mardi 17 novembre 2020

Trevanian le solitaire

 

Curieux nom me direz-vous pour un écrivain américain qui s’appelait en réalité Rodney Whitaker. Un américain né du côté de New-York dans une famille pauvre. Il poursuit une carrière universitaire brillante quoiqu’assez classique jusqu’à ce que son succès lui permette de vivre de sa plume. Il part alors avec sa famille dans le Pays basque, s’isolant dans un petit village pour de nombreuses années.

C’est un homme secret qui refuse interviews et photos et qui va choisir comme pseudonyme Trevanian en l’honneur d’un historien nommé George Trevelyan. Comme écrivain, il aime le pastiche, le recours à des genres populaires dans des climats étouffants et dystopiques.

Il commence par un récit d'espionnage parodique La Sanction, dont le héros Jonathan Hemlock est insupportable, aussi arrogant qu’il est snob,  alpiniste et tueur à gages.  Et c’est justement pendant l'ascension du mont Eiger qu’il doit tuer un des membres de sa cordée. Telle est sa « sanction » dont il se rachète en acquérant des tableaux impressionnistes.  Dans L’Expert, Jonathan Hemlock doit cette fois éliminer une figure de la pègre londonienne pour récupérer des films compromettants.

       

Il va ensuite osciller entre roman policier avec Le flic de Montreal en 1976, un thriller d'espionnage, The Main (la rue Saint-Laurent) où le lieutenant LaPointe de la police de Montréal enquête sur un meurtre et Shibumi en 1979, considéré comme son meilleur roman. Dans ce roman, Nicholaï Hel est aussi bien maître de go, amateur d’arts martiaux que tueur professionnel mais le sujet du livre est surtout Shanghai et le Japon de la Seconde guerre mondiale. Diversifiant les sujets, abandonnant les thrillers, il publie en 1983 L'Été de Katya, un roman sombre plus classique situé à Salies-les-Bains dans le pays basque où il a vécu pendant plusieurs années.

                  

Puis cinq ans plus tard, il revient au thriller, genre  western, avec Incident à Twenty-Mile où des détenus évadés, plutôt bêtes et méchants, prennent en otage la toute petite bourgade du Wyoming isolée dans les montagnes.


À propos de Shibumi, Trevanian se livre un peu dans un courrier de réponse à une journaliste, où se révèle une grande ironie, un certain recul par rapport à ce qu’il écrit et au monde de l’édition : « J'étais obligé de donner à mon éditeur un nouveau livre. Un autre "Trevanian". J'ai avalé cette pilule amère, et décidé d'écrire encore un livre dans le genre "super-espionnage"… Ce serait un vrai roman, dissimulé dans un genre populaire… J'ai fouillé dans mes souvenirs de jeunesse au Japon, me suis crée un écrivain pour Shibumi, un livre à la limite des conventions du roman d'espionnage "boum-boum", mais qui offre au lecteur un style viril d'excellence qui n'a rien à voir avec le style bravache à tous crins ou la violence, il associe une bonne intrigue à une philosophie de la vie, et a été tout de suite un succès international. Après ce livre -un best-seller mondial, même en finnois, hébreu, turc et polonais- j'avais abandonné le genre super-espionnage. Après l'exercice définitif du genre, il n'y avait pas nécessité pour moi de continuer à écrire dans ce genre… ni pour personne, d'ailleurs. »

     

Finalement, pour lui le sujet importait moins qu’une mise en situation permettant de développer la psychologie des personnages.  Comme on le voit dans son intervention, la recherche de son sujet pouvait partir de sa vie, par exemple son séjour au Japon pour Shibumi ou au pays basque pour L'Été de Katya.

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<< Ch. Broussas, Trevanian Whitaker 09/11/2020 © • cjb • © >>
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