Hervé Hamon à Guérande en 2011
Référence : Hervé Hamon, "Ceux d'en haut" - Une saison chez les décideurs, éditions Le Seuil, Documents Essais d'actualité, 272 pages, avril 2013, Gencod 978-2-0210-7137-5
Hervé Hamon est parti cette fois enquêter dans le milieu des "capitaines d'industrie", les gens de pouvoir qu'il appelle "ceux d'en haut" (de l'échelle sociale). Ils sont dans le privé, tiennent le haut du pavé dans le "CAC 40" ou "pantouflent" dans le secteur public et on dit qu'ils détiennent en fait le pouvoir. Hervé Hamon a voulu en avoir le coeur net et est allé enquêter sur place, discuter avec des patrons, des petits, des moyens et bien sûr ceux qui dirigent les grands groupes français avec les politiques, de maires de grandes villes aux Premiers ministres, tant il est vrai que ces deux domaines ont tendance à s'interpénétrer à travers la porosité avec les grandes écoles et les grands corps de l'état.
Avec ses questions qui parfois dérangent, il les a confrontés à la réalité, celle du pouvoir mais aussi celle du quotidien, leurs rapports avec les médias, avec les politiques, leur rapport à l'argent, « instrument de reconnaissance et de compétition » disent-ils le plus souvent, comment ils vivent des situations parfois difficiles... De Louis Gallois à Louis Schweitzer, De Franck Riboud à Jean-Louis Beffa, de Martin Wahl à Alain Juppé, de Bernard Kouchner à Michel Rocard, de Nicole Notat à Bertrand Delanoë ou Matthieu Pigasse, il les a soumis à sa grille des questions... et sa grille de lecture.
Autant de personnalités, autant de parcours personnels. Héritiers ou self-made man, « pour donner du sens à l'entreprise » dit Franck Riboud, chez Danone, par « esprit libertaire », assure avec aplomb Patrick Stempfel du groupe agro-alimentaire Kermad ou aussi pour « jouer un rôle, exercer une influence » d'après Philippe Wahl de la Banque Postale, leur "trip" c'est jouer les hommes d'influence, et même changer le monde, ou plus simplement prendre une revanche sur leurs difficultés, sur la vie.
Puis viennent les tabous, "là où ça fait mal", celui de l'agacement à propos des rémunérations, celui de leur rôle parfois obscur, les justifications si révélatrices d'un état d'esprit, concernant les licenciements et les fermetures d'usines dans des entreprises pourtant bénéficiaires, même s'ils déplorent la mainmise de la finance sur l'économie, comme Franck Riboud.
Le PDG de Danone, dénonçant « les patrimoines à coups de bonus, de stock-options, d'actions gratuites, c'est terriblement dangereux, c'est le signe d'une gestion qui perd l'équilibre entre le social et l'économique » . Jean-Paul Bailly, patron de La Poste, confronté à la vague de suicides qui a touché son personnel, n' hésite pas à mettre en cause l'action syndicale qui « instrumentalise des faits divers » . [1]
Hervé Hamon sait faire parler, même si on sent bien que finalement les patrons se livrent peu, « les échanges sont un peu trop conventionnels et convenus, les réflexions critiques n’abondent pas », commente dans la voix est libre. [2] L'un d'eux Paul Hermelin, PDG de CapGemini reconnaît cependant : « Je travaille ici, à l'Etoile, j'habite en face, derrière Louis Vuitton, c'est une déformation du monde terrible » .
Notes et références
[1] Commentaire de Jean-Paul Bailly parlant de certains postiers : On ne les emmerdait pas, on disait que ça faisait partie du casting, et on les laissait dans leur coin. Maintenant, ils n'ont plus leur place dans les entreprises même si, à la Poste, ils restent boucler leur carrière, et font des déprimes à répétition. Ils seraient mieux hors de l'entreprise".
[2] "Hervé Hamon épie Ceux d’en haut" article du du 22 avril 2013.
Voir aussi
* Franck Riboud, PDG de Danone : "Je ne suis ni Pinault fils ni Lagardère fils"
* Paul Hermelin, PDG de CapGemini : "Oui, c'est possible d'être un patron de gauche"
* Philippe Wahl, PDG de la Banque postale : "l'argent isole et corrompt" surtout "quand on le cherche pour lui-même et non plus comme moyen".
<<< Christian Broussas – Courmangoux, 19 mai 2013 - <<< © • cjb • © >>
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