Marin Ledun, Free Queens

 Référence : Marin Ledun, Free Queens, éditions Gallimard, collection Série noire, prix des lecteurs Quais du polar, 2024, 416 pages, mars 2023

Free Queens est une ONG qui défend le droit des femmes et qui est contactée par une journaliste Serena Monnier alertée par le témoignage d'une prostituée nigériane Jasmine Dooyum, réfugiée dans le bus de cette association pour échapper à ses souteneurs.

Ce qu'elle découvre sur place dépasse l'entendement, le rôle de réseaux criminels financés par la prostitution, conforté par des multinationales qui en font un atout commercial.

Martin Ledun adore traiter ce type de sujet, en témoigne son roman "Leur âme au diable" qui dénonçait les pratiques illégales des fabricants de tabac. Cette fois, il s'intéresse à un industriel de la bière qui vend le corps de femmes pour mieux vendre ses produits.  Mais le cynisme capitaliste allié à la corruption politique vont se heurter au courage de femmes bien décidés à faire respecter leurs droits et à tout faire pour parvenir à leurs fins.
 

Oni Goje, un flic très humain, est un ex agent de la Criminelle qu'il a quittée pour se préserver de la violence incroyable de la société nigériane. Un jour, il  découvre sur une aire de repos près de Kaduna dans le nord du pays le corps de deux femmes assassinées et jetées dans un tas d'ordures.
Il décide alors de reprendre du service pour rendre justice à ces deux victimes d'une société en déliquescence.

A contrario, Ira Gowon est un flic corrompu qui fait le sale boulot mais œuvre aussi pour les intérêts de sa région d'origine très défavorisée.

Au cœur du roman se trouve Peter Dirksen âgé de 37 ans, ancien du lobby tabac passé à la tête du marketing de la filiale nigériane d'une multinationale de la bière. Sa marque la First, son "arme de consommation massive", il est parvenu à l'imposer par des méthodes commerciales très agressives.

Pour cela, il utilise une distribution tentaculaire qui s'adresse à tous, des bars minables aux quartiers chics, servie par une armée de jeunes femmes qui incitent à la consommation. Son réseau pour structurer l'ensemble s'appuie sur la prostitution et des ripoux qui surveillent les filles et les patrons de bar.

Les femmes, les jeunes vont finir par se révolter dans d'immenses manifestations en 2020 qui auront raison de l'unité de police la plus violente à leur égard, où travaillait Ira Gowon. Mais elles finiront en bains de sang et rien au Nigeria ne changera sous "le soleil de Satan. Seule la rage vengeresse de Oni Goje aura raison de Peter Dirksen, l'un des magnats de la bière.  

           

 Analyse contextuelle
** Pas vraiment de personnage central
Chapitres ciblés sur personnage(s) ou ville
   Intervenants : Serena Monnier, Favour Egbe, Esther Lekwot, Mercy Dauda
   Les victimes : Jasmin Dooyum, Treasure Jones, meurtre de Victoria Namo p 137, de Musa Abwo, le témoin Kel Ugwu (p 274-76)
   Flics ripoux (Gowon, Vitalis Udo et Sars (Godge) p 134
   Entre Lagos, Kaduna et Abuja

** Situation : corruption endémique, misère, détresse sociales, femmes battues + terrorisme, racket, maladies endémiques sur fond de covid 19 (chapitre 25)  et Boko Haram
Serena, limite de son action : tolérée au Nigéria mais sans remettre en cause drame de la condition féminine (p 281)

** Néo colonialisme & néo capitalisme par MB Nigéria (bière) avec Peter Dirksen (énumération p 253) & Nurudeen
--> La First : une institution "redessinant les cartes de la ville, la vie quotidienne" (p 254), manipulant un journaliste (p 298-300), surveillant et molestant Serena (p 304)

** Style : polar (direct, parler, dialogues), suspens (scène finale de meurtre où Gowon, Udo, Esther Lekwot, Mercy Dauda sont tués mais Serena Monnier et Treasure Jones rescapées )

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