Lyon médiévale : le musée Gadagne
L'année 1529 s'ouvre sous de mauvais augures : les années précédentes ont connues des récoltes à peine suffisantes et l'hiver 1528-1529 a été particulièrement rigoureux, ce qui signifie une hausse des prix que les autorités tentent d'endiguer avec les stocks constitués. Mais le bruit court que les commerçants ont l'intention d'exporter leur blé vers le Piémont.
La Grande Rebeyne [1] va naître de la peur de la population lyonnaise d'être privée de la céréale indispensable au profit des italiens, qu'en tout cas, elle ne puisse plus acheter de blé à cause de son prix trop élevé. Malgré la réaction du Consulat de Lyon pour limiter la hausse des prix, le 18 avril des affiches signées Le Pôvre sont placardées dans toutes la ville. [2]
Elles appellent à un rassemblement le dimanche 25 avril sur la place des Cordeliers pour aller chercher le blé dans le greniers des riches. Le mot d'ordre est un succès puisque le dimanche 25 avril, quelque 2000 personnes se réunissent dans le cloître des Cordeliers.
Le Pôvre, qui craint qu'il n'y ait à terme plus de pain, se pose comme une victime d'usuriers, larrons, spéculateurs sur le blé, qui de plus sont selon lui protégés par le Consulat, le gouverneur et les gens de justice.
Pendant que le tocsin sonne à l'église Saint-Nizier, pas très loin mais de l'autre côté de la presqu'île, vers la Saône, des dégradations et des pillages ont lieu, qui ne donnent d'ailleurs aucun résultat. La peur s'empare des notables qui se réfugient dans auprès des chanoines de la cathédrale Saint-Jean. L'agitation continue encore pendant quelques jours dans plusieurs quartiers, en particulier aux Terreaux et sur les Pentes, toute cette partie escarpée qui des Terreaux montent sur le plateau de La Croix-Rousse.
Comme on a toujours rien trouvé, les meneurs entraîne la foule jusque dans l'abbaye de l'île-Barbe, sur la Saône en amont de Lyon. Mais ils sont accueillis par le lieutenant du roi et un détachement de soldats pour canaliser la foule et lui prouver que dans l'abbaye non plus, il n'y a aucune réserve de blé.
L'émeute n'a alors plus de raison d'être.
Mais les autorités ne pouvaient s'en tenir là, elles ont eu une telle peur qu'elles vont leur faire payer cher cette rébellion. On dressa en urgence onze potences à Pierre-Scize au pont de Lyon et les actions judiciaires se poursuivirent pendant quelque deux années, avec des arrêts de justice particulièrement rigoureux entraînant bannissements, pendaisons et envoi aux galères.
Symphorien Champier, médecin et échevin de Lyon dont la maison fut saccagée à cette occasion, se plaint que les serviteurs voudraient être traités aussi bien que les maîtres et accuse « ces maudits Vaudois et Chaignarts venant de Septentrion » [3] d'avoir fomenté ce mouvement de révolte. [4]
Champier portera plainte et rassemblera des témoignages de ses pairs victimes de l'intrusion des émeutiers à leur domicile, les textes parlent de « séditions, pilleries, larcins, monopoles et assemblées illicites faites à son clocher et tocsin, » mettant en particulier en cause Jehan Muzy, maître d'armes appelé « chief et capitaine » par les émeutiers.
Notes et références
[1] La « Grande Rebeyne » en patois lyonnais signifie « émeute »
[2] Voir texte complet ci-dessous
[3] Autrement dit, les réformés venus du nord
[4] Symphorien Champier, L'antiquiquité de la cité de Lyon, 1884
Voir aussi "Histoire du Lyonnais par les textes", Archives municipales de Lyon
Références bibliographies
* André Pelletier, Histoire de Lyon : De la capitale des Gaules à la métropole européenne, Editions lyonnaises d'Arts et d'Histoire, 143 pages, 2007
* Nicole Gonthier, Lyon et ses pauvres au Moyen-Age : 1350-1500, collection "Les hommes et les lettres", édition L'Hermès, 271 pages, 1978
* Lyon, ville rebelle -- Lyon à la Renaissance --
* Jacqueline Boucher, Vivre à Lyon au XVIe siècle, éditions lyonnaises d'Art et d'Histoire, 159 pages, 2001
En complément : L’affiche
des émeutiers
« L'on fait assavoir à toutes gens de la commune
de la ville de Lyon, Premièrement à tous ceux qui ont désir de soustenir le
bien public, pour répugner la malice et fureurs des faux usuriers, plaise vous
à avoir regard comme le détriment du blé nous tombe sus sans l'avoir mérité, à
cause de leurs greniers pleins de blé, lesquels ils veulent vendre à leur
dernier mot, ce que n'est de raison ;
Et si Dieu n'y met la main, il faudra en jeter en
l'eau tant y en a, et ainsi, vu la grâce Dieu et la bonne disposition du temps
et qu'il ne se fait nuls amas de blé pour la guerre, et en outre que justice
favorise avec gens gouverneurs et conseillers, usuriers et larrons, y mettre
ordre ;
Feignant user dignité, ils nous rongent de jour en
jour, comme par vérité le voyez devant vos yeux advenir la cherté dudit blé et
autres denrées, qui est chose vile et infâme ; par quoi à l'exemple des autres
bonnes villes, que toute la commune soit délibérée y mettre bon ordre, telle
que l'en fait au blé avant qu'on l'ôte de la paille, c'est qu'on le bat et
escoux. Il nous faut faire ainsi à ces maudits usuriers et à ceux qui ont
greniers et enchérissent le blé. Sachez que nous sommes de quatre à cinq cents
hommes, que nous sommes alliés ;
Faisons savoir à tous les dessus-dits qu'ils aient à
se trouver dimanche, après-midi, aux Cordeliers, pour donner conseil avec nous
d'y mettre ordre et police, et ce sans faute, pour l'utilité et profit de
pauvre commune de cette ville de Lyon et de moi. »
"Le Pôvre"
<< Christian Broussas - Gde Rebeyne - Feyzin, 23 juin 2015 © • cjb • © >>
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