mardi 27 janvier 2015

Pierre-Jean Rémy Don Juan

          Pierre-Jean Rémy à l'Académie française 

« Son œuvre a puissamment contribué à faire connaître au grand public le métier de diplomate et les trésors des archives diplomatiques (...) Avec lui, s'en va l'une des figures les plus originales et les plus attachantes de la diplomatie et de la littérature française ». Bernard Kouchner, alors ministre des affaires étrangères.
 
Le mythe de Don Juan a toujours attiré les écrivains, comme beaucoup d’autres mythes sans doute mais celui-ci plus que d’autres, un mélange indéchiffrable de réalité mitonné de fantasmes nés d’imaginations fertiles. Ce savant dosage de mythe et de réalité est sans doute ce qu’il manqua à Casanova pour l’élever à la dimension du mythe, un personnage, trop réel, marscessible, qui se délite au fil du temps, destiné à suivre l’évolution de l’humaine condition.

La grande question, celle qui excite le romancier, est de savoir quelle fatalité peut entraîner un homme à se perdre lui-même, fut-ce avec les femmes, quel peut être le destin d’un être humain dominé par ses passions, s’il existe même d’autre issue que le drame. Destin fabuleux certes, mais aussi vie si aventureuse qu’elle laisse bien loin derrière les délires romanesques de la fiction. 

     
Pierre-Jean Rémy ne s’en prive pas et entraîne le lecteur dans un tourbillon d’aventures rocambolesques à grands galops à travers l’Europe, poursuivis par une meute de vengeurs, d’hommes bafoués et de cocus. Roman de capes et d’épées comme on disait au siècle passé, aventures picaresques dans la grande tradition de Cervantès et ses successeurs.

D’une place baroque de l’Espagne où il a aimé et même violenté une jeune fille altière qui appelle son frère à la vengeance et le pourchasse, se rue sur ses traces pour venger son honneur, à une bastide provençale où il séduit encore trois jeunes filles si naïves et ingénues en leurs tendres années, son passé rejaillit, des images de sa jeunesse l’assaillent, il se revoit  enflammé par ses premières amours, cette grande dame qui l’initia et décida de sa destinée, cette jeune fille si naïve qui enflamma son imagination en dévoilant à peine un sein d’un mouvement délicat . 

Don Juan ne cesse de fuir et de se fuir lui-même, des rudes plateaux ardéchois où le soleil darde sans pitié, des villes désertées où rôde la peste, des grandes forêts compactes du Bourbonnais  jusqu’aux tendres et reposants paysages de Bourgogne. Où qu’il aille, quelque que soient les havres où il se réfugie, il retrouve sa femme légitime, à la fois et ange gardien, celle qui s’accrochent à cet homme volage comme si c’était son destin à elle, autre volet de la passion, d’errer indéfiniment à la recherche d’un bonheur qui la fuit aussitôt qu’elle espère l’avoir rattrapé. 

Le Don Juan de Pierre-Jean Rémy ne cesse de s’interroger sur son destin, celui d’un homme errant, traqué par les spadassins, toutes les polices qui ne peuvent admettre qu’on transgresse ainsi l’ordre établi et qu’on se moque à ce point de l’Église. Il se demande comment le destin peut à  ce point se jouer de lui, pourquoi hanter les salons parisiens interlopes, peuplés d’une faune de prostituées, de grandes dames et de comédiens ambulants, à courir ainsi des thermes de Bade et des brouillards pragois à la montagne salzbourgeoise.

L’auteur en profite aussi, et ce n’est pas le moins intéressant de ce livre, pour brosser une peinture peu flatteuse de la société de ce temps –celle du XVIIIe siècle- dans un style enlevé à la Dumas, dans un monde interlope fait de bourreaux et de moines déments, de tricheurs, un monde décadent où la morale traditionnelle se délite rapidement et se déclinent en grands seigneurs et grandes dames qui virent criminels.
La décadence se retrouve dans des boudoirs où se prélassent les belles dames des classes privilégiées, où la femme est souvent considérée comme un objet aussi bien pour Don Juan que pour les héroïnes de Sade, peu ayant le pouvoir, comme madame de Merteuil, de maîtriser leur destinée.

                 
   
Contaminé par Constance Mozart lors d'un séjour à Bade, il rejoint la grande "fraternité des  vérolés", avant de gagner Prague dans de grandes souffrances. Don Juan est doublement vaincu par ce sentiment inconnu d'aller vers une relation plus sentimentale avec ses conquêtes, qui se font désormais beaucoup plus rares... cette maladie lui interdisant pour le moment tout commerce avec les dames. Lassé d'avoir à ses trousses une armée de vengeurs comme doña Anna à la vindicte homicide -qu'il a naguère violée en Espagne- ou sa femme légitime doña Isabelle qui le tire souvent des guêpiers où il se fourre, avec Pedrille son inamovible valet. Sans doute aussi, les discussions avec des hommes comme Cagliostro, Casanova alias le chevalier Dandini et le docteur Spalanzani l'ont-elles fait réfléchir sur le sens de la vie.  

Don Juan fit la connaissance d'un certain Mozart qui montait sa dernière œuvre intitulée Don Giovanni où l'ange déchu transformé en statue de pierre, croyait encore pouvoir s'ouvrir au ciel. Hasard vraiment bizarre.  

C'est dans la cathédrale de Salzbourg qu'il acquit la conviction qu'il lui fallait jeter au monde et d'abord à lui-même, un ultime défi. C'est aussi dans une demeure semblable à celle de Tolède que tout fut consommé, que le drame se joua. L'amour impossible et pourtant le seul véritable entre doña Anna et Don Juan, puisque l'examen des manuscrits de l'abbaye de Saint-Florian était sans appel : doña Anna était sa sœur et l'inceste était consommé, cette fois en toute connaissance de cause pour Don Juan. Son destin était alors scellé, il devait s'accomplir, sans repentir quand l'épée hésitant d'Octave parvint à le transpercer.

En complément : Orient-Express et Pandora

*Orient-Express
- « Ce livre est si exemplaire qu'on pourrait y chercher les composantes du romanesque. » Le Monde 
- « Il y a bien des choses et un sacré savoir dans ce roman qui se lit d'une traite. » Les Nouvelles littéraires

* Pandora
- « Décidément il faut se rendre à l'évidence : Pierre-Jean Rémy est notre plus grand feuilletoniste contemporain. » Le Matin
« Une bouffée de rêve, de beauté et de folie, un plaisir souvent oublié, celui de la lecture d'un roman envoûtant. » La Vie
- « Talent fou et somptueuse symphonie où tous les thèmes du roman populaire marient avec un luxe des voix et des décors. Une telle virtuosité laisse sans parole. » Le Magazine littéraire

<< Christian Broussas - Rémy Don Juan - Bandol, 27/01/2015 © • cjb • © >>

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