Références : Philippe Djian Chéri-Chéri, éditions Gallimard, collection Blanche, 208 pages, octobre, 2014, isbn 9782070143184
Faces de Janus ou Mister Hyde, Denis le héros de Philippe Djian a deux visages, deux personnalités qui semblent a priori peu compatibles. Si le jour Denis est un écrivain et un critique anonyme qui peine à gagner sa vie, la nuit il se mue en Denise, dansant dans un cabaret, du haut de ses talons.
Si sa femme Hannah a fini par accepter cette situation, il n'en est pas de même de Paul son beau-père, une espèce de mafieux qui s'installe dans leur immeuble et décide de transformer ce gendre fantasque dont il n'apprécie guère les extravagances nocturnes, en "vrai" mec pour en faire un homme de main. Par contre la belle-mère Véronica est plutôt "intéressée" -et même un peu plus- par la personnalité de son gendre.
Pour le mettre à l'épreuve, Paul décide de confier à Denis, assisté de Robert, la récupération des impayés à ses débiteurs. Mais contre toute attente, il s'en sort fort bien, très à l'aise dans la peau de son nouveau personnage.
Dans ces histoires à rebondissement qui tissent peu à peu leurs liens, Denis va publier un roman sur Robert, l'homme de main de Paul, livre qui obtiendra un succès inespéré, tandis que Paul est victime d'une tentative d'assassinat dont il ressortira en n'étant plus que l'ombre de lui-même. Mais si parmi ces quatre protagonistes, chacun trouvait un intérêt à se débarrasser de Paul, qui donc a bien pu passer à l'acte ?
Rien d'un polar ici, et ces histoires à rebondissement pourront évoluer et se dénouer à travers un banal accident de voiture. « Le roman pourrait s’arrêter là, mais je n’aime pas les livres qui
commencent à A pour finir à Z ! » dit Philippe Djian dans une interview. [1] Affaire de famille alors ? Car Veronica reprend les
activités de Paul et devient la maîtresse de Denis, main entre temps, Hannah sa femme tombe enceinte, tandis que Paul
s'accroche à Véronica…
Sur la signification de ces histoires entrecroisées, Philippe Djian y attache moins d'importance qu'au style et au travail sur le langage [2] auquel il est devenu particulièrement sensible, précisant la conception de son travail d'écrivain « en tant qu’écrivain, je dois mener cette réflexion par rapport à la
langue, moins visible a priori que l’histoire elle-même, mais plus
importante à mes yeux. Selon moi, le problème, ce n’est pas le roman,
c’est la phrase. » Il recherche avant tout ce qu'il appelle « la substance et la coloration du monde
dans lequel on vit aujourd’hui. » La phrase doit refléter le rythme accéléré, cette espèce d'urgence qui est la marque de notre époque.
Notes et références
[1] Interview Gallimard d'octobre 2014
[2] Il précise, toujours dans la même interview « Je travaille plutôt sur la grammaire et les signes typographiques, afin
que le livre ait une forme visuelle qui me plaise. Plus de chapitres,
plus de guillemets, plus de tirets pour les dialogues, d’alinéas pour
démarrer un paragraphe, etc. »
Critiques et commentaires
* « Philippe Djian met en scène sa propre vision de la littérature en
prônant le transgenre, la réinvention de soi, la liberté d’être
multiple, bref, la liberté tout court. » Nelly Kaprièlian, Les Inrockuptibles
* « Philippe Djian a toujours aimé les personnages d’écrivains mais, cette fois, il s’en donne à coeur joie. Une parodie du monde des lettres et une "autoparodie" en petite tenue. »Marguerite Baux, Elle
Références bibliographiques
* David Desvérité, "Philippe Djian, en marges", préface de Virginie Despentes, éditions Castor Astral, 600 pages, 2014, isbn 978-2859209957
* Voir mes autres fiches sur Philippe Djian :
- Philippe Djian, "Impuretés" -- Philippe Djian, "Oh" (prix Interallié 2012) --
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Christian Broussas, Feyzin - Djian - 11/2014 © • cjb • ©
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