lundi 29 septembre 2014

Philippe Sollers Médium

        

Encore, pourrait-on dire, un livre de Philippe Sollers sur Venise. Après son premier voyage dans la Cité des Doges, en 1963, à 27 ans, la Sérénissime va  constituer l'élément de la construction narrative de ses romans, de Femmes (1983) à La Fête à Venise (1991), du Lys d’or (1989) au Dictionnaire amoureux de Venise (2004) qu'il n'a de cesse d'explorer comme un besoin infini.

C’est dans ce décor somptueux que se déroule Médium, qui commence par « La magie continue. » On retrouve Philippe Sollers dans un petit restaurant avec terrasse qu'il connaît bien, La Riviera, sur les quais de Venise vers la gare maritime : « Quand j’arrive ici, dans le retrait, la lenteur, l’obscur, tout va très vite. Je n’ai pas à m’occuper de ce qui va surgir, ma plume glisse, elle trace les mots. » Comme à son habitude, il nous entraîne dans ses rêveries et ses rencontres.

    

Au-delà de l'art, peinture, sculpture, musique, se profile La Femme, médium-symbole, de la Piémontaise Ada, brune aux yeux bleus, masseuse experte à Loretta, la petite-fille du patron de La Riviera. « Loretta, Ada, Lydia, petit opéra sensible. J’aime leurs chemisiers, leurs blouses, leurs jupes, leurs pantalons, leurs peignes d’écaille dans les cheveux, leurs rires, leurs voix. »

Au-delà aussi du transport amoureux, le médium porte une vibration interne qui est de l'ordre du sensuel. De Venise, l'esprit de Sollers vagabonde à travers les fêtes, les messes, les complots,  accompagné par le duc de Saint-Simon, « 7000 pages, 854 personnages, nuits à la bougie dans son château nécropole », Sollers tisse peu à peu ce qu'il nomme son « Manuel de contre-folie »

Venise aussi apparaît comme médium dans les escapades de l'auteur, dans la magie que dégage la ville, écrivant  « on la voit sans la voir, on l’entend sans l’entendre, elle disparaît et soudain, dans une clarté imprévue, elle est là.  » Et surtout se dessine l'écrivain, celui qui transcende l'ensemble, brode les images, fait les liens nécessaires avec son manuel de contre-folie, ce qu'il traduit dans son style fleuri, « Émulsion de l’espace, convulsion du temps, force des couleurs, netteté des sons, toucher de soie. La vraie révolution aujourd’hui, c’est de ne pas désespérer, mais d’aimer, de croire et de s’évader. »

Pour Sollers, il faut sans tarder pratiquer la contre-folie, histoire de se désintoxiquer de la vie actuelle, de la pression du quotidien, « laisser passer trois autobus sans les prendre, lire les classiques chinois de 3 à 5 heures du matin » préconise ironiquement comme antidote à la folie ordinaire.

Si l'on retrouve dans ce roman tout le talent de conteur de l'écrivain, on retrouve aussi quelques-uns de ses travers comme un récit assez décousu trahissant quelques relents de snobisme et d’inconséquences quand par exemple il ironise sur Montaigne prosterné devant un jésuite alors que lui-même a reçu l’accolade d’un pape.

                                  

Voir aussi mes autres articles sur Philippe Sollers :
* Philippe Sollers et son oeuvre, inclus Portrait d'un joueur et Casanova
Philippe Sollers A propos de Machiavel
*  Philippe Sollers L'éclaircie
Philippe Sollers Portraits de femmes
*  Philippe Sollers L'évangile selon Nietzsche

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