Référence : William Boyd, Trio, éditions Le Seuil, 496 pages, mai 2021
A l'été 1968, loin des contestations et des révoltes, une équipe de cinéma tourne dans la station balnéaire de Brighton en Angleterre un film au titre improbable : titre invendable : « L'épatante échelle pour la lune d'Emily Bracegirdle ».
Le premier du trio, c’est Talbot Kydd, producteur à l’homosexualité refoulée, aidé par un associé sur lequel il ne peut guère compter. Sa principale activité consiste à gérer tous les impondérables, l’inorganisation régnant sur le tournage et l’énorme égo des stars.
Elfrida Wing sa
femme, en vaine d’inspiration, cherche un dérivatif dans l'alcool,
s’accrochant à un projet impossible traitant du jour du suicide de Virginia Woolf. Son mari la délaisse et l’inspiration aussi depuis ses premiers succès littéraires qui sont loin désormais.
Dernier personnage important, Anny Viklund est l’actrice principale du film, célèbre et ingérable, tourmentée par son ex-mari recherché par la CIA
pour terrorisme. Elle trouve son plaisir dans la drogue et les
aventures amoureuses, avec son jeune partenaire dans le film tout en
vivant en couple avec un vieux philosophe français gauchiste.
« Elfrida, écrit William Boyd, se sentit en proie à l’habituelle panique qui la saisissait dans les soirées : tous ces inconnus, toutes ces heures d’échanges de banalités avec des hommes et des femmes qu’elle ne reverrait jamais. Pourquoi les gens se donnaient-ils cette peine ? »
Dans
ce contexte, chaque personnage cherche à préserver les apparences,
soucieux de donner le change aux autres et de préserver une bonne image
de soi.
Ces êtres ambivalents sont tout de même attachants par la grâce du brio de William Boyd. Le roman vire à la farce avec les amours d'Anny et les hallucinations éthyliques d’Elfrida tandis que Talbot doit se débrouiller avec les problèmes de son associé.
Le roman se passe dans un milieu que l’auteur connaît bien pour être lui-même scénariste et réalisateur. Il en connaît aussi tous les travers qu’il restitue avec une ironie blasée. On est dans l’univers du clinquant et des apparences ponctué d’intrigues continuelles.
Boyd à Bergerac en 1990 où il possède une maison
Les trois personnages principaux sont pris ans cette spirale intenable
et vivent une difficile crise identitaire. Ils vont petit à petit
comprendre la réalité de l’écart entre leur vie personnelle et leur vie
professionnelle. Mais cette prise de conscience ne peut se faire qu’en
sacrifiant leurs désirs et leurs aspirations. Dès lors, ils devront
choisir entre ces sacrifices pour reprendre en mains la conduite de leur
existence ou sombrer en laissant cours à leurs démons.
Voir aussi
► William Boyd, L'amour est aveugle, --
Mes articles sur d'autres auteurs anglo-saxons :
► Jonathan Coe, Le coeur de l'Angleterre --
► Jim Fergus -- Jim Fergus Chrysis -- Jim Harrison -- Tom Wolfe, Bloody Miami --
► David Lodge, Thérapie et Pensées secrètes --
► John Irving, A moi seul bien des personnages --
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