Référence : Andreï Makine, L’ami arménien, Éditions Grasset, 216 pages, janvier 2021
Un roman du prix Goncourt Andreï Makine est toujours un événement. Cette fois avec L’ami arménien, il revient sur un épisode qui l’a marqué lors de son séjour dans un orphelinat situé en Sibérie, qui part de l’amitié entre le narrateur, alias Andreï Makine, et Vardan, un jeune trop gentil pour ne pas devenir un bouc émissaire.
Parce qu’un jour le narrateur âgé de treize ans, a pris la défense de Vardan dans la cour de l’école, il est accueilli avec chaleur dans sa communauté située dans le quartier dit du « Bout du diable » peuplé de réprouvés, anciens prisonniers, aventuriers échoués ici, déracinés paumés « qui n’ont pour biographie que la géographie de leurs errances. » On y trouve comme écrit l’auteur, « des copeaux humains, vies sacrifiées sous la hache des faiseurs de l’Histoire, » comme cette brute déportée qui au camp s’occupait d’un oiseau blessé qui s’envolera un jour loin des barbelés.
Makine en académicien L'amitié Franco-russe avec Nadia Stettler
Il y rencontre des personnes qu’il n’est pas prêt d’oublier. Entre les deux garçons, c’est le départ d’une grande amitié faite d’aventures, de rêveries, d’espoirs en l’avenir. Une belle histoire s’il n’y avait eu la maladie de Vardan et la présence pesante du régime soviétique. Il découvre peu à peu à travers les récits de Vardan l'histoire tourmentée des Arméniens.
Dans cette communauté, il rencontre des personnalités attachantes comme Chamiram la mère de Vardan, sa sœur la belle Gulizar qui enflamme le cœur des hommes mais ne pense qu’à son mari emprisonné ou Sarven, le vieux sage de cette communauté arménienne. Elle s’est constituée pour soulager le sort de leurs proches emprisonnés en Sibérie, à 5.000 kilomètres de leur Caucase natal en attendant leur jugement pour menées anti soviétiques parce qu’ils avaient créé une organisation clandestine réclamant l’indépendance de l’Arménie.
Le narrateur, en défendant la vie de son ami Vardan, va lui aussi se mettre en danger, d’autant qu’un jeu au départ anodin de chasse au trésor, sera considéré par les autorités soviétiques, comme une participation active à une tentative d’évasion…
Voilà un roman qui conjugue la vie difficile d’une communauté exilée, victime d’une dictature et la puissance de l’amitié entre le narrateur et son ami disparu quand bien plus tard il reviendra revoir ce lieu sinistre et se pencher sur les vestiges de son passé.
C’est sans doute aussi pour l’auteur une façon d’évoquer les conséquences du passage du temps sur ses souvenirs quand il écrit par exemple : « La force de ces souvenirs ne m'empêcha pas de constater l'effacement de la brève histoire qui avait transcrit dans nos cœurs la naissance et la disparition du "royaume d'Arménie". Parfois, comme longtemps après un naufrage, un fragment de ces journées d'automne refaisait surface, déjà lissé par l'indifférence de ceux qui ne les avaient pas connues. »
Avec Jeannette Seaver
► Andreï Makine, Au-delà des frontières --
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