« Ma femme s’est tuée. Nous étions ivres, je me tue. Ne cherchez pas… »
Dans une interview, Patrick Modiano nous parle de la genèse de son roman "Fleurs de ruine" : « J’ai voulu partir d’un fait divers authentique de l’année 1933, le suicide d’un jeune couple rue des Fossés-Saint-Jacques,
mais je n'ai pas pu m'empêcher de revenir aux années d'Occupation, et à
mon père. Je voulais faire du reportage, il a été brouillé une fois
encore par mon histoire. » [1]
Il a fini par réaliser une "chaîne d’histoires" tissée à partir de faits réels, l'histoire de ce couple disparu en 1933, qui enchaîne sur d’autres personnages Philippe de Pacheco, Lombard puis Jacqueline. Lombard est un témoin oculaire, il a bien vu le couple en question et Jacqueline a bien connu ce Lombard : un maillage qui brouille les choses plus qu’il ne les éclaire. Mais c’est du Modiano n’est-ce pas.
« À
quoi bon tâcher de résoudre des mystères insolubles et poursuivre des
fantômes, quand la vie était là, toute simple, sous le soleil ? » PM
Une nouvelle fois, dans ce roman Modiano nous entraîne dans différents quartiers de Paris qu’il connaît bien depuis sa jeunesse, surtout des bistrots qu’on retrouve ici, que ce soit la cafeteria de la Cité universitaire, la Coupole et la Terrasse du Dôme boulevard Montparnasse, le café de Cluny à l’angle des boulevards Saint-Michel et Saint-Germain ou encore l’ex gare Montparnasse.
Modiano marche dans le Paris de sa jeunesse, de Montmartre aux Champs-Elysées, de Germain-des-Prés à la rue Lauriston. Une déambulation qui ranime ses souvenirs. Il repense à cet étrange suicide et à ce mystérieux Pacheco. À travers cette histoire et ses pérégrinations parisiennes, c'est aussi d'une quête d'identité dont il est question dans ce roman.
Les circonstances du suicide de ce jeune couple Urbain et Gisèle T. sont loin d'être claires : ils auraient rencontré deux femmes et deux hommes dans un dancing et seraient ensuite partis avec eux. Et on ne sait pas ce qui pouvait les unir.
Trente ans ont passé quand le
narrateur s'interroge justement sur ces circonstances et rencontre des
personnes liées à cet événement. Il évolue dans un Paris qu'il connaît bien mais rien n'y fait, cette affaire est toujours aussi mystérieuse.
On navigue sans boussole dans ce récit au gré des bribes de souvenirs du narrateur.
On peut dire que ce qui l'intéresse c'était avant tout de décrypter le mystère d'un homme qu'il ne connaissait pas auparavant : « Je
prenais des notes. Sans en avoir clairement conscience, je commençais
mon premier livre. Ce n’était pas une vocation ni un don particuliers
qui me poussaient à écrire, mais tout simplement l’énigme que me posait
un homme que je n’avais aucune chance de retrouver, et toutes ces
questions qui n’auraient jamais de réponse. »
Notes et références
[1] Jérôme Garcin, "L'Evénement du jeudi", 4-10 avril 1991
Voir aussi :