samedi 30 mai 2015

Haruki Murakami Le passage de la nuit



Références : Haruki Murakami, "Le passage de la nuit", éditions Belfont, dans une tradition d'Hélène Morita avec la collaboration de Théodore Morita, 230 pages, 2007

1- Introduction

Le Passage de la nuit de l'écrivain Haruki Murakami, publié au Japon en 2004, n'a été disponible en France qu'en 2007. Son titre original n'est pas en japonais mais une transcription de l'anglais "After dark" (Après la tombée de la nuit) à partir du Katakana. [1]

2- La trame narrative
Une nuit à Tokyo, deux sœurs vont vivre d'étranges expériences. L’histoire se circonscrit autour des deux sœurs Eri et Mari Assaï, aussi différentes dans leur vie que dans leur comportement, qui n'ont jamais pu avoir de vraies relations de sœurs. Eri est une jeune mannequin qui aime le luxe et la sophistication mais souffre d'un manque de reconnaissance, d'une personnalité bien marquée. Au début du récit, elle dort sans  savoir qu'elle est observée. Mari, au contraire, se complait dans une vie assez marginale. La nuit en question, elle est allée dans un fast-food pour lire et fumer, rencontrant une ancienne connaissance Takahashi, avec lequel elle va beaucoup échanger, sans se décider à regagner son domicile.Takahashi, l'homme dont la devise est : « marcher tranquillement et boire beaucoup d'eau. »

Dans ce monde de la nuit, c’est par le truchement des différentes rencontres avec une gérante d’hôtel, une prostituée et un musicien qu’on apprendra peu à peu les liens qui l’unissent à sa sœur.



3- La trame symbolique 

L'histoire et le style sont épurés jusqu'à faire transparaître l'essentiel, les relations des deux sœurs. L'auteur procède par touches comme dans la rencontre avec une prostituée chinoise dans le 'love-hôtel' Alphaville. Leur relation reste superficielle même si Mari parle le chinois et pourrait très bien engager un véritable dialogue avec la prostituée. Celle-ci, battue et dévalisée par un client,  retrouve son proxénète qui a dans l'idée de la venger mais qui finalement, y renoncera. Shirakawa, le client en question, est un homme dont le mode de vie sans surprise cache un tempérament  solitaire et secret.

Eri dort, d'un sommeil profond semble-t-il, alors pourquoi Mari confie-t-elle à Shirakawa « elle n'essaie pas de se réveiller ? » Koorogi, qui travaille aussi au "Love-hôtel", confie à Mari : « Quand je vais me coucher... je me dis toujours "Ah, ce que j'aimerais, c'est ne plus me réveiller du tout. Qu'on me laisse dormir jusqu'au bout. Comme ça, j'aurais plus rien à penser." »

Roman d'atmosphère, il se situe comme la plupart des romans de Murakami à la frontière entre réalité et fantastique, comme par exemple un poste de télévision qui s'allume brusquement ou ce miroir qui conserve les reflets, où tout parvient finalement à prendre sens. Tokyo devient comme une métaphore du cosmos, dominé, contrôlé par une espèce de "grand timonier" , une métropole repliée sur elle-même, le genre de panoptique, de société de surveillance telle que l'a dénoncée Michel Foucault. [2] 

La fuite du temps est l'élément majeur du roman, symbolisé par l'horloge dessinée au début de chaque chapitre pour préciser l'heure pendant laquelle se situe la narration. « Un autre lieu, une autre horloge..., les aiguilles indiquent 4h 31 »  écrit-il pour décrire la veille de Shirakawa qui « consulte l'horloge murale. Elle indique 4h 33. La trotteuse tourne sans à-coups sur le cadran. Le monde avance sans à-coups en suivant son cours. » 
Quand elle dort, Eri est si belle qu'elle ressemble à La Belle au bois dormant pensent Mari et Koorogi. Elle semble dormir à jamais et Mari a l'impression « qu'il n'y a aucune raison de penser qu'il existe une autre vie. »

Notes et références
[1] Les katakanas représentent un ensemble de signes équivalant à des syllabes et sont utilisés dans le système d'écriture japonais pour transcrire en particulier les mots étrangers.
[2] Voir Michel Foucault, "Surveiller et punir", éditions Gallimard, 328 pages

Voir mes fiches sur Murakami :
*
Haruki Murakami et 1Q84 

* Le passage de la nuit --
* L'incolore Ttsukuru Tazaki
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