Joseph Kabris, corsaire tatoué et pionnier de l’ethnologie
Joseph Kabris, c’est l’histoire d’un homme simple au destin exceptionnel. Celle d’un matelot français qui, à la fin du XVIIIe siècle, fait naufrage et est adopté aux îles Marquises par une tribu. Au fil des années, il va s’y intégrer et devenir père de famille.
« L'aventure tragi-comique de Jospeph Kabris, matelot bordelais » titrait Le Petit Marseillais en 1938, soit bien longtemps après sa mort en septembre 1822.
En fait, sa vie aventureuse commence bien avant. Selon ses Mémoires, à 14 ans, il embarque à bord du bateau corsaire Le "Dumouriez" qui parviendra après de durs combats, à capturer un galion espagnol mais en revenant à Bordeaux, le navire est à son tour pris par une escadre anglaise où Kabris est capturé et envoyé sur les pontons de Porthmouth pendant un an et demi. Revenu en France, il participera à des combats du côté de Quiberon.
Il est blessé au cours des combats et réussit à nager jusqu’à une frégate mouillant dans la rade. Retour en Angleterre où il panse ses blessures avant de repartir sur un baleinier.
Ne tenant vraiment pas en place, il embarque le 8 mai 1795 pour les mers du sud sur un brick nommé Le London qui fera naufrage devant Nuka-Hiva dans les îles Marquises, mais en fait il en profite pour déserter en compagnie d’un marin anglais, Edward Robarts avec lequel il va se brouiller.
Ainsi commence son aventure océanique.
Le navire russe Le commandant du navire russe
C’est
pour lui une période heureuse qu’il ne retrouvera jamais. Il deviendra
même un notable en se remariant avec la fille du roi qui l’aime bien et
le nomme "grand juge de tout le pays", avec le tatouage correspondant à
son nouvel état et représentant un soleil sur les deux paupières de
l’œil droit.
On ne sait trop ce qui s’est passé mais Kabris est embarqué le 18 mai 1804 sur un navire russe qui vogue vers le Kamtchatka. Perdu dans ce pays dont il ne parle pas la langue, il parvient cependant à rejoindre Saint-Petersbourg où pendant treize ans, Kabris qui passe pour une bête curieuse, va bénéficier de la protection du tsar Alexandre 1er.
Vues de Nuku-Hiva
Il ne reviendra en France, pour son malheur, qu’en juin 1817. Pour vivre, il est contraint de se produire dans les foires, habillé en roi de Nuka-Hiva, parlant le marquisien et découvrant ses tatouages. Il vend aussi des feuillets sur sa vie aux Marquises, des gravures où il apparaît paré de ses attributs royaux.
Il aurait voulu économiser assez pour aller revoir sa famille à Nuka-Hiva mais la maladie l’en empêchera et il meurt en septembre 1822 à Valenciennes à seulement 42 ans.
Les infos qu’a laissées Joseph Kabris sont à recouper avec celles qu’a laissées Edward Robarts, son compagnon sur l’île de Nuku-Hiva, dont les souvenirs sont quelque peu différents de ceux de Kabris. En fait, tous deux ont déserté en 1798 un baleinier anglais, le New Euphrates, recueillis ensuite par une tribu autochtone.
Le récit d’Edwards Robarts
offre l’intérêt d’être aussi un témoignage sur la vie des populations
locales, le déroulement des fêtes, des guerres et des famines qui y
sévissaient parfois. Lui aussi aura une vie quelque peu compliquée. Il
quitte les Marquises en 1806 pour Tahiti où il est distillateur d’alcool, en Malaisie comme majordome puis aux Indes comme marchand de sable d’abord et policier à Calcutta.
Casse tête et ornements de chef
Toujours d’après leurs témoignages, il apparaît que les habitants sont
plutôt des barbares qui pratiquent, autant les femmes que les hommes, le
cannibalisme. De même, on peut évaluer la population de Nuka-Hiva en 1804 à quelque 16 000 personnes.
Kabris en tenue
Voir aussi
* Christophe Granger, Joseph Kabris ou les possibilités d'une vie, 1880-1822, Anamosa, 507 pages, 2020, prix Fémina Essai --
* Anny Cornuault, Kabris, J.-C. Lattès, 614 pages, 1990, Le livre de Poche, 1994
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<< Ch. Broussas, Joseph Kabris 17/01/2021 © • cjb • © >>
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