vendredi 20 mars 2015

Jean Anglade le centenaire

Cent ans et toujours bon pied, bon œil pour Jean Anglade que certains traitent avec beaucoup de condescendance d'écrivain régionaliste parce qu’il a effectivement souvent pris pour cadre son Auvergne natale. Lui qui s’exclamait lors de cet anniversaire séculaire, « Si j'avais un secret de longévité, ça fait longtemps que je l'aurais vendu et je serais milliardaire! »
 
L’auteur auvergnat, qui compte une centaine d’œuvres à son actif, sort pour l’occasion son nouveau roman, Le Grand Dérangement et en a commencé un autre La Cage aux merles blancs, qui se passe dans une maison de retraite, sans doute celle où il vit depuis quelque temps à Clermont-Ferrand où dit-il avec malice, « j’ai une vue splendide sur le Puy-de-Dôme. »

Bien sûr,  né à Thiers en 1915, très lié à Alexandre Vialatte et à cet autre écrivain "régionaliste" Henri Pourrat (l’auteur de Gaspard des montagnes), il tient à ses racines auvergnates et à une région qu’il n’a guère quittée. « Paris est très loin », affirme-t-il laconiquement. Cette étiquette d’écrivain régionaliste qu’il récuse, « je ne suis pas uniquement régionaliste » s’exclamait-il encore récemment, occulte en fait une œuvre multiple constituée de romans, poésie, théâtre, livres d'histoire et ouvrages pour la jeunesse. 

L’Auvergne reste le phare de sa création, sa toile de fond privilégiée, et il est surtout connu pour des œuvres comme  Les Ventres jaunes, l’histoire d’une famille de couteliers de Thiers ou Une Pomme oubliée, publié en 1969, qu’il situe dans un petit hameau auvergnat.

Mais, il a aussi écrit des romans comme La Foi et la Montagne, qu’il situe aux Philippines (Prix des Libraires en 1962), Le Point de suspension, pendant la guerre du Vietnam ou encore Les Chiens Vivants, histoire d’un huis clos de nazis attendant leur procès à Nuremberg. Car, ce qui l’intéresse d’abord, plus que la géographie auvergnate, c’est dit-il,  « par-dessus tout l'homme, qu'il soit auvergnat ou chinois ». Et d'ajouter : « Ma planète c’est l’Homme. L’Homme avec ses bassesses et ses grandeurs. »

Dernière photo de famille avant le départ à la guerre du père de Jean, DR Jean Anglade      Jean Anglade nourisson entouré de sa mère et de sa grand-mère, DR Jean Anglade 










    


       

Avec ses parents                    Avec sa mère & sa grand-mère   

C'est le grand succès de Pomme oubliée, l'histoire d'une vieille paysanne isolée dans le Livradois,  qui fait de lui un conteur, plus soucieux désormais de décrire les traditions, les métiers, de générer un monde d'ambiance et d'émotions  que de recherches stylistiques. 

Le "Pagnol auvergnat" comme certains l’ont surnommé, témoigne d’un vingtième siècle à la fois traversé de bouleversements rapides mais aussi d’une continuité de la France rurale et dont son ami Alexandre Vialatte disait  qu’il avait « le génie de la belle histoire. De l'histoire pour elle-même, à laquelle on croit, comme on croit au fait divers fourni par l'actualité - une histoire qu'apporte le colporteur, que le trouvère vient chanter, que le conteur arabe interrompt pour ramasser des sous… C'est admirable. »

Il fait sienne cette phrase de Blaise Pascal son compatriote, auquel il a consacré une biographie [1] : « Entre le ciel et la terre, il y a notre vie qui n’est pas grand-chose. » Il se souvient de ses premiers pas, quand « comme les oiseaux qui picorent, d’instinct j’ai picoré des poésies à l’école, avant d’en composer. »

Ainsi lui reviennent ses jeunes années, le village d’Escouroux près de Thiers où il est né, son père, « l’homme à la truelle », maçon mort sur la Somme en 1916, sa mère modeste servante qui reçoit l’aide de l’oncle coutelier pour élever l’enfant, « J’ai vécu une enfance rude dans un milieu très modeste », conclut-il simplement.

Doué pour les études, il sera professeur de lettres et agrégé d’italien, sans doute parce qu’il y avait alors beaucoup d’immigrés italiens à Thiers. Ce sera ensuite l’enseignement en Tunisie puis le lycée Blaise Pascal à Clermont-Ferrand où il officiait parfois dit-on en « jouant de la mandoline ». Il est resté une espèce d’humaniste : « La vie m’a appris à connaître les gens sans les condamner. » [2] Par exemple, il n’en a jamais voulu à l’Allemagne de la mort de son père, évoquant la misère des vaincus dans son roman L’immeuble Taub ou l’attitude des prisonniers français dans Le voleur de coloquintes ou Le pays oublié.
Il ressemble un peu à son héroïne du Grand Dérangement qui « croyait en Dieu comme elle croyait au soleil et aux étoiles. » 


  Jean Anglade en 2010

Notes et références
[1]
Jean Anglade, "Pascal, l'insoumis", éditions Perrin
[2] Jean Anglade , "Confidences auvergnates", éditions Bartillat


Voir aussi
* Jean Anglade : sa vie
* Jean Anglade "Le tour du doigt"

< Christian Broussas Anglade - Carnon, 20 mars 2015 © • cjb • © >

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