vendredi 31 mars 2023

Karl ove Knausgaard, La mort d’un père

 Référence : Karl ove Knausgaard, La mort d’un père, éditions Denoël, traduction Marie-Pierre Fiquet, 582 pages, septembre 2012
Cycle Mon combat, 1/6 [1]

            

« Il y a d'étranges pères, dont toute la vie ne semble occupée qu'à préparer à leurs enfants des raisons de se consoler de leur mort. »

Les polémiques
1- curieux titre du cycle, Mon combat autrement Main Kampf, ça peut prêter à confusion mais ça fait aussi procès d’intention… et en plus, il assume.

2- Le réalisme de cette autobiographie a chamboulé la famille au point de créer un camp pro qui défendait sa liberté d'artiste et un camp anti qui a critiqué sa démarche et s'est élevée contre ce qu'elle a considéré comme un déballage familial.

                   
La mort d'un père               Jeune homme            Un homme amoureux

« Exorcicer le monde réel. »
Genèse et style

Question style, il dit avoir tâtonné longtemps puis abandonner toute référence littéraire et trouver son rythme, d’où son style descriptif, détaillé, d’un réalisme rigoureux. Il dit avoir tout essayé mais que rien ne fonctionnait. Puis dit-il dans un article de Libération, « j’ai commencé à écrire quelque chose de totalement différent, une sorte de confession, où je disais tous les secrets que je n’avais jamais racontés. L’esthétique n’avait plus d’importance. »

« Style lourd » disent certains comme Pierre Assouline, aux phrases qui s’étirent en longueur, hyperréaliste, digressif, ennuyeux. « C’était exactement cela, le point de départ du roman : je voulais dépeindre le quotidien, tout ce qui, d’habitude, n’est pas littéraire. De la sorte, le livre tente d’exorciser le monde réel. »

                           
Aux confins du monde    Comme il pleut sur la ville         Fin de combat

Fil conducteur de l’histoire
La famille composée de Karl ove, d’un frère aîné Yngve et de ses parents. Ce père est alors autoritaire et aimant l’humilier. IL devient un adolescent plutôt quelconque, attiré par la musique et l’alcool. Mais rapidement, ses parents divorcent et son frère part étudier à Bergen. Son père s’humanise quelque peu mais il boit de plus en plus.

         
Les saisons : Au printemps, En été

Alors que Karl Ove se marie et se met à écrire, son père qui est revenu vivre chez sa mère, sombre peu à peu dans l’alcoolisme. À sa mort, les deux frères retournent dans la maison de leur enfance s’occuper des obsèques. Et ils vont être confrontés à l’impensable : la maison est dans un état épouvantable, envahie de détritus et d’une montagne de bouteilles vides.
Tout en essayant de rendre la maison de nouveau habitable, les deux frères tentent chacun à sa manière de faire le deuil de leur père.

         
Les saisons : À l’automne, En hiver

« Je voulais dépeindre le quotidien, tout ce qui, d'habitude, n'est pas littéraire. De la sorte, le livre tente d'exorciser le monde réel. C'est tellement rare de vivre dans l'ici et maintenant. Mais, en décrivant le monde concret, ce sens de l'ici et maintenant se manifeste très nettement. »

Analyse et thèmes de l'auteur

1- ► Questionnement : « Peut-on ressusciter une enfance ?
   « Pour exorciser le monde réel » : être délivré de l'image du père
--> catharsis ?
   « L'esthétique n'avait plus d'importance » : témoignage ou œuvre littéraire ?

2- ► Relation au père
21- hyper sensibilité : peur du père dans "le visage de la mer" (p 34-36) ou ses moqueries sur sa prononciation (p 58-59). Il n'a jamais présenté sa famille à son fils. (p 230)  Ce visage va réapparaître avec le Christ qui surgit des nervures du parquet. (p 239)
22- Il est choqué par son père et sa contradiction entre être et paraître --> joue les baba cools tout en étant intransigeant, assez réactionnaire. (p 225-26)
--> lui-même est en contradiction avec la musique qu'il aime, élitiste, qui se vend peu. (p 226) La mort du père (p 287...) --> ce qu'il ressent ne correspond pas à ce qu'il montre (il pleure sans savoir pourquoi) --> sentiments contrastés.
* Les 2 frères (et Gunnar) semblent découvrir après son décès l'état du père et ses conséquences.
23- L'adolescent
Se sent dévalorisé --> rapport au père et l'image de soi. (p 442)

Son besoin d'appartenance /dépendance à un groupe (p 77-78)
Le roi des losers : le concert raté, la photo et son amie Suzanne, le première cuite, la longue séquence sur la Saint-Sylvestre (p 148-176)
3- ► Rapport au temps et à la vie
31- Rapport à la connaissance : "formater" le temps pour accroître ses connaissances qui se stabilisent chez l'adulte, changeant le rapport au temps (p 21) --> relativité du temps enfant/adulte.
Ce qui arrive à l'ado est d'abord une illustration de ce constat.
32- Le chaos est la condition de l'effervescence de la vie qui culmine jusqu'à son déclin puis se succèdent temps cycliques dynamisme/déclin. (p 243/44)
--> Phénomène entropique.

« Il m'arrivait souvent d'être lâche de cette façon. Ne voulant heurter personne, je gardais pour moi ce que je pensais. » (p 412)
4- ► Rapport à l'art
41-
Sur l'écriture :
« Écrire, c’est sortir ce qui existe de l’ombre de la connaissance. » (p 241) --> prétention de nos connaissances mais écrire permet de lutter contre pessimisme.
Connaissance et sa diffusion mènent à l'imagination et l'abstraction --> recours aux images et à la métaphore comme dans la chanson. (p 276-78) 
--> Impression d'irréalité (p 278-79) --> l'art est parvenu au bout de la réalité, de sa logique, devenant sa propre réalité (p 281-83) --> l'art pour l'art
--> Remarque après l'entrevue avec le romancier Hauge : "Oh, la beauté, comment l'appréhender, comment y réagir ?" (p 419)
42- Hyper-réalisme détaillant les faits, évitant l'analyse psychologique.
--> gros plans (macro) sur menus détails = sincérité impudique.

5- Rapport à la mort 
Du rapport au père au rapport à la mort : certaine indifférence mêlée à des crise de pleurs. 

Notes et références
[1] Les romans du cycle : La mort d’un père, Un homme amoureux,  Jeune homme, Aux confins du monde, Comme il pleut sur la ville et Fin de combat (prix Médicis essai en 2020).

           

Voir aussi
* Le cycle "Mon combat" -- A propos de "En automne" --
* Critique libre --

--------------------------------------------------------------------
<< Christian Broussas • Mon combat I  © CJB  ° 15/03/2023  >>
--------------------------------------------------------------------

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire