Référence : Serge Velay, "René Char, qui êtes-vous ?", éditions La Manufacture, 1987
« Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards, ni patience. » René Char
.
Comme souvent les grandes œuvres, celle de René Char défie la critique et interroge
sur sa fonction. « Lire Char
signifie choisir une des multiples entrées de sa poésie, » nous
entraîne dans un univers métaphorique qui touche par son évidence, sa
proximité, et déconcerte par sa recherche d’un impossible qui, écrit René Char dans L’âge cassant, « nous
sert de lanterne. »
C’est le substrat d’une pensée qui, comme disait Roger Munier, [1] « déprend et recrée,
érige et fonde » par la profondeur de son texte et prégnance de sa
poésie. Il y a ainsi ce qu’on peut considérer comme une valeur exemplaire de René Char, lui qui avait une haute idée
de son métier qu’il appelait « métier
de pointe. » Au-delà des contradictions, il est tout à la fois
offrande libératoire et ouverture, témoin
du tracé de son chemin poétique et recherche de la « totalité de l’homme. »
Dans une grande mesure, la
biographie d’un grand écrivain est intrinsèquement liée à son œuvre elle-même.
Les « actions du poète, écrit René
Char, ne sont que la conséquence des énigmes de la poésie. » Elle peut
tout en termes de vérité et René Char
ne s’est jamais dérobé à cette exigence de vérité. Il s’est emparé des
événements du quotidien, reprenant à sa façon la confrontation entre le poète
et l’histoire. De ce point de vue, son expérience historique, qu’il considère
comme un tout, s’est ancrée dans son engagement dans la Résistance, et son
silence de poète pendant cette période, qu’il a ensuite traduite dans son
recueil poétique des « Feuillets
d’Hypnos. [2]
René Char pense que la poésie est
avant tout action, marquée au sceau de l’efficacité. « On est assuré,
écrit-il, qu’un poème fonctionne dès lors que
son composé se vérifie juste à l’application, et ce, malgré l’inconnu de
ses attenances. » [3] En
exergue, Serge Velay a choisi cette
citation de René Char : « Au séjour supérieur, nul invité, nul
partage : l’urne fondamentale. L’éclair trace le présent, en balafre le
jardin, poursuit sans assaillir son extension, ne cessera de paraître comme
d’avoir été. » Ainsi la boucle est bouclée et la poésie devient à la
fois histoire et biographie.
Notes et références
[1] Voir Le seul
de Roger Munier, éditions Tchou de 1970 avec un avant-propos de René Char
[2] Dans la mythologie
grecque, Hypnos est le dieu du sommeil ainsi que le père de Morphée.
[3] "Attenance" :
Obédience, correspondance
Voir aussi
- Biographie de René Char
- René Char et Albert Camus
- Camus parle de René Char
< < < Christian Broussas - René Char, essai - 14 mai 2013 <<< •© cjb © • > >
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