vendredi 20 novembre 2020

James Salter, une vie brûlée

« L'écriture est un immense plaisir et un tourment quotidien. »

Itinéraire atypique que celui de James Salter, cet écrivain américain dont on a beaucoup vanté le style. Quelqu’un qui abandonne une carrière militaire pour devenir écrivain, voilà qui est en effet original.
Cet américain francophile disait que du « grand amoncellement des jours », il voulait faire « quelque chose qui dure, […] un poème sur un monument.  »

     
Brigdehampton Long Island 2013

James Salter s’appelait en fait James Horovitz. Mais il préféra se choisir un nom de plume qui lui permettait de dissimuler ses origines, confiant aussi au New Yorker « je ne voulais pas apparaître comme un auteur juif new-yorkais supplémentaire, il y en avait déjà assez comme ça ». Il ira même plus loin en faisant légaliser ce nom de plume.

C’était un homme « vif et spirituel » qui portait allègrement ses quatre vingt dix ans passés, se déplaçant jusqu’à Paris pour présenter en 2014 son dernier roman intitulé Et rien d’autre. Il avait un côté mélancolique qui ne le cédait en rien à une détermination sans complaisance, allant toujours à l’essentiel. Le titre de ses Mémoires parues en 1999, Une vie à brûler (Burning the Days) est particulièrement éloquent.

        

« Il y a des moments où l'on est important, d'autres où on existe à peine. »

Cette vie, il l’avait d’abord brûlée à la guerre dans l’aviation. Issu de la célèbre académie militaire de West Point, il devint pilote de chasse à l’US Air Force (à l’époque Army Air Corps). En 1945, il est victime d’un grave accident d’avion et est alors affecté aux Philippines puis au Japon.

C’est la guerre de Corée qui va lui inspirer son premier roman "The Hunters" en 1956, paru en français sous le titre Pour la gloire en 2015. Son héros Cleve Connell, un capitaine d’aviation, veut absolument devenir un as en descendant 5 avions ennemis. Mais le feu sacré du départ laisse peu à peu place au doute. [1] C’est peu après que Salter quitte l’armée, confiant que « il arrive un moment où vous savez que tout n’est qu’un rêve. Que seules les choses qu’a su préserver l’écriture ont des chances d’être vraies. »

Mais en tant qu’écrivain, il écrit peu et vend peu, n’arrivant pas à atteindre le grand public, même s’il connaît un succès d’estime.
Deux romans marquent cette période, Un sport et un passe-temps et Un bonheur parfait. Le premier se déroule dans la France de l’après-guerre, une histoire d’amour fort érotique pour l’époque, entre un étudiant américain et une jeune Française. L’autre est aussi une histoire d’amour mais qui se délite peu à peu cette fois-ci, entre guerre du couple et trahison, « l’axe majeur de toute vie est sexuel », disait-il souvent, et l’un des protagonistes est forcément perdant.

 

Après L’Homme des hautes solitudes en 1979, il cesse d’écrire des romans pour se tourner vers  des productions très diversifiées, mémoires, nouvelles, scénarios, récits de voyage ainsi qu’un recueil de poésie. Et subitement en 2013, trente-cinq ans après, il revient au roman avec Et rien d’autre, l’histoire de la vie d’un New-Yorkais moyen des années d’après-guerre à nos jours, qui obtint un immense succès.


Très francophile, il voyait la France comme « un paradis hédoniste » et appréciait particulièrement André Gide .  « On dit de Gide qu’il était un écrivain méticuleux mais qu’il n’aimait pas faire de sentiment. Cela me plaît… » confiait-il en 2014

L’écrivain et journaliste Philip Gourevitch, précise dans une interview que l'art de Salter consistait à « combiner, à proportions égales, un sens de l’austérité, une ascèse à l’ancienne, avec un abandon sensuel parfaitement contemporain ». Son style alternait entre le direct et le flamboyant avec des  ellipses pour renforcer la puissance des sentiments.

Notes et références
[1]
Dick Powell en tirera un film en 1958 intitulé "Flammes sur l’Asie" avec Robert Mitchum

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<< Ch. Broussas, James Salter 19/11/2020 © • cjb • © >>
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