Référence : Philippe Claudel, Fantaisie allemande, éditions Stock, 170 pages, septembre 2020
A noter que les droits de ce livre ont été reversés à une association d’aide aux libraires.
« On voit toujours le monstre chez l’autre et jamais celui qui sommeille en nous. »
Philippe Claudel avec Kristin Scott-Thomas
Philippe Claudel conjugue dans cette fiction qui pourrait être témoignage, le thème de la culpabilité lié à une certaine idée de l’honneur.
Pourtant avant la guerre, ce soldat allemand avait été enthousiasmé par une doctrine nazie qui le réhabilitait avec lui-même et avec la nation. Il avait participé à cette grande aventure de la renaissance du pays qui était aussi la sienne. Puis il avait commencé à prendre ses distances, refusant de se mêler du sort des prisonniers, contrairement à son ami Viktor.
À la fin de la guerre, le père de Viktor, vieil homme infirme, figé sur son passé, revoit sans cesse une amie de jeunesse. Irma Grese dont le maire, un certain Viktor
(encore un), l’a fait entrer à la maison de retraite pour s’occuper de
son père qui a le don de l’énerver tant il est lent et a la manie
d’entonner l’hymne nazi.
Entre ensuite en scène un autre Viktor
(nommons-le Viktor 4) qui aurait participé à une rafle qui a concerné
une jeune fille ayant réussi ensuite à échapper à la fausse commune.
Film Avant l’hiver : Daniel Auteuil et Kristin Scott-Thomas
Kristin Scott-Thomas et Elsa Zylberstein
Et puis voilà aussi un nom connu, Franz Marc, peintre et graveur renommé dont on ne sait s’il est mort à Verdun en 1916 ou si l’Aktion, chargée d’éliminer les handicapés, l’a exécuté en 1940. En tout cas, ce Franz Marc, dont un petit malin, un certain… Viktor détient des œuvres inédites, vaut son pesant d’or.
Ces textes qui a priori n’ont pas grand-chose en commun sinon d’abord le fameux Viktor, nom récurrent dont on ne sait s'il se dédouble dans l'esprit de Claudel et l’Allemagne d’après-guerre, se font écho, renvoient à des événements douloureux qui ont une résonance insoutenable avec le passé. Une Allemagne qui voudrait bien oublier sans passer par la case deuil, comme l’écrit Claudel, dans une citation empruntée à l'écrivain Thomas Bernhardt, une Allemagne « à l’haleine de gouffre. »
On est ici face à cinq nouvelles qui par un jeu de miroirs parviennent à former un tout pour se transformer en roman.
Philippe Claudel s'en explique ainsi au micro de RTL : « Quand un peuple est aspiré dans cette énergie négative, on se rend compte que ça crée des trous noirs gigantesques tels que ceux que le nazisme a pu produire. Donc ce qui m’a intéressé, ce n'est pas de revisiter l'Histoire telle qu'elle est décrite dans les manuels et par les historiens les plus compétents, mais de voir justement comment l'Histoire au quotidien percute des hommes et des femmes, soit directement parce qu'ils sont pris dans la tourmente, soit des années ou des décennies plus tard. »
Claudel aux Golden Globes de los Angelès
Mes fiches sur Philippe Claudel
Philippe Claudel, "Le rapport de Brodeck" -- L'archipel du chien --
Philippe Claudel, "L'enquête" -- Philippe Claudel, "L'arbre du pays Toraja" --
Philippe Claudel, "Fantaisie allemande" --
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