mardi 10 novembre 2020

Alice Zéniter L’art de perdre

Référence : Alice Zéniter, L’art de perdre, éditions Flammarion, 500 pages, 2017

 
Alice Zéniter devant le temple de Lanleff (22)

Pour Naïma, l’Algérie n’a été pour elle qu’une carte de géographie qui n’évoquait pas grand chose dans son esprit. Jusque-là, elle n’a guère été confrontée à sa double culture, si ce n’est dans la société française, une tendance à une augmentation des comportements identitaires.

L’Algérie ? Un grand-père Ali, kabyle devenu harki , qu’elle n’a pas connu, Yema, sa grand-mère, peut-être, mais elle ne comprend pas la langue qu’elle parle, son père Hamid, n’en parlons pas, il reste obstinément muet sur l’Algérie de son enfance.



L’Algérie est donc pour elle « le pays du silence ». Aussi, elle va gratter, nous entraîner sur les pas des générations qui l’ont précédée,  entre la France et l'Algérie, coincées dans un passé qui leur colle à la peau. Naïma elle, même si elle renoue avec son passé familial, se veut d’abord une femme libre, libérée des contraintes de son environnement.

L'Algérie de la colonisation

Nous sommes en 1930, dans un petit village de Kabylie. Les trois frères Zekkar, Ali, Djamel et Hamza ont fait des jaloux, chez les Amrouche en particulier, depuis qu’ils ont bien réussi.

Ali est bien intégré dans la société coloniale, fort de sa bravoure pendant la guerre, et ne veut entendre parler ni d’indépendance ni de désobéissance civile, contrairement à Youcef Tadjer, un voisin qui en tient pour le leader d’alors, Messali Hadj.

         
                                                               Messali Hadj

Mais la situation va rapidement se déliter après l'embuscade de Palestro en 1956, un engrenage attentats-répression dans cette guerre qui ne veut pas dire son nom. La guerre d’Algérie apparaît à travers les montagnes de la Haute Kabylie, vue par un Kabyle qui refuse la situation mais se trouve confronté à la violence. Ali se veut neutre dans un pays où il faut choisir son camp. Rejeté par les Algériens lors de l’indépendance, il n’a d’autre choix que de s’exiler comme un harki avec Hamid son fils aîné.

   

L'exil, un déchirement

En France, La famille est regroupée au Camp de Rivesaltes, près de Perpignan, aux conditions de vie très difficiles où elle passe l'hiver 1962, ce qu'on a appelé « la danse des perdants des guerres coloniales ».

Ensuite pendant 2 ans, ce sera un dur travail de bûcheron, ponctuée de remarques racistes puis à Flers dans l'Orne dans un immeuble Sonacotra et l'usine de tôlerie Luchaire. Ali se sent déraciné et trahi par la France, il en détruira ses médailles de résistant. Mais la vie continue et Hamid grandit, tiraillé lui aussi par sa double culture.

En 1969, ils visitent Paris, visite mitigée entre une altercation avec un restaurateur kabyle et la rencontre entre Hamid et Clarisse; paris où ls s'installent tous les deux, vivant de petits boulots. Le père et le fils se brouillent à propos du diktat du gouvernement algérien pour qu'ils cèdent leurs terres à ceux qui sont partis. Les jeunes mariés vivent chichement dans des conditions très difficiles mais ils revoient leurs parents et vont dans les années suivantes avoir quatre enfants prénommés Myriem, Pauline, Naïma et Aglaé.

           
                            Portraits de harkis 

La génération suivante

On est en 2015, avec Naïma, l'une des filles d'Hamid, qui a 25 ans, à l'époque des attentats du Bataclan. Comme certains jeunes de sa génération, elle vit en colocation avec Sol et Romain et travaille dans une galerie d'art contemporain. Son responsable, organise justement une exposition des œuvres de l'artiste algérien Lalla, exilé pendant la guerre civile algérienne (1991-2002). 


                                                           
Village de Kabylie

Il demande alors à Naïma d'aller en Algérie pour ramener à Paris une partie de sa production. Ce sera l'occasion pour elle de se plonger dans l'histoire de l'Algérie et de sa famille, d'aller à la rencontre de ses origines, de combler les silences de son père Hamid, son grand-père Ali et sa grand-mère Yema.
C‘est aussi l’occasion pour elle de découvrir Alger, Tizi-Ouzou et le village familial, de renouer le fil rompu par la guerre et l'exil.

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<< Ch. Broussas, Zéniter Harki 08/11/2020 © • cjb • © >>
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