Référence : Michel Houellebecq, La Carte et le Territoire, éditions Flammarion), 450 pages, 2010
Après La Possibilité d'une île, Michel Houellebecq semble revenir avec La Carte et le territoire aux thèmes de ses premiers romans, thèmes de prédilection , flux qui passent par l'amour et l'argent-roi qui détruit tout [1] jusqu'à cette France qui devient un vaste musée à ciel ouvert, un paradis pour touristes en mal d'exotisme avec ses monuments et son mode de vie. Roman à la fois classique et moderne, qui apparaît ouvert sur le monde, calé sur son époque tout en restant classique dans sa facture.
Un type curieux ce Jed Martin qui passe ses réveillons de Noël avec son père, architecte célèbre et engagé, qui vous fatigue avec ses petits problèmes du genre histoire d'un chauffe-eau qui tombe en panne un 15 décembre. Il commence sa carrière par une exposition photos sur les cartes Michelin où, cerise sur le gâteau, il fait la connaissance d'Olga une charmante russe au physique avantageux.
Le succès, la reconnaissance viendront avec ses fameux portraits de personnalités croquées dans leur vie professionnelle. (dont un certain Michel Houellebecq) C'est surtout l'œuvre qui s'intitule La carte est plus intéressante que le territoire exposée à la Fondation Michelin pour l'art contemporain qui confortera son succès. Cette vision semble signifier que la représentation du réel est plus intéressante que le réel lui-même qui a la détestable habitude de nous filer entre les doigts. Au côté de Jed, il y a Michel Houellebecq lui-même à travers un autoportrait comme l'auteur lui aime, espèce d'écrivain solitaire, neurasthénique et dépressif, sans illusions sur son propre sort. Cet autoportrait de Michel Houellebecq qui apparaît tout à tour en écrivain, en enquêteur, en homme ou transparaît peut-être même dans un chien, Michou, le bichon bolonais, trace une nouvelle fois le portrait d'un pessimiste qui n'attend plus grand chose d' l'homme et de cette société passée du spectacle à la
consommation.
Justement, ce chien bichon des Jasselin est tombé malade et est devenu stérile, « Ce
pauvre petit chien non seulement n’aurait pas de descendance, mais ne
connaîtrait aucune pulsion, ni aucune satisfaction sexuelle. Il serait
un chien diminué, incapable de transmettre la vie, coupé de l’appel
élémentaire de la race, limité dans le temps – de manière définitive. » Mais finalement pense-t-il, ce n'est pas si grave quand le sexe ne représente que « (…)
la lutte, le combat brutal pour la domination, l’élimination du rival
et la multiplication hasardeuse des coïts sans autre raison d’être que
d’assurer une propagation maximale des gènes. » Besoin de régner, besoin de pouvoir si
Éclectique, multiforme, il aidera aussi de ses lumières le commissaire, alias Houellebecq, à résoudre une sordide affaire criminelle des plus nébuleuses. Finalement, il n'y a guère qu'avancer en âge qui puisse lui apporter une certaine sérénité.
Sa métaphore sur La carte et le territoire, la prééminence de la carte sur le territoire d'après l'œuvre qui porte ce titre, signifie pour l'auteur que le roman est "supérieur" à toute réalité, qu'il se situe au-delà du rapport au réel.
Notes et références
[1] « Ce qui marche le mieux, ce qui pousse avec la plus grande violence
les gens à se dépasser, c’est encore le pur et simple besoin d’argent, » confie le père de Jed à son fils.
Autres références
*Voir aussi mon article consacré à Ennemis publics, Houellebecq et BH Lévy
Commentaires critiques
* « [Certains] salueront un texte puissant, à la fois contemporain et profondément classique, d’une admirable maîtrise littéraire. » Lettre de l'éditeur
* « Michel Houellebecq construit un roman à l'architecture extrêmement
savante et parfaitement fluide, construction dans laquelle s'inscrivent,
par touches souvent cocasses ou faussement dérisoires, les éléments
constitutifs d'un tableau du monde contemporain tel que l'auteur le
voit... » Télérama, Nathalie Crom, 09/2010
* « Roman total, bilan de l’état du monde et autoportrait, labyrinthe
métaphysique sidérant de maîtrise : avec "La Carte et le Territoire",
Michel Houellebecq signe un très grand livre. » Les InRocks, 29/08/2010
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