Référence : Ludwig Lewisohn, Le destin de Herbert Crump, éditions Phébus, préface de Thomas Mann, traduction de Richard Stanley, 416 pages, septembre 1998, première édition en 1926
Introduction
Un roman objet de scandale : écrit en 1926, refusé par les éditeurs américains... publié en anglais à Paris, puis traduit en français en 1931 avec une préface de Thomas Mann, puis publié aux États-Unis en 1947... dans une version expurgée. [1]
Un livre sans concession sur les affres du couple soumis à un univers
bourgeois confiné. pas vraiment moralement correct pour ne pas encourir
les foudres de la société d'alors. Toujours d'actualité.
La trame du roman
À la Belle époque aux États-Unis, la vie d'un
homme est bouleversée par une femme qui va peu à peu la
transformer en véritable enfer.
Herbert Crump, émigré allemand de bonne famille, possédait un réel talent de musicien. Pour cela, il va s'installer à New-York et rencontre Anne Bronson Vilase, une jeune femme a priori plutôt discrète, effacée.
Une manipulatrice hors pair, cachant son jeu, qui s'arrange pour devenir indispensable, imposant le mariage à ce jeune naïf. Dévoilant peu à peu sa nature déviante, elle contrarie sa réussite artistique. Vraiment, ils n'ont rien en commun et certes pas une même conception de la vie.
Vues de New-York : Broadway et Greenwich village
Un homme sous influence
Anne a tous les défauts, frivole et odieuse, pleine d'acrimonie et ne s'apaisant que quand elle obtient ce qu'elle veut. Elle parvient à détruire les élans créateurs d'Herbert et à lui instiller la honte de la jeunesse et de la créativité.
Pris dans cette nasse, il accepte tout, n'entrevoit aucune solution, se sent prisonnier dans le carcan du mariage « où la stupidité des habitudes sociales permettait à Anne de le tenir enfermé ».
Au contraire, Herbert apparaît comme un être doux, étant « une nature ni dure ni portée à l'orgueil ou à la vanité, et était même peut être trop dépourvue des énergies qui s'éveillent dans l'âme d'un homme se respectant à juste titre » mais "La science lui avait refroidi le cerveau et le romantisme échauffé l'âme," (p61) malgré l'influence du professeur Petersen sur l'art et la liberté (p 76-77)
Au-delà, il s'agit bien d'hypocrisie, les conventions sociales et le puritanisme de la société américaine, son matérialisme étroit. Dans cette société guindée, dominée par une mentalité "petite bourgeoise", pour paraphraser Sartre, on pourrait dire que "l'enfer, c'est l'Autre".
Vues de l'Ohio et de Chicago
Herbert, sa vision d'Anne
"Les femmes de cette famille ont en elles une sacrée dose de grossièreté et de violence." (p 27) L'objectif d'Anne : "Vivre en parasite aux dépens d'un homme" (p 28)
"Les préoccupations artistiques d'Anne n'étaient que des sous-produits de l'instinct sexuel." p 154
Herbert, son rapport aux femmes
►Pour lui, l'amour est comme un flot d'émotions sentimentales, Herbert "ne pouvant que vibrer en harmonie avec une âme en proie à une souffrance si pleine de poésie, une âme si déçue et désemparée" (p. 129) et il ne comprend pas l'arrivisme de Gerda, qu'il aime pourtant (p 104 & 108)
►Pour lui, "les jeunes filles de Queenshaven sont dépourvues d'intelligence." p 153
- La femme "use d'artifice, de supercherie qui sont le propre de son sexe, de même que la cachotterie habile, la dissimulation floue et l'affectation subtile." p. 375
- "La bassesse, l'amour de la possession égoïste et l'odieux des fictions mensongères qui caractérisent à l'ordinaire les rapports entre les sexes". p. 376
Rôle de la société de son temps
La morale de son temps : "Un amas de mensonges barbares, immondes, dépourvus de générosités, lâches, vulgaires, que toute âme un peu élevée se devait de mépriser, de défier et de fouler aux pieds." (p 177)
"Anne a pour elle toutes les forces actives de la société, toute l'organisation juridique." (p 372)
"Frances et Herbert suffoqueraient, noyés dans l'écume visqueuse que vomiraient l'envie née du refoulement, de la satiété et de l'impuissance." (p 326)
Herbert : reconnaît que son sort ne pouvait pas se raconter en Amérique... "car à braver la morale officielle, ils n'auraient rien à y gagner." (p 175) Il estime que "le sang, l'éducation, le milieu et les habitudes sont pour beaucoup dans la qualité de l'âme et la façon de conduire sa vie. (p 195-96)
Dynamique de leur relation
Elle repose sur des rapports sado-maso : "Herbert s'y complaisait fièrement et aimait sa souffrance." (p 325) C'est un faible qui dit : "Seul un imbécile fieffé pouvait s'être mis dans un tel pétrin". (p 199)
Anne : aveuglée par sa jalousie --> cf Mme Goldstein, Gloria Halliwell (p 378-385) puis Gabrielle Bénard (p 388-89) et Rachel Cohn (p 395-399), vise "la capitulation sans condition de l'homme." p 153
► cf p 202-204 et relations conjugales chez August Strindberg
► approche relationnelle avec l'Analyse transactionnelle (AT) et l'étude des transactions.
(cf la dispute des 3 acteurs dans la rue (p 160-164)
Schéma transactionnel – triangle dramatique de Karpman
[1] Peu de ses ouvrages ont été traduits en français. On peut citer
- Crime passionnel, traduit par Antonin Artaud et Bernard Steele, Phébus, 1997
- Psychologie de la littérature américaine, traduction Maxime Piha, Rieder, 1934
- Les Derniers jours de Shylock, traduction Maxime Piha, Rieder, 1932
Voir aussi
* Frédérik Guinard, "Ludwig Lewisohn, Le destin de Mr Crump", Canal Psy, 2014
* Transactions en AT --
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<< Christian Broussas •• Lewishon Crump •• © CJB °°° 31/08/2023 >>
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