Après un premier texte centré sur la biographie de Marcel Proust, nous allons nous intéresser dans ce second opus au mode d'écriture et au contenu de son œuvre,
ce qui en fait l'essence en quelque sorte, sans entrer dans le détail
des sept tomes, en nous intéressant plus particulièrement aux tomes II
et VII.
En matière de conception, on peut dire que La Recherche est basée sur un thème narratif (ou anneau central) auxquels se raccordent divers modules, digressions sur des sujets qui évoquent en écho la narration principale.
Le roman débute (tome 1, Du côté de chez Swann) par un choix essentiel entre deux chemins, l’un menant du côté de chez Swann et l’autre du côté de Guermantes (tome 3, Le côté de Guermantes), apparemment les deux directions possibles pour se rendre de chez Léonie, la tante du narrateur, à Combray.
Le côté de Swann fait référence à Charles Swann, juif collectionneur d’art follement amoureux d’une demi-mondaine Odette de Crécy qui ont une fille Gilberte dont le narrateur tombera amoureux. Le côté de Guermantes fait référence à la maison de campagne de cette famille de vieille noblesse.
Deux directions très symboliques dans l’œuvre de Proust, représentant des thèmes qui reviennent dans son œuvre sous plusieurs formes.
Le côté de Swann, c’est le monde tel qu’il est avec tout ce qui gravite autour de la politique et de la religion, en particulier L’Affaire Dreyfus et le monde artistique. Le côté de Guermantes,
c’est la bonne société, espèce de mythe, un idéal de la manière de
vivre mais, en la fréquentant, le narrateur va s’apercevoir des lézardes
de cette micro société basée sur les apparences
Dans À l’ombre des jeunes filles en fleurs (tome 2), qui couvre l’adolescence du narrateur, il retrouve Gilberte Swann puis part à Balbec où il rencontre ces fameuses jeunes filles, dont Albertine qui jouera un rôle central dans sa vie (en particulier, tome 6, Albertine disparue) permettant à Proust d’analyser les processus du désir (surtout le désir non partagé), de l’altérité et bien sûr de l’importance du temps.
Dans le tome II, Proust décrit la rencontre du narrateur et d’Albertine, quand la jeune fille lui passe un mot où est écrit « Je vous aime bien » puis part dans une longue digression sur l’éducation des jeunes filles à travers une camarade, une certaine Gisèle pendant un pique-nique sur une plage normande. Gisèle doit choisir entre deux sujets de rédaction portant sur deux pièces de Racine, "L’insuccès d’Athalie", la terrible reine qui sacrifie tout au pouvoir et l’absence de madame de Lafayette à la première d’Esther, la reine juive qui vainquit le sanguinaire grand vizir perse Aman. Dans cette séquence, Proust traite surtout de la souffrance des juifs, lui qui donnera une très grande place à L’Affaire Dreyfus. Une polémique va surgir entre Gisèle et son amie Andrée à ce sujet, engendrant une nouvelle boucle digressive.
Ces deux digressions successives vont finir par boucler sur le mot d’Albertine « Je vous aime bien »
pour revenir au sujet du départ. La digression principale rejoint les
deux chemins proustiens en réunissant les pièces éparses qui se
complètent pour constituer un monde global.
Cette idée centrale des chemins qui se rejoignent, ne font qu'un, revient dans le dernier tome Le temps retrouvé quand le narrateur est de retour à Combray.
Il y rencontre Gilberte Swann, son amour de jeunesse qui lui propose un autre itinéraire pour se rendre à Guermantes. Il s'aperçoit alors que ces fameux chemins peuvent se voir comme des arcs de cercle qui finissent par se rejoindre. Gilberte
lui avoue ensuite que dans sa jeunesse, elle avait été amoureuse de
lui. Stupeur du narrateur qui n'avait pas su percevoir le signal qu'elle
lui avait lancé. Sa cécité d'alors qu'il regrette amèrement agit sur
lui comme une révélation, il y voit un moment qui aurait pu faire que sa
vie prenne un autre "chemin".
Le symbole de cette unité retrouvée est aussi illustré dans le mariage entre Gilberte Swann, fille de Charles, et Robert de Saint-Loup, neveu du duc de Guermantes et de sa femme. Ce personnage est présent dans l'œuvre du tome II À l’ombre des jeunes filles en fleurs jusqu'au dernier tome Le temps retrouvé avec sa mort héroïque pendant la Grande guerre. C'est
d'autant plus intéressant qu'il est un être ambivalent, tout à la fois
un intellectuel attaché aux traditions, un aristo libéral, attiré aussi
bien par les hommes que par les femmes.
Proust
nous alerte sur les dangers de la recherche de la réalité derrière nos
fictions parce qu'on est forcément déçus par la réalité même si dans La Recherche nombre de lieux et de personnages s'inspirent de faits réels ou de gens qu'il a connus.
Personnes et personnages dans la Recherche
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