Référence : Jean Viard, La révolution que l'on attendait est arrivée, éditions de l'Aube, 240 pages, mai 2021
Le titre est à lui seul une profession de foi : La révolution que l'on attendait est arrivée... Et Jean Viard d'ajouter en sous-titre : Le réenchantement des territoires. Mais n'est-ce pas en fait une nouvelle version du bon vieux Aménagement du territoire qui rappelle la DATAR (aménagement du littoral), les villes nouvelles et les parcs naturels.
Son message commence par ce constat : « Nous avons changé. »
Il veut dire essentiellement qu'il sent le profond désir des gens de
changer de vie, de ne plus se laisser séduire par le miroir aux
alouettes du consumérisme. Son analyse repose sur les évolutions
apportées par la Covid 19 comme le recours au local et aux circuits
courts, malgré l'aspect planétaire de la pandémie, le télétravail, les
livraisons à domicile et autres drives.
Ce recours au local, Jean Viard l'analyse de la façon suivante : « Peu à peu, l'école, les maires... parurent aux citoyens plus protecteurs des valeurs républicaines que l'armée ou le président de la République… Autrement dit, le "proche" parut plus défenseur des valeurs républicaines que les institutions plus lointaines : le proche avait gagné dans la bataille des appartenances positives. »
Finalement,
beaucoup de pratiques en gestation depuis des années dans toutes ces
nouveautés, sinon une reconnaissance bien éphémère pour ceux qui sont
"allés au charbon", soignants et professions de santé, caissiers,
livreurs, agriculteurs... [1] ceux qui bossent beaucoup et sont mal payés. Mais à contrario, défiance face aux politiques et aux bureaucraties publiques.
c'est ainsi qu'il aborde la question des décentralisations manquées, « l'hypertrophie des appareils de gestion » dans les hôpitaux comme la crise l’a montrée, la police ou l’éducation. Cette situation est non seulement mangeuse de temps en reportings ou en réunions mais aussi génère une grande dilution des responsabilités que toute décision est lente, souvent loin du terrain. Or « la crise a bien montré qu’il existe un lien direct entre ceux qui font et ceux qui décident », les niveaux intermédiaires risquant dorénavant d’être largement remis en cause.
En attendant, on a tendance à quitter les grandes villes pour des structures à dimensions humaines, à vouloir quitter aussi son conjoint ou pire encore. D'après Jean Viard, on aurait enfin pris conscience de l'urgence d'une lutte contre les problèmes climatiques et cette tragédie sanitaire « nous a fait grandir ».
« Il faudrait une révolution de la pensée du territoire non métropolitain »
L'aspect
positif de tout ceci est de rebrasser les cartes. Finis l'attrait des
villes et de la société industrielle, les débats sur la lutte des
classes (et la mort des idéologies), on se recentre sur les territoires
(son petit coin de France), sur son cercle restreint des amis et de la famille et on voudrait bien donner un sens à sa vie.
Jean Viard
se demande quel avenir ont ces nouvelles tendances mais on sent bien
qu'il les appellent de ses vœux. De même qu'il espère que la société
industrielle va enfin déboucher sur une autre forme de civilisation,
orientée sur le numérique et l'écologie, supports d'une véritable
révolution des modes de production engendrant une révolution des modes
de vie. [2]
De l'industriel au numérique (extrait)
« La
civilisation industrielle est derrière nous. Elle laisse un monde qui
sera (beaucoup) plus chaud... auquel nous devons nous préparer... Mais
la civilisation qui s'achève dans cette tragédie fut grandiose et
innovante. La vie s'y est allongée comme jamais. Les guerres mondiales y
ont été contenues, le monde numérique, scientifique et technologique a
changé le quotidien, a permis la réunification d'une humanité éparse. De
considérables créations artistiques, intellectuelles, scientifiques,
ont été faites. Immenses avancées. Mais le point de rupture qui
s'annonçait vient d'être atteint. Le Covid-19 est l'avant-garde d'un
combat plus large... »
Notes et références
[1] Voir sur l'agriculture, Jean Viard, "Le sacre de la terre". En la matière, il met l'accent sur le problème central du foncier.
[2] Voir Jean Viard, "Nouveau portrait de la France", La société des modes de vie
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<< Christian Broussas, Jean Viard 21/07/2021 © • cjb • © >>
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