mardi 10 novembre 2020

Michel Winock, Jours anciens

Référence : Michel Winock, Jours anciens, éditions Gallimard, collection Blanche, 192 pages, octobre 2020

       

« En avançant dans notre obscur voyage », écrit-il, citant Lamartine.

Michel Winock a souvent ponctué son travail d’historien de notations plus ciblées comme dans La République se meurt en 1978, une chronique de la fin de la 4ème république où il s’était inspiré de carnets datant des années 1950 ou également La République gaullienne, suivie des Années Mitterrand en 2015 et 2018 où il utilise la forme du journal pour aborder tout un pan de l'histoire de la 5ème république.

   

Le temps de la jeunesse, ce n'est pas forcément pour Michel Winock celui de la nostalgie, c'est la distanciation entre un monde qu'il a connu et celui qu'il vit ici et maintenant qui lui paraît totalement différent, sans liens avec celui d'avant. Le temps vécu ne serait donc pas linéaire, porteur d'une continuité de progrès comme sa génération le croyait fermement.

Que reste-t-il de ce temps-là, se demande-t-il, que peut-on reconnaître après le passage de cette lame de fond du temps qui s'écoule, passé au filtre du sablier, méconnaissable ? « Je ne relate pas mes jeunes années dans l’illusion d’un paradis perdu, » prévient-il se refusant aussi à porter un jugement sur une époque révolue.

        

C'est ce passé que d'une certaine façon il veut faire revivre, ou plutôt redécouvrir à travers les échos, les résonances qu'il provoque encore chez l'auteur, ce qui reste des espoirs de cette génération.

Le temps de sa jeunesse s'étire dans l'immédiat après-guerre et la IVe République, temps incertain entre les années de guerre et les « Trente Glorieuses. » Il y voit un contraste entre une société encore traditionnelle où la religion est une force sur laquelle il faut compter, aux mœurs qui ont peu évolué et une grande partie de la population, issue de la Seconde Guerre mondiale, qui croit au progrès économique et social.

   

Jours anciens nous plonge dans la chronique d’une famille populaire de la France des années 1940-50 pour ressusciter un quotidien disparu. Nous retrouvons l'existence de disparités par exemple entre « l’école du peuple » aboutissant au certificat d’études et « l’école bourgeoise » conduisant au baccalauréat puis aux études supérieures.

Il rappelle également le rôle prépondérant, structurant du communisme et du catholicisme dans la société et d'abord dans les classes populaires, le curé plutôt proche de ses ouailles, l'émergence des prêtres ouvriers, l'importance de la contestation politique et de ce qu'on appelait alors "les banlieues rouges".

     

Sur le plan économique, l'heure était à la reconstruction et au progrès pour effacer les conséquences de l'économie de guerre et recouvrer le plus rapidement possible la prospérité dans le cadre du libéralisme, de l'Alliance atlantique et des guerres coloniales.
L'époque était à l'économie, pas à l'écologie.

Dans ce livre entre essai et témoignage, Michel Winock se raconte tout en racontant son époque, oscillant entre souvenirs intimes et chronique sociale, disant « sans vouloir rien démontrer, j'ai raclé mon violon sur mes photos sépia. »

      

Voir aussi
* Jean-Claude Carrière, Le vin bourru --
* Hommage à Jean Daniel -- Jérôme Garcin, Le dernier hiver du Cid --
* Alain-Georges Leduc, Octave Mirbeau -- Pierre Péan, Ma petite France --

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