensemble, (re)découvrons ces termes anodins grâce à l'ouvrage Les mots voyageurs, petite histoire du français venu d'ailleurs de Marie Treps.
D'où vient par exemple la très française « baguette» de pain ?
Il suffit d'un mot pour voyager vers de nouvelles contrées, des endroits jamais visités. Le mot « sirop » vient de l'arabe sarab, « boisson ». « Matelot», lui, est emprunté au néerlandais mattenoot, « compagnon de couche ».
Intéressons-nous aussi à des termes en apparence anodins, une petite incursion, toujours à travers le livre de Marie Treps, Les mots voyageurs : petite histoire du français venu d'ailleurs.
Des mots se rapportant à la nourriture
Commençons par l'incontournable et très française « baguette » de pain. «Pas trop cuite» ou «tradition», aux céréales ou complète, voici son étymologie : le terme vient de l'italien bacchetta, «petit bâton» attesté depuis 1348 ainsi que nous le lisons dans Le Trésor de la langue française. Bacchetta «se rattache probablement au latin baculum, "bâton" ». Selon Marie Treps, « baguette » s'ajoute à notre vocabulaire au XVIe siècle. «Mais, dès son entrée en français, cette autre broutille est requise pour symboliser l'autorité dans l'expression "Mener à la baguette".»
Restons encore un moment dans le délicieux domaine de la boulangerie et de la pâtisserie à travers l'origine du mot « croissant ». D'abord, il faut savoir que ce petit pain « est autrichien et nous le devons aux Turcs ! Croissant, qui traduit l'allemand Hörnchen, "petite corne"', vient de la ville de Vienne, en 1863 ». C'est en effet dans la capitale autrichienne qu'en 1689, les premiers croissants ont été conçus « pour célébrer le départ des Turcs et rendre hommage à la conduite héroïque des boulangers viennois pendant le siège de leur ville », précise l'auteure.
Prenons le large et nageons parmi quelques variétés de poissons, les aiglefins, bars et marsouins. « Aiglefin » (ou « églefin ») vient du néerlandais schelvisch. C'est vers 1300 que nous l'empruntons. « On était si peu à l'aise avec ce mot aux consonances étrangères, écrit Marie Treps, que l'on a fait diverses tentatives d'acclimatation. »
Il y eut « esclefin » puis, en 1555, « aiglefin ». Qu'en est-il du « bar » qui « doit son nom à ses nageoires dorsales faites de durs piquants » ? Il nous vient du moyen néerlandais baerse, « lui-même apparenté à borstel, qui signifie "poil, brosse" » et fut attesté en français à la fin du XIIe siècle. L'origine du « marsouin », quant à elle, est très étonnante. En effet, ce mot arrivé en France au XIVe siècle, vient du danois ou peut-être au suédois marsvin signifiant littéralement... « cochon de mer ».
Des expressions de tous les jours
« Tope là ! » La formule s'emploie après avoir conclu un marché. Ainsi que le rappelle Marie Treps, l'interjection «tope ! » est un «terme de jeu emprunté en 1640 à l'espagnol topo », à savoir la première personne du verbe topar. Ce dernier est « construit sur un radical onomatopéique traduisant le bruit de deux personnes se tapant dans la main ».
« Ça schlingue dans cette pièce ! » L'expression n'est pas très élégante mais largement répandue. On la trouve aussi dans Les Misérables de Victor Hugo : « Les enfants, il faut dormir, mes jeunes humains. C'est très mauvais de ne pas dormir. Ça vous fait schlinguer du couloir, ou, comme on dit dans le grand monde, puer de la gueule». Le mot vient de l'allemand schlagen, « fouetter » ou « frapper ».
C'est exactement la même chose pour le familier « mouise », «introduit vers 1821 dans les dialectes de l'Est », de l'allemand dialectal du Sud Mues, «bouillie», rappelle Marie Treps. Ce terme «a d'abord désigné une soupe, puis les excréments et enfin la misère, les ennuis, dans l'expression toujours bien vivante « être dans la mouise ».
« Mais il est complètement maboul, celui-là ! » La formule est peut-être moins populaire qu'avant. En tout cas, elle vient de l'arabe mahbûl, un mot « ». Là-bas, il signifie « idiot ». C'est en 1830 que ce terme d'argot intègre le vocabulaire français.
De bien curieux personnages...
Rares sont ceux qui n'en connaissent pas, des hâbleurs, vantards ou bravaches... En un mot : un ». En espagnol, "fanfarron" signifie « le bavard » et est issu de l'arabe farfâr, « d'origine onomatopéique ». Il ne serait pas étonnant qu'un fanfaron puisse également être un « poltron », c'est-à-dire un « peureux ». Ce dernier vient de l'italien "poltrone", précise Marie Treps : « peureux » mais aussi, « paresseux ». « Dans poltrone, on entend "poltro", qui désigne un poulain qui n'a pas encore été dompté. »
Le dictionnaire contient un terme littéraire qui désigne un « homme à l'esprit chevaleresque et idéaliste », ainsi que le décrit Le Trésor de la langue française : un « hidalgo ». On trouve en 1534, la trace du terme écrit "indalgo", ainsi que le note Marie Treps. Le mot vient de l'espagnol hidalgo, « gentilhomme», « créé en contractant hijo de algo », autrement dit, « fils de quelque chose ».
Voir aussi
* Cinq mots pour rouspéter et se plaindre avec élégance --
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<< Christian Broussas • Mots voyageurs • © CJB ° 14/06/ 2020 >>
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