dimanche 17 janvier 2021

Thomas Snegaroff "Putzi", le pianiste d’Hitler

 Ernst « Putzi » Hanfstaengl, le pianiste d’Hitler

Référence : Thomas Snegaroff, « Putzi », le pianiste d’Hitler, éditions


Ernst « Putzi » Hanfstaengl, le pianiste d’Hitler

Encore un personnage secondaire qui a pourtant joué un rôle important dans l’ascension d’Hitler. Leur amitié éclaire les débuts du futur führer, en donne un portrait de l’homme avant qu’il ne se soit figé dans l’histoire.
Thomas Snégaroff a mené une enquête rigoureuse pour ce livre qui balance entre roman et enquête historique et brosse un panorama intéressant de cet entre-deux-guerres plein de bruit et de fureur avant de déboucher sur l’horreur.


                                                                              Avec Hitler et Göring

Issu d’une famille importante en Allemagne, « Putzi » alias Ernst ‘Putzi’ Hanfstaengl a été  un homme d’affaires germano-américain mais également un ami proche d’Adolf Hitler qui fut son pianiste personnel et contribua à son l’ascension mais aussi à sa chute.

Souvent absent des manuels scolaires et des livres d’histoire, on le connaît assez peu. Ce n’est pas un des caciques du pouvoir nazi qui siège sur le devant de la scène, un personnage clé, on le présente plutôt comme celui qui distrayait et amusait Hitler avec ses talents de pianiste.

          Avec Hitler

Il naît à Munich le 2 février 1887, dans une famille privilégiée dont les parents côtoient le gratin artistique et musicale, recevant chez eux des artistes comme Strauss, Wagner ou Liszt. Il se partage entre États-Unis et Allemagne : son grand-père paternel fut un célèbre lithographe et photographe allemand qui fit le portrait des gens comme Wagner, Liszt, et Clara Schumann et son autre grand-père fut général dans l’armée de l’Union américaine et l’un des porteurs du cercueil d’Abraham Lincoln.

Le jeune homme est un passionné de musique qui pense surtout à interpréter ses musiciens favoris, au détriment de ses études.

         
Dans l'entourage d'Hitler ("putzi" est à gauche)

En 1905, il quitte l’Allemagne pour poursuivre des études littéraires à l’université d’Harvard, même s’il est toujours féru de musique. Il sera même invité en 1908 par le président Theodore Roosevelt à Washington pour jouer du piano.

L’année suivante, il dirige la filière américaine de l’entreprise familiale, la Franz Hanfstaengl Fine Arts Publishing House à New York. Bloqué aux États-Unis, il suit les débuts de  la Première Guerre mondiale et fait la connaissance du futur président Franklin D. Roosevelt qui aura plus tard beaucoup d’importance.

               

C’est après son retour à Munich en 1922, que son destin va basculer. Dans une Allemagne confrontée au chaos et à la défaite, il rencontre un vieil ami de fac qui travaille à l’ambassade américaine de Berlin et lui demande de s’occuper de son attaché militaire chargé d’analyser la situation politique allemande.
Ce dernier lui demande d’assister à sa place à une réunion du parti national-socialiste des travailleurs allemands à la brasserie Kindlkeller et d’y rencontrer un certain Adolf Hitler.

          
Hitler et Putzi (en partie cachée par Goebbels)

Et Putzi est sous le charme, séduit par sa force de conviction. Hitler fera merveille dans le milieu huppé où Putzi l’emmène. Il fait la connaissance de représentants de grandes familles bavaroises, les von Kaulbach et Bruckmann, les Bechstein, dont la femme souhaitera même que sa fille Lotte l’épouse.

                
Wilhelm von Kaulbach               Affiche C. Bechstein

Avec la famille Hanfstaengl, Hitler accède à la haute société bavaroise tandis que entre dans la confidence d’Hitler qui sera le parrain d’Egon, le fils de Putzi.

Après l’échec du putsch de Munich en 1923, Hitler se réfugie chez les Hanfstaengl. Quand la police encercle la maison pour arrêter Adolf Hitler, il semble qu’il ait voulu se suicider et qu’Helen, la femme de Putzi, soit intervenue à temps pour éviter l’irréparable. Hitler ne restera guère qu’un an en prison et il en profitera pour écrire le premier volume de Mein Kampf, que Putzi va aider à écrire, à financer et à publier.
À sa libération, Hitler sera de nouveau hébergé par les Putzi.

Après l’envol du parti nazi à partir de 1930 (presque 20% des voix aux législatives de 1930), Putzi deviendra chef du département de la presse étrangère, mettant son réseau à la disposition du Parti pour récolter des fonds et des adhésions, rencontrant des personnalités comme Mussolini et Churchill pour promouvoir l’image du Parti et de son chef.

       
                                                                 Hitler et Putzi de dos au piano

Hitler et Putzi vivront aussi une amitié sous les auspices de la musique. Hitler adorait se retrouver avec Putzi au piano jouant du List et surtout du Richard Wagner, lui disant même : « Tu es le plus pur des orchestres, Hanfstaengl. » Hitler aimait par-dessus tout la manière grandiloquente dont Putzi jouait, ce dont était parfaitement conscient ce dernier, écrivant dans ses Mémoires : « je possédais apparemment le don de jouer la musique qu'il aimait exactement dans le style orchestral qu'il aimait. »

Le fameux cri du Troisième Reich « Sieg Heil, Sieg Heil, Sieg Heil ! » aurait été d’un chant universitaire dont Putzi a parlé à Hitler, qui était au départ « Harvard, Harvard, Harvard, rah, rah, rah ! »

   

La vie de Putzi va changer le 11 février 1937 quand Hitler le charge d’une mission assez curieuse de se rendre en Espagne pour préserver les intérêts allemands dans un pays en pleine guerre civile. Putzi y voit une tentative pour se débarrasser de lui, jugé trop "mou" par Goebbels et d’autres membres de l’entourage du führer, Une opportune panne d’avion à Leipzig lui permet de "déserter" et parvient à gagner l’Angleterre où il est immédiatement incarcéré puis emprisonné au Canada.

         
                                                         L'université d'Harvard

Là, il tente de contacter le président Franklin D. Roosevelt, rencontré quelques années auparavant. Intéressé par les renseignements qu’il pourrait donner, Roosevelt obtient sa libération en 1942 et le fait verser dans un service spécialisé chargé d’établir un profil psychologique du Führer et d’analyser la propagande allemande.

Il va désormais participer à la campagne de déstabilisation psychologique du Troisième Reich. Il ira même en 1944 jusqu’à enregistrer au piano des œuvres de Debussy et de Wagner, avant de s’adresser au Führer lui-même pour le supplier d’arrêter cette guerre qui finira par détruire l’Allemagne. L’enregistrement fut diffuser dans toute l’Allemagne et retransmis en Angleterre.  
Mais c’est un homme encombrant qui sera de nouveau incarcéré en Angleterre jusqu’en 1946 avant d’être transféré en Allemagne.

Il fit ensuite l'objet d'un procès en « dénazification » mais fut rapidement libéré, ayant déjà purgé une peine de prison. Son passé ne cessa cependant de lui coller à la peau. À la fin de sa vie, il eut la joie d’apprendre que son petit-fils violoncelliste Eynon Hanfstaengl, fut primé au Concours Tchaïkovski à Moscou.

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